Archives

Décentralisation - Régionalisation : le gouvernement rassure les élus départementaux

Après les présidents de région le 18 février, les présidents de département se sont assis à la table du Premier ministre, le 20 février, pour évoquer le prochain projet de loi de décentralisation. En mettant le cap sur la régionalisation, le gouvernement avait inquiété les responsables des départements. Mais, lors de la réunion, il a réussi à les rassurer. Le rôle de leurs collectivités pourrait être conforté dans plusieurs domaines. Surtout, le gouvernement aurait fait machine arrière sur la suppression de la clause de compétence générale envisagée pourtant le mois dernier.

Le président (PS) de l'Assemblée des départements de France (ADF), Claudy Lebreton, se déclare plutôt satisfait "des éclaircissements" sur le projet de loi de décentralisation que le Premier ministre lui a apportés à l'occasion, le 20 février, d'une réunion de travail, en présence de plusieurs présidents de conseils généraux de droite et de gauche et des deux ministres en charge de la décentralisation.
Il faut dire que ce rendez-vous a apporté un lot de nouvelles rassurantes pour les exécutifs départementaux. La principale est d'ailleurs une surprise : il s'agit du maintien de la clause de compétence générale, qui permet aux départements et aux régions d'intervenir librement dans tous les domaines. "Le Premier ministre a convenu que c'est compliqué politiquement pour le gouvernement de la supprimer trois mois après la loi sur les métropoles qui procède à son rétablissement", indique Christian Favier, président (Front de gauche) du conseil général du Val-de-Marne, qui a participé à la rencontre. "Sans la clause, les départements n'auraient pas pu investir dans la fibre optique, la loi ne le prévoyant pas", explique Bruno Sido, secrétaire général (UMP) du groupe de la droite, du centre et des indépendants de l'ADF, qui plaidait lui aussi pour qu'elle soit conservée. Le Premier ministre serait donc revenu sur son intention initiale de suppression pure et simple (lire notre article du 24 janvier 2014), qui rencontre le soutien d'Alain Rousset, le patron de l'Association des régions de France.
Cependant, précise Claudy Lebreton, "des compétences obligatoires" seront "définies dans la loi", ce qui apportera "une vraie clarification", juge-t-il. "La loi procédera à une définition plus stricte des compétences partagées par les régions et les départements, par exemple en matière de tourisme", précise de son côté Christian Favier. Par ailleurs, "des schémas fixeront un cadre plus contraignant", dit-il.
Si la clause générale est maintenue, les présidents de conseils généraux de tous bords reconnaissent, cependant, que la réduction des ressources des départements et l'augmentation du poids de leurs dépenses obligatoires, limitent de fait son utilisation.

De nouveaux transferts aux départements ?

Malmené notamment par une partie de la droite qui appelle à sa fusion avec la région, le département verrait ses compétences confirmées "dans les domaines du social, des routes, des transports, des collèges et de la sécurité civile", assure Claudy Lebreton. Il est cependant encore trop tôt pour savoir si le gouvernement consolidera les compétences des départements, comme le demande l'ADF. Qui y voit le moyen d'une clarification et aussi une source d'économies. S'agissant ainsi des collèges, l'association souhaite une extension du champ d'intervention des départements à "la santé scolaire" et à la "carte scolaire". Elle souhaite aussi que les intendants des collèges, qui aujourd'hui relèvent de l'Etat, passent sous le giron des conseils généraux. Le ministre de l'Education nationale y serait toutefois opposé, tout comme les syndicats concernés. En outre, l'ADF appelle à faire des maisons départementales des personnes handicapées - qui sont aujourd'hui des groupements d'intérêt public - de véritables "services publics départementaux".
Dans les domaines de l'aménagement du territoire et du développement économique, auxquels ils tiennent beaucoup, Claudy Lebreton se satisfait d'un partage des rôles, les régions étant "chefs de file". Pour lui, la poursuite de l'action des départements dans le domaine de l'économie passe par des délégations de compétences attribuées par les régions en leur faveur. Les présidents de conseils généraux manifestent leur intérêt en particulier pour "l’économie sociale et solidaire, l'artisanat, les très petites entreprises et le commerce de proximité". En matière d'aménagement du territoire, la ligne de partage proposée par le président du conseil général des Côtes d'Armor est claire. Chargées des grandes infrastructures, les régions laisseraient aux départements le champ libre sur tout le reste. Ils passeraient alors des contrats de territoire avec les communes et les intercommunalités.

Métropoles : l'ADF très vigilante

S'agissant de la "solidarité territoriale", domaine dans lequel l'action des départements, déjà forte aujourd'hui, serait consacrée dans la loi, l'ADF a écrit un "texte politico-juridique". Il y affirme le rôle des départements en matière de conseil et d'ingénierie auprès des petites communes. Il préconise aussi la création d'un schéma prescriptif d'accès des citoyens aux services publics, placé sous la responsabilité conjointe du président du conseil général et du préfet. Les départements proposent aussi d'instruire seuls les dossiers de demande déposés par les communes et intercommunalités pour le bénéfice de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), qui dépasse les 600 millions d'euros par an.
Les échanges avec le gouvernement ont été "francs", estime l'ADF. Ce fut vraisemblablement le cas sur le dossier des métropoles. Plusieurs représentants des départements concernés, réunis la veille au siège de l'ADF, avaient invité l'association à faire preuve d'intransigeance. Soucieux de défendre ses collègues, le patron de l'ADF souligne que le département, "pilier de la République", "doit exister partout" (sous-entendu sur le territoire). "Si on attente à quelques-uns d’entre nous, on finira par s’attaquer à nous tous", ajoute-t-il. En clair, Claudy Lebreton n'acceptera pas l'effacement des départements au sein des métropoles, y compris celle du Grand Paris. Un message auquel le gouvernement a sans doute prêté attention. Pour la métropole parisienne, il n'accélérera pas le calendrier. La prochaine étape restera donc la présentation, fin 2014, d'un rapport sur la disparition des départements de Paris et de la Petite Couronne et ses conséquences.
Selon un des participants à la réunion, le projet de loi de décentralisation serait présenté en Conseil des ministres le 9 avril prochain, sa transmission au Conseil d'Etat étant prévue pour "courant mars". Ce texte a vocation à reprendre les deuxième et troisième projets de loi constituant le "triptyque" présenté en avril dernier par la ministre en charge de la Décentralisation. Les déclarations du président de la République et du Premier ministre, le mois dernier, avaient laissé penser qu'il apporterait de nombreuses nouveautés. Au vu du maintien de la clause générale de compétence, il est permis à présent d'en douter.
 

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis