Agriculture - L'OMC est "en panne pour longtemps"
Le cycle de Doha, ce marathon qui dure depuis plus de deux ans, amorcerait son "décompte final", a récemment déclaré le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Pascal Lamy vient en effet d'annoncer des négociations sur l’agriculture et l’accès aux marchés non agricoles en décembre ainsi que de nouveaux textes de négociations disponibles avant le premier trimestre 2011. Mais cet optimisme n'est pas partagé par les députés européens Stéphane Le Foll (PS-SD) et Alain Lamassoure (UMP-PPE) qui ont profité d'un débat sur la future politique agricole commune (PAC), organisé par le bureau d'information pour la France du parlement européen, le 3 décembre, pour affirmer que "l’OMC est en panne pour longtemps". Plusieurs raisons à cela : "l’Inde, qui pour des questions agricoles et sociales" fait blocage, selon l’eurodéputé socialiste, ou la règle "de l’unanimité qui bloque tout", selon l’eurodéputé UMP. Mais pour les deux élus, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Stéphane Le Foll estime ainsi que "les accords bilatéraux restent le pire pour l’agriculture".
L’ensemble des organisations syndicales agricoles présentes lors du débat - l’assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), les Jeunes Agriculteurs, la Confédération paysanne, la Coordination rurale, le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) et Coop de France - sont unanimes : elles ne veulent pas que "la PAC soit construite par rapport à l’OMC".
Alain Lamassoure propose d'un côté "des accords mondiaux qui réglementent le commerce des produits alimentaires a minima" et de l'autre une "vraie politique agricole européenne". Sur ce point les syndicats sont unanimes pour exiger une PAC forte dotée d'un budget important et se disent préoccupés de la communication de la Commission présentée le 18 novembre. Mais Alain Lamassoure, qui préside la commission des budgets au parlement européen, regrette que la question du budget de la PAC prédomine les débats.
"Tous ruinés"
"L’ordre chronologique des décisions qui consiste à déterminer le budget de la PAC avant le contenu de la politique est mauvais", a-t-il insisté, annonçant d'âpres négociations budgétaires. Alors que le parlement européen va, pour la première fois depuis l’adoption du traité de Lisbonne, "exercer toute sa compétence législative, notamment budgétaire", il a invité les ministres européens du budget à avancer leurs besoins chiffrés en matière agricole. En contrepartie, il leur demande "un accord politique visant à sécuriser le financement des politiques d’avenir". "Nous sommes tous ruinés", a prévenu Alain Lamassoure, qui ne voit d’autre solution que de "trouver des ressources propres, ressources fiscales a priori, pour alimenter le budget européen des prochaines années, afin d’éviter que le piétinement des négociations sur le budget de 2011 ne se reproduise jusqu’en 2020". Selon lui, c'est à ce prix que les députés accepteront une augmentation des crédits. Actuellement, le budget européen ne se nourrit que des ressources de chaque Etat membre. A défaut d'accord sur les ressrouces propres, souligne le député européen, la Commission s'alignera sur la position de l'Etat le moins disant car "le plus ruiné l’emporte toujours". Dans la suite de cette idée très discutée, Alain Lamassoure va même jusqu’à évoquer un "cofinancement de la PAC par l’Europe et les budgets nationaux, au même titre que les autres politiques européennes". Une proposition qui heurte Stéphane Le Foll puisqu’elle reviendrait à "renationaliser la PAC alors que nous y sommes tous opposés", a-t-il affirmé. La question du budget de la future PAC semble donc loin d’être réglée. Le parlement européen commencera pourtant à se pencher sur le sujet dès le 15 décembre.