Accès aux soins - Accueil largement positif pour la stratégie Santé, notamment sur l'exercice partagé ville-hôpital
Présentée le 18 septembre par Emmanuel Macron (voir notre article ci-dessous du même jour), la "Stratégie de transformation du système de santé" suscite des réactions largement positives, tout particulièrement chez les représentants des professionnels de santé. Si les orientations sont presque unanimement saluées, les interrogations persistent sur les moyens qui doivent accompagner cette restructuration en profondeur de l'offre de soins.
Les fédérations d'établissements de soins sur la même longueur d'onde
Les premiers concernés par cette stratégie sont bien sûr les représentants des acteurs de santé. Du côté des établissements de soins, la FHF (Fédération hospitalière de France) apprécie un plan qui n'est pas "une énième réforme de l'hôpital ; c'est bien l'ensemble du système de santé qui devra évoluer en intégrant notamment des mesures sur l'organisation de la médecine de ville et sur ses missions d'urgence". Autre élément apprécié : une réforme qui met l'accent sur l'approche par les territoires. Dans une interview au Figaro, Frédéric Valletoux, le président de la FHF (et maire de Fontainebleau) salue "un discours cohérent, volontariste, ambitieux, et surtout qui appelle tous les acteurs publics ou privés à prendre leurs responsabilités". Frédéric Valletoux s'inquiète en revanche pour le financement, rappelant que le gouvernement demande aux hôpitaux publics 960 millions d'euros d'économies pour 2018 et que même l'Ondam à 2,5% augmentera moins vite que les charges.
Réaction similaire pour la Fehap (établissements privés à but non lucratif), qui salue, elle aussi, l'annonce d'une stratégie "qui apporte une réponse structurelle aux problématiques de la santé en France et son caractère très opérationnel". La fédération "se félicite de l'attention portée par le gouvernement au rôle des médecins et soutient particulièrement la mesure de financement des postes de médecins généralistes à exercice partagé ville-hôpital". Elle entend cependant rester vigilante, notamment vis-à-vis de "financements bienvenus, mais encore flous".
La FHP (cliniques privées) est sur la même longueur d'onde. Dans une conjonction rare pour les trois fédérations d'établissements de soins, elle salue "des mesures pertinentes et la volonté de rassembler les acteurs de santé". Elle apprécie notamment le fait que "l'exécutif a pris conscience qu'il est nécessaire de mettre les moyens en phase avec les exigences de la transformation. C'est un effort significatif qui rompt avec la logique délétère des années précédentes".
De son côté, la Mutualité française se réjouit d'une "réforme ambitieuse", mais "souhaite un soutien plus fort de l'action des centres et maisons de santé installés dans les quartiers de la politique de la ville". Favorable à des mesures plus coercitives sur l'installation des médecins, elle considère aussi que la suppression du numerus clausus "n'est pas une réponse suffisante à l'inégale répartition des médecins sur les territoires".
Enfin, l'Uniopss (établissements sociaux et médicosociaux) constate que "la stratégie de transformation du système de santé s'intéresse plus particulièrement aux professionnels de ville et aux hôpitaux et oublie les établissements et services médico-sociaux, en particulier le domicile, secteur pourtant en grande tension". Agnès Buzyn avait toutefois annoncé, il y a quelques mois, des mesures spécifiques pour les Ehpad et la prise en charge de la dépendance.
Satisfecit – presque – unanime chez les libéraux
Les plus satisfaites sont toutefois les organisations représentant les médecins libéraux. Cette large adhésion peut surprendre, face à un chef de l'État qui n'hésite pas à vouer aux oubliettes le modèle traditionnel du médecin de famille ou du médecin de campagne, en déclarant que l'exercice isolé est "une aberration". Il est vrai qu'après des relations tendues avec le précédent gouvernement, les représentants des médecins libéraux ont été associés de très près à l'élaboration de la stratégie Santé.
La CSMF "se félicite d'une orientation forte vers un statut mixte du médecin, partagé entre la médecine de ville et l'hôpital, proposition qu'elle porte depuis plusieurs années". Elle espère que "cela deviendra une réalité, afin d'attirer les jeunes générations vers l'exercice libéral". Elle est également favorable à la création du métier d'assistant médical, un projet qu'elle porte depuis 2011. Mais elle estime que la mise en œuvre des mesures annoncées "nécessitera une grande vigilance, afin que la médecine de ville ait les moyens d'assurer l'ensemble de ses missions dans les meilleures conditions"
ReAGJIR (jeunes généralistes) explique que "de manière générale, nous nous réjouissons que la question de l'organisation des soins revienne sur le devant de la scène. L'ampleur des mesures annoncées est révélatrice de la prise de conscience de nos politiques que les systèmes de coercition ou quotas ne sont pas une solution pour régler les problèmes liés à la démographie médicale". L'organisation espère maintenant "que ces annonces seront suivies d'applications concrètes".
Pour sa part, MG France (généralistes) voit dans la création du métier d'assistant médical "une solution pour les patients et les médecins". Le syndicat estime aussi que le fait "d'organiser les soins de ville afin de mieux répondre aux demandes de soins de la population [...] répond à une attente très ancienne des professionnels de santé libéraux".
Même le conseil national de l'Ordre des médecins, toujours très mesuré dans ses réactions, se déclare "globalement satisfait" des annonces, même si son président attend "des clarifications, sinon des précisions sur de nombreux sujets". Réaction voisine pour l'Ordre national des infirmiers, qui "se félicite que le président de la République ait pris conscience de la nécessité de mettre la santé à l'agenda politique", tout en regrettant des "annonces très médicocentrées. La réforme de la santé ne peut se résumer à celle de la médecine". En revanche, une réforme passe mal auprès des infirmiers : la création des assistants médicaux. Pour l'Ordre, "c'est même un grave retour en arrière vers une médecine d'un temps révolu, celle d'une époque où les épouses des médecins travaillaient gratuitement au cabinet".
Seule position globalement négative parmi les professions de santé : celle de la Fédération des médecins de France (médecins polycatégoriels à exercice libéral), pour qui "le gouvernement n'a pas saisi l'ampleur de la catastrophe, il joue petit bras". La FMF estime en effet qu'alors que "le système de santé tombe en quenouille, c'est un peu désespérant d'entendre ce discours-là".
Les élus pour l'heure discrets
Face à un ensemble de mesures largement centrées sur les enjeux des soins de proximité, les associations de collectivités territoriales - représentées dans les groupes de travail - ont pour l'heure été peu nombreuses à réagir.
Les réactions sont notamment venues des représentants des intercommunalités. L'ADCF a ainsi pris connaissance du plan "avec le plus grand intérêt". Son président, Jean-Luc Rigaut, a "salué la volonté de prendre en compte les réalités territoriales et les bassins de vie, en tournant la page des restructurations drastiques et concentrations de l'offre de soins des dernières années". L'ADCF se reconnaît pleinement dans "la volonté de s'appuyer sur les communautés territoriales de professionnels de santé, en valorisation les coopérations et les solidarités". Elle souscrit aussi "pleinement" à l'objectif d'organiser une offre de soins gradués. Elle appelle néanmoins à des politiques incitatives "plus performantes" en matière d'installation des professionnels de santé et d'équilibre territorial de l'offre de soins.
Du côté des élus de France urbaine, plusieurs élus ont témoigné d'un certain enthousiasme au lendemain de la présentation du plan, à l'occasion de la Conférence des villes. "France urbaine va s'engager à fond sur la question de la santé", a ainsi assuré le secrétaire général de l'association, André Rossinot.
L'APVF (petites villes) fait pour sa part entendre une voix discordante. A ses yeux, le plan Santé "constitue un rendez-vous manqué pour la lutte contre la désertification médicale". Si certaines réformes, comme la suppression du numerus clausus, sont perçues de façon positive, l'APVF continue d'estimer que des mesures plus coercitives sont indispensables pour "assurer une présence minimum de médecins généralistes dans les déserts médicaux".