L’OFGL alerte sur la forte croissance des dépenses liées aux polices municipales

Dressant un état des lieux des dépenses engendrées par les polices municipales pour les communes, l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) met en lumière une forte croissance des dépenses de fonctionnement – estimées au total à 2,2 milliards d’euros en 2023, essentiellement portées par les frais de personnel – et des dépenses d’investissement – 260 millions d’euros a minima – ces deux dernières années. Il souligne que plusieurs facteurs tendent à renforcer leur poids dans le budget communal : une doctrine d’emploi interventionniste, qui implique des missions et équipements plus importants, mais aussi la localisation, le caractère touristique, le potentiel fiscal, la couleur politique, la taille ou encore le "niveau de centralité" de la commune.

 

2,2 milliards d’euros. Tel aurait été*, d’après une étude de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) qui vient d’être publiée, le montant des seules dépenses de fonctionnement consacrées aux polices municipales et intercommunales par les communes en 2023.

Des frais de personnel essentiellement, avec un poids important de l’indemnitaire

Le niveau médian de ces dépenses serait de 36,5 euros par habitant, nombre dissimulant toutefois de "fortes disparités". L’étude estime qu’en 2022 un quart des communes concernées dépensaient moins de 23 euros/habitant alors qu’un autre quart dépensaient plus de 51,3 euros. Des disparités qui sont en revanche moins fortes quand on examine le niveau de dépenses de fonctionnement médian par agent, qui se serait élevé en 2022 à 54.042 euros**.

91% de ces dépenses sont dus aux frais de personnel, estime le rapport (6% de prestations extérieures, 2% de fournitures et achats). Avec une spécificité : les indemnités – de métiers, de résidence et les heures supplémentaires – représentent 23,6% de ces frais de personnel (contre 12,5% pour l’ensemble des autres services publics). 

Un poids de l’indemnitaire qui croit avec la doctrine d’emploi, laquelle croit avec la taille et la richesse de la commune

Un poids des indemnités qui "augmente par ailleurs avec la taille (…) ainsi qu’avec le potentiel fiscal de la commune" note également l’étude, ce qu’elle "explique notamment par la doctrine d’emploi et les missions assignées à chaque police municipale". Plus cette dernière "a des missions élargies ou des brigades spécialisées, plus elle est susceptible d’étendre les horaires de ses agents, et ainsi leurs indemnités". 

S’y ajoute le fait que "les indemnités sont un levier utilisé par les communes pour attirer des agents", dans un secteur particulièrement en tension et où "la concurrence territoriale est forte". Une concurrence d’autant plus aiguisée que l’étude observe que "des communes proches géographiquement auront tendance à avoir des comportements proches". Ce qu’elle explique en partie par "un mimétisme des pratiques", et par "la spécificité d’une politique publique plus présente en milieu urbain". 

Tourisme, potentiel fiscal et municipalité "de droite"

L’étude met encore en relief d’autres facteurs qui induisent à la hausse les dépenses par habitant consacrées à la police municipale. Premier d’entre eux, le caractère touristique de la commune, qui "impacte très significativement et à la hausse" ces dépenses. Lesquelles seront également d’autant plus importantes si la commune "a un potentiel fiscal élevé" ou si ses élus ont "une étiquette politique de droite" (alors qu’il est relevé au contraire qu’avoir une police municipale ne constitue plus "l’apanage d’une seule couleur politique"). Autant d’éléments qui expliquent sans doute que le poids des polices municipales dans les dépenses totales de fonctionnement des communes soit particulièrement élevé sur l’arc méditerranéen.

Taille et caractère central de la commune, importance des équipements, et surtout de la doctrine d’emploi

L’étude relève encore que plus la taille de la commune est importante (jusqu’à 100.000 habitants du moins), et que cette dernière "est considérée comme centrale et a des équipements, plus ses dépenses par habitant pour sa police municipale sont importantes". Elle souligne toutefois que ces effets "taille" et "centralité" ont moins d’impact que ceux précédemment évoqués. 

L’OFGL observe encore que les équipements augmentent les coûts de fonctionnement, l’armement engendrant selon lui un niveau de dépense par agent supérieur de 12% (l’étude note que 82% des polices de son échantillon sont armées, "toutes catégories d’armes confondues"). Si le coût des munitions, de l’entretien et de stockage des armes, ou plus encore de la formation continue des agents, y contribuent, les auteurs expliquent davantage ce surcoût par un "dimensionnement plus important des missions et donc des effectifs que de l’existence ou non d’armes". Les mêmes enseignements sont ainsi tirés avec la présence d’une brigade cynophile.

Des dépenses très (trop ?) dynamiques

Conséquentes, ces dépenses d’investissement sont par ailleurs "très dynamiques" : +7,6% en 2023, après une "hausse record" de 9% en 2022. Intervenues après des élections municipales "où la sécurité a été un thème de campagne important, et après la crise sanitaire", elles sont expliquées "en partie par la hausse sensible des recrutements"***, mais aussi par "les revalorisations du point d’indice". Cette "montée en puissance" n'est toutefois pas récente. Depuis 2017, les auteurs du rapport estiment ainsi que les dépenses d’investissement en faveur des polices municipales ont cru près de trois fois plus que les autres dépenses de fonctionnement (+33% pour les premières, +12% pour les secondes). 

Au regard des dépenses de fonctionnement, les dépenses d’investissement – estimées par l’étude à près de 260 millions d’euros a minima pour 2023 – paraissent limitées. Analysées sur 6 ans, elles correspondent à la construction et la rénovation de bâtiments (32%), l’achat de matériel et d’outillage technique (22%) ou encore de matériel de transport (9%). Reste que leur croissance paraît plus soutenue encore : +29% en 2022 et +45% en 2023. Des hausses que les auteurs entendent néanmoins nuancer, en pointant notamment le fait que ces deux années concentrent 47% des réalisations sur un cycle de 6 ans. En outre, ils notent que la hausse de l’an dernier serait portée "à 74% par 20 communes". Pour autant, sur cette même année, "près d’un tiers des communes ont au moins doublé leurs dépenses d’équipement" et plus du quart "affichent même des augmentations de plus de 150% entre 2022 et 2023". 

Face à ces augmentations, le président de l’OFGL, André Laignel entend d’ailleurs tirer le signal d’alarme, "afin que le ‘continuum de sécurité’ ne se transforme pas en transfert de charges asphyxiant pour les finances du bloc communal". Lors des dernières assises des petites villes de France, il estimait d’ailleurs que les polices municipales "sont là pour pallier les insuffisances de l’État la plupart du temps".

 

* L’étude repose sur des données collectées auprès d’un échantillon de 1.446 communes qui, en 2023, comptaient 14.691 policiers, 3.666 agents de surveillance de la voie publique (ASVP) et 69 gardes champêtres et qui consacraient 1,113 milliard d’euros aux dépenses de fonctionnement de leur police municipale. L’étude relève qu’en 2022, le ministère de l’Intérieur recensait de son côté : 3.613 communes dotées d’une police municipale, intercommunale ou pluri-communale (11% des communes françaises), 27.097 policiers municipaux, 8.095 ASVP et 657 gardes champêtres. 82% des communes de plus de 3.500 habitants (2.614 communes, regroupant 64% de la population française) étaient dotées d’une police municipale.

** Le personnel administratif et technique travaillant pour les polices municipales n’est pas pris en compte, comme les effectifs chargés de la vidéoprotection qui ne seraient pas des policiers municipaux ou des ASVP.

*** L’évolution des dépenses de fonctionnement est calculée sur un périmètre constant de commune, et ne prend donc pas en compte les effets induits par l’institution de nouvelles polices municipales sur la période.