Accès aux soins - Vers une commission d'enquête pour évaluer l'impact des politiques de lutte contre les déserts médicaux
Philippe Vigier, député d'Eure-et-Loir, et ses collègues du groupe UDI ont déposé une proposition de résolution "tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des Français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain". Le groupe UDI a obtenu la création de cette commission d'enquête dans le cadre de son quota (voir notre article ci-dessous du 6 février 2018) et elle devrait donc déboucher dans les prochaines semaines.
Un phénomène qui menace la cohésion sociale
Philippe Vigier, qui sera le rapporteur de la commission d'enquête, ne cache pas sa préférence pour des mesures coercitives - comme le conventionnement sélectif - afin de contraindre les médecins à s'installer dans les zones sous dotées. En 2016, le député d'Eure-et-Loir avait ainsi déposé, pour la seconde fois, une proposition de loi, finalement rejetée par l'Assemblée, visant à garantir un accès aux soins égal sur l'ensemble du territoire. Celle-ci proposait notamment une affectation obligatoire dans une zone sous dotée pour une durée d'au moins trois ans en sortie d'études médicales et une autorisation d'installation délivrée par l'agence régionale de santé (ARS) pour les médecins, dentistes, sages-femmes, infirmiers libéraux...
La résolution du groupe UDI part du constat que "la désertification médicale s'aggrave, que ce soit dans nos villes ou dans nos campagnes" et que de très nombreux Français affrontent "un véritable parcours d'obstacles" pour obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste ou avec un spécialiste.
Pour les auteurs de la résolution, "ce phénomène menace la cohésion sociale : d'abord parce qu'il est inacceptable que des Français qui cotisent de la même manière à la sécurité sociale soient mieux ou moins bien soignés selon qu'ils vivent dans l'Eure-et-Loir ou dans les Alpes-Maritimes ! Ensuite parce que la désertification médicale touche d'abord les plus fragiles : les personnes âgées et les personnes les plus modestes".
Désertification : "Aucun territoire de la République ne sera épargné"
Ils estiment aussi que ce phénomène va empirer dans les prochaines années, sous l'effet d'une conjonction de facteurs défavorables : départ en retraite de nombreux médecins généralistes, perte d'attractivité de l'exercice libéral, aspirations différentes des jeunes praticiens, nombre d'heures travaillées "en chute libre", vieillissement de la population, hausse de la prévalence des maladies chroniques...
Pour les auteurs de la résolution, "il faut avoir conscience qu'aucun territoire de la République ne sera épargné par la désertification médicale : sans doute l'urgence est-elle aujourd'hui plus importante pour les territoires ruraux et dans les banlieues, mais le cœur des métropoles eux-mêmes connaissent actuellement leurs premières difficultés".
Les collectivités "ont joué bien plus que leur rôle"
Face à cette "urgence nationale", la résolution reconnaît que l'Etat et l'assurance maladie ont déployé "des efforts importants" sur trois axes principaux : hausse du numerus clausus, mesures d'incitation à l'installation dans les territoires sous dotées et création des maisons de santé. De leur côté, les collectivités territoriales ont "joué bien plus que leur rôle" en se saisissant "à bras le corps" de la question de la désertification médicale. Ceci s'est traduit par de nombreuses initiatives : soutien à la création des maisons de santé, accompagnement de la formation des professionnels, aides financières supplémentaires à l'installation, "solutions innovantes" pour faciliter l'installation des conjoints, contribution au développement du numérique et de la télémédecine...
Mais "force est de constater que la situation se dégrade sur le terrain". Il faut donc "passer à la vitesse supérieure et changer de logiciel pour apporter enfin une réponse forte aux territoires abandonnés de la République et à leurs habitants".
La commission d'enquête entend donc "évaluer l'impact des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale". Elle ouvrira, pour cela, une réflexion sur l'organisation des études de santé et l'attractivité des carrières des professionnels de santé, "en posant clairement la question de l'augmentation de leur rémunération et de l'accompagnement professionnel de leur conjoint". De même, les travaux de la commission engloberont une réflexion "sur l'organisation du parcours de soins, ainsi que sur les mesures publiques d'aide à l'installation, les mesures conventionnelles de régulation et les initiatives prises et les expérimentations décidées par les collectivités territoriales, en lien avec les professionnels de santé".
Référence : proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des Français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain (enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 15 décembre 2018).