Pouvoirs locaux - Nouvelle organisation territoriale : le Premier ministre lance la concertation
Les principales associations d'élus locaux, les parlementaires et le gouvernement vont discuter de "l'évolution de la carte des conseils régionaux et départementaux" et de "l'organisation territoriale de l'Etat" au sein d'un groupe de travail dédié, a fait savoir Matignon. Après l'annonce d'un "big bang" territorial lors de son discours de politique générale, Manuel Valls a décidé d'ouvrir rapidement la concertation avec les élus locaux. Avec à ses côtés les deux ministres en charge du dossier, Marylise Lebranchu et André Vallini, il était dès ce 22 avril à leur écoute. Il recevait des représentants de l'Assemblée des départements de France (ADF) et, dans la foulée, une délégation de l'Association des régions de France (ARF).
"Dans l'esprit du Premier ministre, les conseils départementaux doivent être supprimés en 2021", a affirmé Marylise Lebranchu à l'issue des rencontres, devant quelques journalistes. "Il a provoqué un choc, car il pense que le débat doit avoir lieu", a-t-elle dit. "A présent, le Premier ministre veut un vrai débat de fond. (…) Un choc ne suffit pas, il faut aller au fond des choses. Nous sommes déterminés à faire aboutir le débat", a poursuivi la ministre. Interrogée sur l'intention ou non du gouvernement de maintenir le département en milieu rural, la ministre a répondu : "S'il faut se poser la question, on se la pose", avant d'ajouter que le Premier ministre n'a pas déjà "conclu" la concertation, alors qu'elle débute.
Le projet de loi de décentralisation présenté mi-mai
Actuellement au Conseil d'Etat, le prochain projet de loi de décentralisation, qui sera présenté en Conseil des ministres à la mi-mai, porte bien la marque du nouveau Premier ministre. La perspective d'une suppression des départements en 2021 sera écrite noire sur blanc dans l'exposé des motifs. Par ailleurs, le texte prévoit la suppression de la clause générale de compétence des départements et des régions à la date de publication de la loi. En revanche, comme la précédente version du texte, la nouvelle accorde aux conseils généraux (et donc aux futurs conseils départementaux) une compétence visant à garantir les solidarités territoriales et l'accès aux services publics, selon le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), Claudy Lebreton. Le chef du gouvernement "nous met au défi collectivement d'écrire cette page de la nouvelle organisation territoriale de la République avec les bornes qu'il a fixées", a déclaré ce dernier à l'issue de l'entretien.
L'ADF conditionne sa participation aux discussions à l'accord des présidents de conseils généraux, que le président de l'association consultera prochainement. Mais, quoi qu'il en soit, l'ADF fera des propositions. "On est prêt à bouger sur la clarification des compétences, la mutualisation des moyens, la coopération et une nouvelle organisation", a précisé le président du conseil général des Côtes-d'Armor. Ainsi, "faut-il qu'on ait la réponse du département dans les territoires urbains [comme] dans les territoires ruraux ?", s'est-il interrogé.
"Nous ne sommes pas arc-boutés sur notre existence depuis deux siècles, nous sommes prêts à faire bouger les lignes", a renchéri Bruno Sido, chef de file des présidents de conseils généraux de la droite, du centre et des indépendants.
Au cours des échanges, à la fois "courtois" et d'une "très grande franchise", les présidents de conseils généraux de gauche et de droite ont aussi défendu "le bien-fondé" de leur échelon de collectivité, "à un moment où on va avoir des régions plus grandes, [donc] plus éloignées de l'ensemble de nos concitoyens", selon Claudy Lebreton.
Réorganisation territoriale de l'Etat
Une heure plus tard, le président de l'ARF, Alain Rousset s'est dit, avec un large sourire, "assez satisfait de voir une volonté politique d'enfin moderniser la France". "L'impression que l'on retire, c'est qu'il y a un nouveau départ", a-t-il affirmé. Selon lui, Manuel Valls veut "repenser la totalité de la carte territoriale, pas seulement celle des régions", mais "n'a pas présenté la carte des régions pour 2017". "Nous pouvons passer soit par des fusions, soit par des regroupements", a ajouté le président du conseil régional d'Aquitaine. François Bonneau, président du conseil régional du Centre, a précisé sur ce point que "la position assez largement partagée chez les présidents de région, c'est qu'il est préférable de rassembler les entités sans les casser". De son côté, Alain Rousset a regretté que depuis les annonces du Premier ministre, les seules questions posées (notamment par la presse) soient celles du "puzzle" et du "mécano", qui "n'intéressent pas nos concitoyens".
Pour l'ARF, le problème est moins la taille des régions que la concurrence sur les territoires avec l'Etat. "La suppression des doublons entre l'Etat et les régions est un élément essentiel et d'efficacité et d'économie", a insisté Alain Rousset. Le projet de loi de décentralisation devrait répondre à ce problème par de nouveaux transferts de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales, en particulier aux régions. Par ailleurs, en même temps qu'il réorganisera les collectivités territoriales, le gouvernement fera évoluer l'organisation territoriale de l'Etat. C'est la volonté du Premier ministre, a précisé Marylise Lebranchu.
Manuel Valls recevra "dans les prochains jours" les associations d'élus locaux représentant les villes et les intercommunalités, a indiqué Matignon.