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Afpa - Mandatement : vers une évolution des pratiques ?

La polémique autour des moyens utilisés par les régions pour faire travailler l'Afpa continue. La région Centre vient ainsi de se faire épingler par le préfet d'Orléans. La région Poitou-Charentes n'a quant à elle pas eu d'opposition à son projet de service public régional de la formation professionnelle. Mais la donne peut évoluer sur ce sujet dans les mois à venir.


Depuis le 28 décembre 2009, la directive Services est entrée en vigueur en France. Et la bataille autour des services publics régionaux de la formation professionnelle se poursuit. Le dernier événement en date : la demande transmise le 9 février 2010 par le préfet d'Orléans à la région Centre de retirer ses deux délibérations instituant en service social d'intérêt économique général (SSIEG) son service public régional de formation. Face au nombre croissant de demandeurs d'emploi et à leurs besoins de formation (95.000 demandeurs d'emploi, dont un tiers qui ont besoin d'une formation qualifiante), la région avait ainsi décidé en novembre 2009 de mettre en place un SSIEG de formation professionnelle, dont la gestion était confiée par mandat direct et pour un an à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). Un mandatement avec octroi de droits exclusifs qui n'est pour le moment pas du goût du préfet de région, puisqu'il ne s'appuie sur aucun texte législatif. On peut pourtant s'étonner que les services de l'Etat n'aient pas réagi de la même manière face à la décision de la région Poitou-Charentes d'instituer un service public régional de la formation selon des modalités elles-mêmes dérogatoires au droit français de la commande publique. Dans une délibération du 15 décembre 2008, le conseil régional de Poitou-Charentes avait ainsi décidé de "qualifier les activités relatives à la formation professionnelle des demandeurs d'emploi dépourvus de qualification professionnelle certifiée de service social d'intérêt économique général sur son territoire de compétence au sens de la Commission européenne, de mettre en place, afin de permettre la réalisation de ces missions d'intérêt général, un ambitieux service public régional de formation professionnelle, et d'affirmer ainsi son caractère d'intérêt général". Une démarche qui contrairement à la région Centre ne lui a pas valu d'opposition de la part de l'Etat. "La région Poitou-Charentes a procédé différemment et sans doute avec un plus grand respect des principes de concurrence puisqu'elle a institué un panel pour sélectionner les nombreux prestataires participant au service public régional de la formation, explique David Soldini, consultant spécialisé en droit de la concurrence et services publics, à l'inverse, la région Centre procède de manière plus directe en octroyant une part du marché à l'Afpa, financé sous forme de subvention." Résultat : sur les deux démarches, l'une se fait épingler et l'autre non… "Les deux procédures sont à la limite de la légalité, et pourtant l'Etat n'a rien dit pour Poitou-Charentes, on est en droit de s'interroger pourquoi, souligne le consultant qui collabore régulièrement avec le cabinet Circé spécialiste de ces questions. A travers cette critique de la procédure de la région Centre, l'Etat cherche sans doute aussi à mettre en garde les régions sur le fait de subventionner l'Afpa de manière si directe."

 

Des évolutions à venir

La donne est en train de changer. La circulaire du 18 janvier 2010 sur les relations entre les pouvoirs publics et les associations donne la possibilité aux collectivités territoriales de subventionner les associations dans le cadre de conventions pluriannuelles d'objectifs (CPO) sans passer par un appel d'offres. Dans ce cas, un projet peut-être financé intégralement mais à la condition que l'association en ait eu l'initiative. Martin Hirsch, Haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, compte lancer une concertation plus large, incluant les collectivités locales, pour résoudre ces problèmes de commande publique. Mais la nouvelle CPO, qui est maintenant assortie d'un modèle de demande de subvention compatible avec le cadre communautaire, ne répond pas vraiment au problème posé par les régions dans le cadre de la mise en œuvre des services publics régionaux de formation. En effet, dans le cadre de la formation professionnelle, comme pour de nombreuses activités aujourd'hui financées par les collectivités locales, ce sont les collectivités qui définissent leurs besoins et font ensuite appel aux prestataires. Elles ne peuvent donc avoir recours aux subventions mais doivent suivre la réglementation en matière de commande publique, ce qui les conduit le plus souvent à appliquer le code des marchés publics. Michel Thierry, inspecteur général des affaires sociales, dans son rapport sur la prise en compte des spécificités des services d'intérêt général dans la transposition de la directive services et l'application du droit communautaire des aides d'état publié en janvier 2009, l'avait bien souligné. "Le recours à la subvention ne s'inscrit pas facilement dans un schéma descendant de commande publique préalable", indiquait-il ainsi, proposant de créer un nouvel outil juridique : des conventions de partenariat d'intérêt général, un mode de contractualisation réservé aux services sociaux actuellement non explicitement chargés de la gestion d'un service d'intérêt économique général. Cette idée de convention figure également dans une proposition de loi déposée au Sénat mais qui a visiblement peu de chances de passer (voir le rapport de la sénatrice Annie Jarraud-Vergnolle). Le changement éventuel dans le domaine de la commande publique pourrait venir de l'Europe. L'audition de Michel Barnier commissaire européen au marché intérieur et aux services financiers devant le Parlement le mois dernier n'a pas permis d'y voir clair. Mais un intergroupe sur les SSIG a été constitué au Parlement européen. Il a tenu sa première réunion le 24 février à Bruxelles
 

Emilie Zapalski