Habitat - Loi de mobilisation pour le logement : au tour de l'Assemblée
Après des débats très agités au Sénat, conclus par l'adoption d'un texte amputé de l'un de ses articles clés, le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion entame, le 27 janvier, son parcours à l'Assemblée nationale. Depuis les débats au Sénat, la crise du logement s'est encore aggravée : recul des ventes sur le marché libre de 40% en 2008, recul de 25% des transactions en Ile-de-France à l'automne... Le logement est ainsi devenu l'un des principaux volets du plan de relance de l'économie française, annoncé par Nicolas Sarkozy le 4 décembre dernier dans son discours de Douai.
Paradoxalement, la crise du logement pourrait valoir au projet de loi un parcours à l'Assemblée nationale moins agité qu'au Sénat. La situation plaide en effet pour un resserrement de la discipline au sein de la majorité parlementaire. De façon significative, le rapport de la commission des finances sur le projet de loi consacre un long développement au "logement : une priorité du gouvernement" et au "plan de relance ambitieux" de ce dernier. Ceci alors que les dispositions en faveur de la relance de l'immobilier ne figurent pas dans le projet de loi. Certes, certains députés n'ont pas officiellement renoncé à rétablir l'article 17 supprimé par le Sénat, qui prévoyait d'intégrer dans le calcul du quota de 20% de logements sociaux - prévu par l'article 55 de la loi SRU (solidarité et renouvellement urbains) du 13 décembre 2000 - les logements en accession sociale à la propriété. En novembre dernier, Patrick Ollier, le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, ne cachait pas son désir d'en découdre avec le Sénat. Mais, depuis lors, la commission a finalement renoncé à rétablir cet article. De son côté, Christine Boutin entretient le mystère sur les amendements que le gouvernement envisagerait de déposer et laisse filtrer des rumeurs sur un possible rétablissement de l'article 17, mais sans y croire vraiment. Le débat a en effet été tranché par l'exécutif et les présidents de groupes. Le projet de loi ne devrait pas modifier le principe des 20% de logements sociaux et les modalités de calcul de ce taux, mais les pénalités financières devraient être allégées pour les communes qui favorisent par ailleurs l'accession sociale à la propriété.
L'adoption du texte devient urgente
L'examen du projet de loi par l'Assemblée n'aura cependant rien d'une formalité. Deux aspects du projet de loi pourraient en effet se voir rattrapés par la crise. Le premier concerne les mesures visant à "fluidifier" le logement social. Destinées à pousser les ménages dont les revenus sont, durant deux ans, supérieurs au double du plafond de ressources du logement social à rejoindre le parc privé, elles peuvent aller jusqu'à la résiliation du bail. Relèvent également de cette orientation l'abaissement du plafond de ressources ouvrant droit au logement social et la hausse consécutive du supplément de loyer de solidarité pour les ménages dont les revenus dépassent ce plafond de 20%. Ces mesures, qui peuvent être absorbées sans difficultés macroéconomiques en période de croissance, n'avaient pas donné lieu à une mobilisation particulière au Sénat. Mais elles prennent un tout autre relief alors que l'économie entre en récession et que le marché de l'emploi se détériore rapidement, fragilisant ainsi la situation des ménages.
Le second aspect du projet de loi qui pourrait donner lieu à des débats serrés à l'Assemblée concerne la dernière partie du texte, consacrée aux "dispositions relatives à la lutte contre l'exclusion, à l'hébergement et à l'accès au logement". Adoptées sans grande difficulté ni débat au Sénat, celles-ci pourraient connaître un sort différent à l'Assemblée. La polémique sur les sans-abri est en effet passée par là et la Fondation Abbé-Pierre a d'ores et déjà prévu de présenter son rapport annuel sur l'état du logement à l'occasion des débats. Et les déclarations de Christine Boutin jugeant - non sans quelques raisons - "inatteignable" l'objectif de zéro SDF sont plutôt mal passées. Seule certitude, l'adoption du projet de loi de mobilisation sur le logement, décalée à plusieurs reprises, devient urgente. En attendant de pouvoir bénéficier des ressources du 1% logement réformé par le projet de loi - au lieu des habituels crédits budgétaires -, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) a ainsi dû emprunter auprès de l'Agence France Trésor (AFT) pour financer ses programmes. Prudent, le gouvernement lui avait ouvert, à l'occasion de la loi de finances rectificative, une ligne de crédit de 240 millions d'euros, à un taux inférieur à 2%.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, adopté en première lecture par le Sénat le 21 octobre 2008 et examiné par l'Assemblée nationale à partir du 27 janvier 2009.