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Commande publique - L'inaptitude passée d'un candidat justifie son éviction d'une DSP

Dans un arrêt du 10 juin 2009, le Conseil d'Etat avait rappelé qu'en "l'absence de garanties nouvelles suffisantes", une commission d'appel d'offres pouvait rejeter la candidature d'une société ayant commis divers manquements lors de l'exécution d'un précédent marché. La Haute Juridiction considère, dans un arrêt du 24 novembre 2010, que ce motif de rejet est également justifié dans le cadre d’une délégation de service public (DSP) et que ce type de décision n’a pas à être motivé.

Prendre en compte tous les éléments du dossier

Lors de l’examen des candidatures relatives à l’exploitation des plages de la commune de Ramatuelle, la commission des délégations de service public avait rejeté la candidature de M. A. au motif que "l'exploitation du lot de plage dont il avait été attributaire par le passé avait donné lieu à plusieurs doléances" et qu’il était, depuis plusieurs années, "occupant sans titre d'une dépendance du domaine public" que la commune avait décidé de remettre en son état naturel.
Le Conseil d'Etat rappelle que la commission des délégations de service public d’une commune doit dresser la liste des candidats admis à présenter une offre "après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public". Pour apprécier cette capacité, la commission peut s’appuyer sur l’inaptitude qu’un candidat a manifestée dans le cadre d'une précédente délégation, à condition toutefois "de prendre également en considération tout autre élément du dossier produit par le candidat".
En l'espèce, l'exploitation de la parcelle de plage confiée à M. A. avait provoqué "d'importants troubles de voisinage et nuisances". En dépit de nombreuses demandes et actions engagées par la collectivité pour les faire cesser, l'exploitant n'y avait pas remédié et avait même "poursuivi l'exploitation de son établissement construit sur le domaine public longtemps après l'expiration de sa délégation". Les juges ont considéré que "la commission des délégations de service public de la commune de Ramatuelle était donc fondée à rejeter cette candidature".

Motiver ou ne pas motiver le rejet ?... 

Il n’existe aucune disposition spécifique encadrant le degré de motivation et le délai de notification d’une décision de rejet de candidature à une DSP.  En première instance, le tribunal administratif de Nice s'était donc appuyé sur l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public pour considérer que la commune avait insuffisamment motivé sa décision.
Cet article dispose en effet que "les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : [...] retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; [...] refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; [...] refusent une autorisation [...]".
Le Conseil d’Etat censure le raisonnement des juges du fond au motif que "la décision de rejet d'une candidature dans le cadre d'une procédure de passation d'un contrat portant délégation de service public ne constitue pas le refus d'une autorisation au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979" et n'entre "dans aucune autre catégorie de décision administrative devant faire l'objet d'une motivation en application de ces dispositions". Il semble donc que la commission des délégations de service public d’une commune peut se contenter de notifier une décision de rejet de candidature sans faire état  "des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision".
Toutefois, l'arrêt du Conseil d’Etat se contente de préciser que les obligations de motivation prévues par la loi du 11 juillet 1979 ne s’appliquent pas aux décisions de rejet des candidatures à une DSP. En revanche, il n’est pas clairement précisé qu’il n’existe aucune obligation minimale de motivation. Sachant que le Conseil d’Etat s’appuie fréquemment sur les "grands principes de la commande publique" pour combler les lacunes de la réglementation et imposer de nouvelles règles, notamment en matière de transparence, il reste plus prudent de sécuriser les procédures de passation des DSP en motivant au minimum les décisions de rejet.

Références : Conseil d'Etat, 24 novembre 2010, commune de Ramatuelle, n°335703  ; Conseil d'Etat, 10 juin 2009, n°324153 ; loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public