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Urbanisme commercial - Les maires des petites villes inquiets pour leurs centres

A l'occasion de l'examen des projets de loi Pinel et Alur, l'APVF publie une étude sur les attentes des maires de petites villes en matière d'urbanisme commercial.

C'est ce qui s'appelle n'avoir plus que ses yeux pour pleurer. La majorité des maires de petites villes (55,7%) jugent "néfaste" l'évolution du commerce de proximité. Et ils sont près de 80% à attribuer la baisse de la vitalité du commerce à la concurrence des grandes surfaces, selon un état des lieux du commerce de proximité publié par l'Association des petites villes de France (APVF), le 12 février. Grandes surfaces qu'ils ont eux-mêmes contribué à développer. Le problème ne date pas d'hier : c'est pour protéger le commerce de proximité qu'avait été votée la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat, dite loi Royer, en 1973. Cette loi, qui laissait aux élus réunis au sein d'une commission départementale le soin de délivrer ou non les autorisations d'ouverture ou d'agrandissement des grandes surfaces, aboutit à l'inverse de l'effet recherché. De dérogations en marchandages divers, la France est devenue le pays qui compte la plus forte concentration d'hypermarchés…
L'étude de l'APVF montre que la concurrence des grandes surfaces comme cause des difficultés du petit commerce est invoquée par 71% des maires des bourgs centres en milieu rural et 89% des maires de communes périurbaines. La crise est également présente dans leurs esprits mais arrive au second plan.

Les moyennes surfaces en pleine expansion

Alors que le commerce a stagné dans 62% des petites villes entre 2000 et 2012 (chiffres Insee), les maires voudraient des outils plus prescriptifs pour "agir" et "encadrer l'offre commerciale à l'échelle du bassin de vie". Aussi voient-ils d'un bon œil l'arrivée des mesures proposées dans les lois Alur et Pinel. Pour Pierre Jarlier, le maire de Saint-Flour, en Auvergne, également secrétaire général de l'APVF, "il est très important que le Scot soit renforcé comme l'échelle de planification de référence". A 73%, les maires souhaitent l'intégration du document d'aménagement concerté (DAC) dans le Scot. Une telle disposition était prévue dans la loi Alur avant d'être retirée. Les élus souhaiteraient la voir revenir par voie d'amendement au projet de loi Pinel dont l'examen à l'Assemblée a démarré ce mercredi. Ce projet de loi prévoit de donner plus de pouvoir à la Commission nationale d'aménagement commercial qui pourra se saisir elle-même des très grands projets commerciaux (de plus de 20.000 m²). Une mesure qui fait "consensus" chez les maires de petites villes, a assuré Pierre Jarlier lors de la présentation de cette étude, mais à une condition : que les associations d'élus puissent y siéger. L'APVF relève l'imperfection du dispositif actuel, alors que les commissions départementales de l'aménagement commercial (CDAC) ont accordé 85% des autorisations d'implantation ces trois dernières années, "ce qui contrevient en partie aux objectifs de limitation de la consommation d'espace autour des villes que professent les PLU et les Scot"… Les maires réclament la fin du laisser-faire pour les "drives" (ce que prévoit le projet de loi Alur, à l'article 58) et des moyennes surfaces "à nouveau en pleine expansion dans les petites villes". De nombreux élus souhaitent que le seuil pour l'examen des CDAC soit rétabli à 300 m² (comme le prévoyait la loi Raffarin de 1996), au lieu de 1.000 m² (loi de modernisation de l'économie de 2008). Une "bonne partie des maires" est également opposée à l'ouverture des grandes surfaces le dimanche.

Ingénierie

A côté de la planification territoriale, les maires veulent revitaliser leurs centres-ville. Pour cela, ils proposent d'affiner le plan local d'urbanisme. "L'idée serait que nous allions plus loin dans la localisation des petites activités, à l'échelle d'une rue (…) pour orienter la vocation commerciale de ce secteur", explique Pierre Jarlier. Ainsi, les élus pourraient interdire tel type d'activité dans telle rue. La loi Alur (article 73), permettra déjà une destination plus fine dans le PLU ; un décret en Conseil d'Etat distinguera les locaux qui seront destinés à des bureaux, des commerces, des activités de services… "Il manque dans cette nouvelle approche un soutien en matière d'ingénierie", constate cependant Pierre Jarlier, qui regrette la suppression de l'Atesat, l'ancien outil de l'Etat proposé aux collectivités en matière d'ingénierie.
Les maires réclament aussi un allongement de la durée de leur droit de préemption urbain, aujourd'hui limité à deux ans. Les trois quarts d'entre eux sont favorables à un transfert de ce droit de préemption à l'intercommunalité. Là encore, en donnant la possibilité de déléguer ce droit à l'intercommunalité, la loi Pinel (article 7) va dans leur sens. Toutefois, 28% des maires restent sceptiques.

Centres bourgs

Le maire de Saint-Flour veut voir dans la revitalisation des centres bourgs évoquée par le Premier ministre lors du congrès des maires un "engagement fort de l'Etat". La logique d'appel à projets qui semble prévaloir aura selon lui "l'avantage de lancer une phase expérimentale", avant, espère-t-il, une généralisation dans un deuxième temps. Le programme va "démarrer très vite", assure l'édile. Il a été confié à l'Anah, avec une enveloppe de 30 millions d'euros annuels. Mais il sera difficile de satisfaire tout le monde alors que "de plus en plus de maires se tournent vers une restructuration lourde de leur centre-ville", témoigne Fabrice Millereau, le maire de Beaumont-sur-Oise, dont la revitalisation s'est étalée sur huit ans pour un coût de 2 millions d'euros.
Pour Pierre Jarlier, il convient aussi de réhabiliter les logements en centre-ville pour faire de "l'accession sociale en primo-accédant". "Si on veut lutter contre l'étalement urbain, c'est le rôle de l'Etat d'aider à se réapproprier les logements en centre-ville", argue-t-il.
Alors que les crédits de l'Etat se font plus rares, les élus plaident enfin pour un meilleur ciblage des projets. A 76%, ils soutiennent un recentrage des priorités du Fisac, comme le prévoit le projet de loi Pinel mais s'inquiètent cependant de l'avenir de ce fonds.

 

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