Réforme territoriale - Les routes et les collèges transférés aux régions en 2017
On le sait, le nouveau projet de l'Elysée et du gouvernement est maintenant de commencer par "dévitaliser" les départements, en leur ôtant petit à petit leurs compétences, avant d'envisager leur suppression à l'horizon 2020. On sait par ailleurs que deux projets de loi doivent être présentés en Conseil des ministres le 18 juin : l'un sur les nouveaux territoires régionaux et le nouveau calendrier électoral, l'autre sur les compétences. Un avant-projet de loi sur les compétences avait déjà circulé fin avril (voir ci-contre notre article du 24 avril). Mais il était à peu près certain que suite au nouveau scénario présenté le 3 juin par François Hollande, ce texte serait sensiblement remanié. C'est effectivement ce qui se profile à la lecture d'une nouvelle version de cet avant-projet de loi, que nos confrères de la Gazette des communes et du Courrier des maires se sont procurés et ont diffusé ce jeudi 5 juin. Si la majeure partie des articles qui composent ce texte reste inchangée, deux grandes nouveautés et plusieurs autres variations apparaissent.
La fin des routes départementales
Première grande nouveauté : le texte vient donner corps à la volonté du chef de l'Etat de faire des régions "la seule collectivité compétente pour (...) intervenir en matière de transports, des trains régionaux aux bus en passant par les routes, les aéroports et les ports"… puisqu'il organise le transfert aux autres collectivités des ports relevant des départements et, surtout, "confie à la région la gestion de la voirie relevant des départements". Toutes les routes départementales, soit plus de 380.000 kilomètres de routes - y compris les 18.000 kilomètres que l'Etat avait transférés aux départements suite à la loi Raffarin de 2004 – passeront donc dans le giron de la région, celle-ci devenant propriétaire de ce domaine public. "Ce transfert interviendra au 1er janvier 2017", précise la version actuelle de l'exposé des motifs, qui prévoit des exceptions pour Paris (qui conservera la gestion de sa voirie) et pour les métropoles (qui exerceront sur leur territoire cette compétence en lieu et place de la région). Les quelque 30.000 agents passés de l'Etat au département suite au transfert de 2004 vont donc une nouvelle fois devoir changer d'employeur… Et les régions, qui n'avaient jusqu'ici jamais géré de routes, vont pouvoir découvrir un nouveau métier.
Collèges et lycées, même combat
L'autre transfert spectaculaire est celui des quelque 5.200 collèges dont les départements assuraient jusqu'ici "la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement". Avec le projet de loi, tout ce que faisaient aujourd'hui les départements dans ce champ des établissements d'enseignement secondaire leur sera retiré pour être confié aux régions. Y compris en matière de sectorisation. Le texte prévoit notamment "le transfert obligatoire et gratuit à la région de tous les EPLE appartenant aux départements, et le maintien du transfert facultatif des biens des EPLE appartenant aux communes et aux intercommunalités" et plusieurs articles portent sur "les modalités de la convention de transfert de personnels". Là encore, ce sont des dizaines de milliers d'agents - notamment quelque 45.000 TOS, eux aussi passés de l'Etat au département suite à la loi de 2004 - qui vont être concernés. Deux exceptions sont prévues : la métropole de Lyon et le conseil de Paris, qui continueront à gérer leurs collèges (on peut d'ailleurs au passage s'interroger sur un point : pourquoi les collèges parisiens ne seraient-ils pas, comme dans le Rhône, transférés à la future métropole du Grand Paris ? Le périphérique ne serait-il pas perméable dans tous les domaines ?). Pour tous les autres collèges, le transfert aux régions est prévu pour entrer en vigueur le 1er septembre 2017. Deux ans ne seront certainement pas superflus pour préparer cet énorme "déménagement". Certes, les choses seront peut-être plus faciles sur certains territoires - là où existent des cités mixtes scolaires bien sûr, mais aussi, plus largement, là où départements et région ont engagé des coopérations voire mutualisations, notamment en matière de gestion des personnels, dont les Emop (équipes mobiles d'ouvriers professionnels).
Un peu de solidarité territoriale
En attendant leur possible dissolution en 2020, l'avant-projet de loi reste stable sur un point : il continue de faire confiance aux départements pour "les compétences de solidarité sociale et territoriale". Au-delà du bloc social, cette notion "territoriale" va permettre aux départements de continuer à soutenir financièrement les projets des communes et EPCI. Et "lorsque l’initiative privée est défaillante ou absente, [de] financer des opérations d’investissement en faveur d’entreprises de services marchands nécessaires aux besoins de la population en milieu rural, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par des communes ou des EPCI à fiscalité propre". C'est le seul pied que les départements pourront garder dans le champ du soutien aux entreprises, tout le reste étant promis aux régions.
On notera au passage que le texte n'a pas évolué depuis avril sur un point qui avait fait réagir l'Association des maires de France : l'affirmation de la compétence du département en matière d'"accueil des jeunes enfants".
En matière de services publics, les deux versions de l'avant-projet de loi diffèrent en revanche sur un point : le futur "schéma d’amélioration de l’accessibilité des services au public" sera certes toujours élaboré "sur le territoire départemental", mais alors qu'il devait initialement l'être "par l’Etat et le département", il le sera en fait "par l'Etat et les EPCI".
Dernier changement important, qui concerne justement les EPCI : le texte tient compte des propos du chef de l'Etat sur la taille minimale qu'il entend donner aux intercommunalité – cette taille devra passer, non plus de 5.000 à 10.000 mais de 5.000 à 20.000 habitants.