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Europe - Avenir de la PAC : accords sur les enjeux, controverses sur les moyens

A l’aube de négociations qui s’annoncent pour le moins houleuses autour de la future politique agricole commune (PAC) 2013, les contributions au projet se multiplient. Auditionnés par les commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi que par la commission des affaires économiques et la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat le 3 novembre, plusieurs parlementaires européens ont émis de nouvelles idées. Parmi les sujets déterminants, celui de la régulation semble faire l’unanimité du côté français. Pour l’eurodéputé Michel Dantin, il faut maintenant aller plus loin car "la Commission a laissé le pouvoir pendant dix ans à une seule école de pensée selon laquelle le marché devait tout régler et, en conséquence, aucun crédit n’a été dépensé pour étudier de nouveaux outils de régulation". Il faut donc, selon lui, déterminer quels outils de régulation pourraient être mis en oeuvre dès 2013. Une crainte que ne partage pas le député européen Stéphane Le Foll pour qui "il y aura une majorité au parlement européen en faveur de la régulation". Parmi les mécanismes à inventer, "il y a aujourd’hui des pistes évoquées par la France qui ne sont pas assez relayées au niveau européen, comme la contractualisation [des relations commerciales entre agriculteurs et industriels, ndlr] qui ne pourra participer à la régulation que s’il y a un cadre européen". Stéphane Le Foll est en revanche plus prudent sur la compensation : "Il doit y avoir un vrai débat sur les handicaps naturels et les zones défavorisées. La nécessité du maintien d’un certain nombre d’aides couplées [à une obligation de production, ndlr] doit être reconnue pour servir les objectifs d’occupation de l’espace et du territoire. Là-dessus, il n’est cependant pas certain qu’il y ait une majorité au parlement européen." Le soutien de l’aménagement du territoire fait en effet partie des prérogatives de la future PAC, selon le député Jean Gaubert, qui rappelle que cette notion est "plus forte en France qu’ailleurs parce que nous avons des surfaces plus importantes et l’ambition de les occuper complètement". Hervé Gaymard inscrit même ce débat au premier rang des priorités de la future PAC.

Développement rural

Selon le corapporteur du groupe de travail de l’Assemblée nationale sur la PAC, la question majeure est celle du "développement rural et des voies et moyens pour parvenir à ce que l’agriculture soit présente et maintenue sur l’ensemble des territoires ruraux". Autre point qui inquiète l’auteur du rapport sur l’agriculture de l’Union européenne et le changement climatique, Stéphane Le Foll : la rémunération des agriculteurs. Il est, selon lui, "impératif de justifier, vis-à-vis des citoyens européens, les aides agricoles par la production de biens publics". Un défi qui passe par de nouveaux enjeux : "Il faut promouvoir le rôle de l’agriculture en matière de protection de l’environnement, de biodiversité, de préservation des ressources naturelles et également en matière de photosynthèse et d’énergie solaire." Le sénateur Jacques Muller semble totalement en accord sur ce sujet. Selon lui, pour relégitimer la PAC, il faut "une vraie prise en compte de l’environnement, notamment de la notion de production de biens publics, trop marginale pour l’instant". Mais cet enjeu environnemental fait débat en France, notamment depuis la publication du projet "Pour une politique agricole durable en 2013" par le ministère de l’Ecologie, qui préconise un verdissement de la PAC au prix d’une redistribution des aides en créant trois niveaux distincts de paiements. Sur la base des 10 milliards d’euros annuels perçus par la France au titre de la PAC, le ministère propose la répartition suivante : 3 milliards d’euros garantissant une base de revenus aux agriculteurs, 4 milliards d’euros rémunérant les services environnementaux, 2 milliards d’euros soutenant la transition agro-écologique vers la durabilité, 0,5 milliard d’euros sur le volet alimentaire et 0,5 milliard d’euros sur les filets de sécurité. Un projet qui a suscité de vives réactions début novembre. A tel point que le ministère de l'Ecologie a jugé bon de retirer le texte de son site internet. Un tollé qui est sans doute lié aux questions de financement. Le budget de la PAC reste d’ailleurs un point sensible dans les débats. Selon Stéphane Le Foll, "au parlement européen, il y aura une large majorité pour donner à la PAC un budget à la hauteur de ses besoins". Depuis le traité de Lisbonne, le parlement européen est codécideur avec le Conseil pour le budget de la PAC. A cet effet, le président de la commission des budgets du parlement européen, Alain Lamassoure, a adressé une proposition au Conseil et à la Commission "en vue de la mise en place d’une conférence financière européenne comprenant des représentants du Conseil, de la Commission européenne, du parlement européen ainsi que des parlements nationaux". Il s’agira de savoir comment financer durablement les politiques communautaires proprement dites, dont la PAC.


Muriel Weiss