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Lutte contre la désertification médicale : l'APVF et Villes de France font sept propositions

Jugeant que le projet de loi Santé ne va pas assez loin dans les mesures de lutte contre les déserts médicaux, les deux associations d'élus plaident notamment pour une approche plus coercitive en termes d'installation des médecins, pour la création de "territoires prioritaires de santé" et pour l'expérimentation du concept de "responsabilité populationnelle".

L'Association des petites villes de France (APVF) et Villes de France (communes de 15.000 à 1000.000 habitants) organisaient ce 10 avril, avec le concours de la Mutuelle nationale territoriale (MNT), un colloque sur le thème "Désertification médicale : Comment améliorer l'offre de soins dans les territoires ?". Cette manifestation - en présence d'Agnès Buzyn - intervient alors que l'Assemblée nationale vient d'adopter, en première lecture, le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé (voir nos articles ci-dessous des 21 et 26 mars 2019). Or de nombreux élus estiment que le texte ne va pas assez loin dans les mesures de lutte contre les déserts médicaux. En sachant que la question de l'accès aux soins occupe une place de premier rang parmi les enjeux ayant émergé du Grand Débat.

Des sujets d'inquiétude qui persistent

Lors de la présentation de la "Stratégie de transformation du système de santé" par Emmanuel Macron en septembre dernier, l'APVF évoquait "un rendez-vous manqué pour la lutte contre la désertification médicale". Tout en se félicitant de certaines dispositions comme la suppression du numerus clausus, elle continuait de demander des mesures plus coercitives, afin d'"assurer une présence minimum de médecins généralistes dans les déserts médicaux" (voir notre article ci-dessous du 20 septembre 2019).

On retrouve cette approche dans les sept propositions adoptées à l'issue de ce colloque et présentées par Christophe Bouillon, le président de l'APVF - député (PS) de Seine-Maritime et maire honoraire de Canteleu - et Caroline Cayeux, présidente de Villes de France et maire (divers droite) de Beauvais. Certes, les deux associations "prennent acte des avancées" contenues dans le projet de loi Santé : création des projets territoriaux de santé, suppression du numerus clausus, extension du recours aux médecins adjoints...

Elles conservent néanmoins plusieurs sujets d'inquiétude comme le renvoi à des ordonnances sur le périmètre et le contenu des hôpitaux de proximité, même si le gouvernement a fait adopter un amendement précisant leurs missions dans le projet de loi (voir notre article ci-dessous du 14 mars 2019). Elles s'inquiètent aussi de "l'accessibilité à une offre de soins complète toujours difficile en milieu rural" et d'un dialogue et d'une concertation entre les élus locaux et les ARS "qui localement restent largement à améliorer en ce qui concerne les décisions de restructuration hospitalière".

Pour la création de "territoires prioritaires de santé" sur le modèle des QPV

L'APVF et Villes de France ont donc adopté sept "propositions communes et partagées pour lutter contre la désertification médicale". Sans surprise, la première est la mesure coercitive consistant à ne plus conventionner les praticiens s'installant dans les territoires considérés comme surdotés. Jusqu'à présent, les ministres de la Santé successives - Marisol Touraine comme Agnès Buzyn - se sont opposées à cette approche, au profit de mesures incitatives comme le développement des maisons de santé.

Plus original : les deux associations proposent la création de "territoires prioritaires de santé", sur le modèle des quartiers prioritaires de la ville et qui, comme les QPV, ouvriraient droit à des financements spécifiques de l'État. Elles préconisent aussi de renforcer la pratique de la mutualisation des praticiens hospitaliers dans les bassins de vie et de développer les formations de maître de stage des universités dans les zones sous-denses, deux dispositions qui ne figurent que partiellement dans le projet de loi Santé.

Réaffirmer la place des élus dans les hôpitaux

Autre proposition : "Inciter à l'expérimentation du concept de 'responsabilité populationnelle' qui permet, par une étude des besoins en matière de santé d'un territoire, de proposer une offre de services accessibles, continus, globaux et de qualité? en misant sur la prévention." Plusieurs amendements identiques, auxquels les deux associations ne sont pas forcément étrangères, ont introduit cette notion de médecine populationnelle dans le projet de loi Santé, mais de façon proclamatoire et sans conséquence concrète.

Autre préconisation déjà pour partie engagée : le développement technique et financier de l'innovation en matière de téléconsultation et de télémédecine (voir notre article ci-dessous du 13 mai 2018). Enfin, les deux associations souhaitent "réaffirmer la place et le pouvoir de décision de l'élu dans les conseils de surveillance des centres hospitaliers". Elles estiment en effet qu'"aujourd'hui, les élus locaux n'ont plus un véritable de pouvoir de décision sur la politique menée par les hôpitaux, il s'agit de leur en redonner". Une place des élus qui a été - il est vrai - quelque peu marginalisée par la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoire) du 21 juillet 2009, puis par la création des GHT (groupements hospitaliers de territoire) en 2016. Autant de propositions que devraient se retrouver sous forme d'amendements lors de l'examen du projet de loi Santé au Sénat, en juin prochain.

 

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