Les propositions de deux députés pour renforcer l'attractivité et l'efficacité des polices municipales

Alors que 11.000 policiers municipaux seront à recruter d'ici 2026, les députés Lionel Royer-Perreaut et Alexandre Vincendet avancent dans un rapport présenté le 20 juillet une série de propositions pour renforcer l'attractivité de la filière. Ils entendent aussi s'attaquer à l'épineuse question des missions des policiers municipaux restée en jachère depuis la censure partielle de la loi Sécurité globale de 2021. Selon eux, les récentes émeutes ont démontré que les polices municipales, fortement mises à contribution, étaient bien la 3e force de sécurité intérieure du pays et qu'il serait "incompréhensible" de ne pas avancer.

Au regard des engagements pris lors des élections municipales de 2020 et des départs en retraite, 11.000 policiers municipaux sont à recruter d'ici à 2026 ! Pas loin de la moitié des effectifs actuels qui se montaient à 25.466 en 2021. Un défi colossal pour les députés Lionel Royer-Perreaut (Renaissance, Bouches-du-Rhône) et Alexandre Vincendet (LR, Rhône), auteurs d'un rapport d'information présenté le 19 juillet devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Les 4.452 polices municipales s'imposent comme la 3e force de sécurité intérieure, ce que leur forte mise à contribution lors des récentes émeutes ne dément pas. Pour autant, l'extension des polices municipales est aujourd'hui contrariée par deux difficultés : la filière peine à être attractive et leurs missions sont insuffisamment développées pour garantir le fameux "continuum de sécurité", estiment les deux rapporteurs, pour qui il faut agir à la fois sur la reconnaissance de la filière et sur l'efficacité des polices municipales. Le rapport "sur l'attractivité" et les missions des polices municipales" formule 44 propositions en ce sens dont certaines pourraient être mises en oeuvre "à brève échéance".

Le manque de candidats par rapport aux besoins qui vont aller en s'accentuant engendre déjà un véritable "Mercato", a déploré Lionel Royer-Perreaut lors de la présentation à la presse de son rapport, mercredi. Plus que cela, une "guerre des territoires", "une compétition extrêmement malsaine, un mercenariat", a renchéri son collègue, les communes étant prêtes à tout pour "faire monter les enchères" et à débaucher des agents dans les communes voisines : logement de fonction, primes en tous genres...

Fluidifier les recrutements

Ils proposent d'engager la réflexion en vue de créer un véritable statut des policiers municipaux au sein de la Fonction publique territoriale (FPT). Mais avant cela, ils souhaitent "fluidifier" les recrutements à travers un choc d'attractivité qui passerait notamment par le reclassement en catégorie B des agents de police municipale aujourd'hui en catégorie C, comme cela vient d'être décidé pour les surveillants de l'administration pénitentiaire. Ce qui permettrait une revalorisation de leur grille indiciaire. Afin d'amortir l'impact sur les finances des collectivités, ils fixent comme horizon 2030. Ils entendent aussi faciliter les perspectives d'évolutions de carrière. Le rapprochement des grades avec ceux de la police nationale "ferait sens", selon eux.

Ils proposent aussi de caler le déroulement de carrière des directeurs de police municipales (cadres A) sur celui des attachés territoriaux. Ou encore de supprimer l'effectif minimal du service pour recruter un directeur.

Les rapporteurs entendent aussi "garantir une formation opérationnelle de qualité au plus près des territoires". A l'idée d'école nationale des polices municipales, préconisée notamment par le rapport Fauvergue-Thourot de 2018, ils préfèrent s'appuyer sur le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale) qui, notent-ils, a entrepris d'importants efforts pour s'adapter (voir notre article du 20 juillet 2023). A condition cependant d'ouvrir "un ou deux sites supplémentaires de formation de policiers municipaux (par exemple, dans le centre et le nord-est du territoire hexagonal) et en renforçant les délégations du CNFPT en outre-mer, afin d’accroître le maillage territorial et de réduire le temps de trajets des stagiaires".

Constatant qu'entre le concours et le déploiement sur le terrain il se passe entre un an et un an et demi, ils souhaitent raccourcir ces délais en avançant notamment la formation en maniement des armes, tout en en confiant la responsabilité aux collectivités elles-mêmes, au lieu du CNFPT.

Ils émettent par ailleurs un "point d'alerte" sur le cas particulier de la mairie de Paris qui a prévu de recruter 3.600 policiers municipaux d'ici à 2026 et n'en est pour le moment qu'à 980 policiers municipaux formés. "Nous considérons que l'objectif de Paris sera difficilement atteignable", juge Lionel Royer-Perreaut.

Pouvoir constater directement une série de délits

Autre gros volet du rapport : renforcer l'efficacité des polices municipales. Plus précisément, étendre leurs pouvoirs sans changer leur nature de police de la tranquillité. Depuis la loi Chevènement de 1999, aucun grand texte n'est venu traiter cette question alors que la délinquance a bien changé, font valoir les rapporteurs. En prévoyant d'expérimenter de nouvelles missions de police judiciaire, l'article 1er de loi Sécurité globale de 2021 se montrait audacieuse à cet égard mais s'est vu retoquée par le Conseil constitutionnel (voir notre article du 21 mai 2021). Avançant sur une "ligne de crète" par rapport aux arguments des Sages, les deux députés voudraient conférer aux chefs de service et aux directeurs de police municipale la qualité d’OPJ, sous le contrôle direct du procureur de la République, afin de pouvoir constater directement une série de délits, ceux qui étaient précisément visés par l'article 1 de la loi Sécurité globale : délits de vente à la sauvette, conduite sans permis, défaut d’assurance, occupation illicite des halls d’immeuble, squat, vente de stupéfiants, ivresse sur la voie publique, etc. C'est-à-dire ceux auxquels les policiers municipaux sont confrontés tous les jours. Les députés relèvent que les gardes champêtres disposent déjà de pouvoirs d'OPJ encadrés. "Une des difficultés du quotidien exprimée par les policiers municipaux auditionnés est la contrainte que constitue la nécessité de requérir la présence d’un OPJ et de retenir le contrevenant, le temps que l’OPJ puisse se transporter sur les lieux", souligne le rapport, qui argue que cela permettrait en outre de "décharger l’activité de la police nationale et de la gendarmerie nationale et de rendre la police municipale plus opérationnelle". Un point sur lequel le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est une nouvelle fois montré très réservé, mardi, devant la commission des Lois de l'Assemblée (voir notre article du 20 juillet 2023).

Accès aux fichiers FPR et Foves

Autre préconisation qui va dans le sens de ce que réclament les syndicats : l'élargissement de l'accès aux fichiers, en particulier le fichier des personnes recherchées (FPR) et le fichier des objets et véhicules signalés (Foves), avec la possibilité de les consulter en "mode nomade" pour pouvoir traiter certaines situations en urgence.

Les députés appellent de leurs vœux un renforcement du "continuum de sécurité", notamment en généralisant les conventions de coordination. Ils font valoir à cet égard qu'elles sont moins nombreuses en zones gendarmerie (72% contre 93% en zones police). Ils poussent aussi pour la poursuite des contrats de sécurité intégrée (CSI) – une soixantaine aujourd'hui – mais réclament une évaluation. Ils préconisent aussi de faire évoluer les règles de la vidéoprotection, notamment en imposant une durée minimale de stockage des images.

Les deux députés souhaiteraient à présent arriver à une proposition de loi "transpartisane" et proposent de travailler "main dans la main" avec les ministères de l'Intérieur et des Collectivités territoriales. Les émeutes urbaines ont montré que "la police municipale est vraiment la 3e force de sécurité intérieure de notre pays et se doit d'être valorisée", a insisté Lionel Royer-Perreaut. Et Alexandre Vincendet d'abonder : le contexte politique rendrait "incompréhensible de ne pas faire avancer les choses".