Agriculture - Avenir de la PAC : Paris confiant avant les arbitrages de Bruxelles
"La place de la France est redevenue centrale dans le débat sur la politique agricole commune [PAC, ndlr]", a assuré Bruno Le Maire, lors de son audition par la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, le 29 septembre. Pour le ministre de l'Agriculture, en effet, "nous avons montré que nous étions prêts à bouger, notamment en mettant fin aux quotas laitiers et en votant la loi de modernisation agricole". En outre, la position commune adoptée avec l’Allemagne (voir notre article du 15 septembre 2010) aurait, selon le ministre, permis d’asseoir la crédibilité de la France. "Seuls, je ne suis pas sûr que Bruxelles nous aurait écoutés. Avec l’Allemagne, nous représentons un tiers de la production agricole européenne et nous pesons plus lourdement dans le débat", a-t-il déclaré. Les deux pays ont ainsi officiellement plaidé pour un maintien du budget de la PAC (de 363 milliards d’euros sur la période 2007-2013) comme le souhaite le parlement européen (voir notre article du 16 juillet 2010). Ils se sont également prononcés en faveur du maintien des deux piliers de la PAC (agriculture et développement rural) et pour une plus grande légitimité des aides directes, s’opposant ainsi à une renationalisation de la PAC. Le ministre français de l’Agriculture a tenu à rappeler que "les 500 millions de citoyens européens doivent avoir une sécurité alimentaire et environnementale en contrepartie de l’argent qu’ils investissent dans la PAC".
Il reste cependant quelques points de divergence entre les deux voisins. Concernant la régulation des marchés agricoles, "la France aurait souhaité aller plus loin. Pour l’Allemagne, ce n’est qu’un filet de sécurité qui intervient a posteriori, une fois que l’effondrement des cours a eu lieu", précise Bruno Le Maire, qui appelle de ses voeux "une régulation en amont, avant la crise". Ainsi, "la Commission pourrait réagir plus rapidement". Il a d’ailleurs rappelé que la "régulation des marchés des produits agricoles était une priorité du G20" (dont la France prend la présidence le 12 novembre prochain).
Certains membres de la commission des affaires européennes se sont également inquiétés des négociations difficiles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Selon le député de Savoie Hervé Gaymard, "Pascal Lamy [directeur général de l’OMC, ndlr] nous a informés que le volet agricole des négociations de Doha était bouclé". Une information confirmée par Bruno Le Maire qui indique ne pas vouloir revenir sur ces négociations : "Nous avons fait le maximum de concessions en matière agricole. Nous ne pouvons aller plus loin."
Une gestion des quotas laitiers par bassin
Le ministre de l’Agriculture s’est ensuite penché sur les questions nationales des députés. Concernant les quotas laitiers, le ministre propose une modification de leur gestion, actuellement départementale : "Je propose une gestion par bassin de quotas car c’est la seule façon de rester compétitif. Sinon, la France sous-réalise son quota et l’Allemagne prend le relais, réalisant les quotas que nous n’avons pas faits."
S’agissant de la réforme de la pêche, il souhaite une meilleure évaluation des ressources, une gestion pluriannuelle des stocks, et s’oppose formellement au droit individuel transférable qui, selon lui, "tuerait les petits pêcheurs car leurs droits seraient rachetés par les gros".
Enfin, Bruno Le Maire a tenu à rassurer les éleveurs bovins en indiquant que l’Etat allait consacrer 300 millions d’euros à la modernisation des filières et soutenir les exportations vers le Maghreb et la Russie. Une aide qui ne sera efficace que "si la filière fournit également un effort", a-t-il indiqué.
L’ensemble de ces mesures "donne une image positive de la France et permet d’appuyer nos propositions à Bruxelles". Reste à savoir si le commissaire européen en charge de l’Agriculture prendra en compte les propositions françaises. Réponse mi-novembre lorsque Dacian Ciolos présentera les grandes lignes de la nouvelle réforme.
Muriel Weiss