Archives

Congrès AMF - Les élus ruraux craignent d'être sacrifiés sur l'autel des réformes

Le train de réformes en cours dans les services publics préoccupent les élus ruraux qui ont invectivé le gouvernement à plusieurs reprises lors du Congrès des maires qui s'est ouvert mardi 25 novembre à Paris.

D'un côté, des courbes démographiques qui indiquent un repeuplement des campagnes, un vieillissement de la population et donc de nouveaux besoins de services. De l'autre, une réorganisation de l'Etat qui touche de plein fouet les territoires isolés. Un paradoxe que les élus ruraux ont toujours autant de mal à comprendre. Et la nomination d'un secrétaire d'Etat à l'Aménagement du territoire en mars dernier n'a pas permis de calmer les esprits. "Les maires ont plutôt le sentiment global d'un retrait de l'Etat", a souligné Michel Vergnier, le député-maire de Guéret dans la Creuse et président de la commission "communes et territoires ruraux" de l'AMF, lors du Congrès des maires, mardi 25 novembre à Paris. Un sentiment confirmé par un sondage Ifop réalisé pour l'occasion : 70% des maires estiment que la réorganisation de l'Etat risque de compromettre la qualité des prestations des collectivités territoriales. Ils sont quasiment autant (68%) à penser que cette réorganisation est de nature à rendre plus difficile l'accès aux services publics. Certes, l'expérience de la carte judiciaire commence à être digérée et la réforme de la carte militaire, menée avec plus de concertation, a fini par être acceptée grâce aux mesures de compensation qui l'accompagnent. Mais pour les élus, les territoires traversent une accumulation de changements (carte militaire, nouvelle carte hospitalière, fermetures de gares, fusion des trésoreries et de la comptabilité publique, RGPP) qui commencent à peser lourd et risquent d'affaiblir les plus démunis. "L'Etat nous donne la moitié de la dotation des communes urbaines. Un rural est deux fois moins égal qu'un urbain", a invectivé un élu de l'Hérault. "On subi le parisianisme et l'énarchie pour nous affaiblir et faire disparaître la commune. On réoriente les logements sociaux vers les villes, alors qu'on n'a plus les moyens de rénover l'habitat", a pour sa part clamé un maire d'Ille-et-Vilaine.

 

Réorganisation préfectorale

Un nouveau chantier fait beaucoup parler dans les rangs des élus : la réorganisation des préfectures. Voire le "déclassement" des sous-préfectures. La parution d'un arrêté du 20 mai 2008 au Journal officiel cet été a mis le feu aux poudres. Il dresse la liste des postes de sous-préfet d'arrondissement susceptibles d'être occupés par des conseillers d'administrations. Premier pas, s'inquiètent les élus, vers une disparition des sous-préfectures. Le ministère de l'Intérieur assure qu'il n'en est rien, et qu'en tout état de cause, les zones fragiles seront préservées. Mais le doute est là. Pierre Morel-A-L'Huissier, le député-maire de Fournels en Lozère, a réclamé un débat public national sur la réorganisation des préfectures, alors que les préfets doivent remettre le 28 novembre une "carte de réorganisation". "Mais un débat national ne peut pas faire l'économie d'une concertation avec les élus locaux", a-t-il souligné. Le député a également proposé un audit des territoires pour déterminer ce dont ils ont le plus besoin. C'est pourtant cet audit qu'Hubert Falco avait appelé de ses voeux en annonçant une grande carte de l'aménagement du territoire lors de sa prise de fonction, annonce restée lettre morte depuis. L'avenir de La Poste est également dans tous les esprits. Une pétition signée par 5.000 maires devrait être déposée mercredi à l'Assemblée nationale pour demander le "rétablissement des bureaux de poste de monopole public".
Dans ce contexte houleux, le gouvernement justifie les réformes par les économies budgétaires rendues impérieuses par la crise et par l'évolution des territoires. "L'Etat n'abandonne pas les territoires, a déclaré Pierre Dartout, le délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires amené à jouer les pompiers. "A la Datar [sic], nous sommes vigilants pour faire en sorte que l'ensemble des territoires soient bien pris en compte", a-t-il poursuivi, reconnaissant toutefois que "la géographie du pays n'est pas figée" et que le développement des transports et des télécommunications a changé la donne.

 

Charte des services publics

Par ailleurs, Hubert Falco doit réunir dans les prochaines semaines une réunion de travail sur l'application de la Charte sur l'offre de services publics en milieu rural. "Si vous estimez que l'application de la Charte ne se fait pas dans de bonnes conditions, je vous invite à vous adresser à votre préfet", a déclaré Pierre Dartout.
Du lest a déjà été donné sur le dossier de La Poste. Le contexte de crise a amené Henri Guaino, conseiller spécial du président Nicolas Sarkozy, à annoncer le gel de l'ouverture du capital de l'entreprise publique, le 2 novembre dernier. Et la réserve de la carte des AFR (aides à finalité régionale) devrait être mise à contribution pour donner un peu d'oxygène aux territoires, alors que la période transitoire s'achève et que nombre d'entre eux ne seront plus éligibles aux aides. "Une concertation a lieu pour ouvrir de nouvelles possibilités, les propositions sont soumises à arbitrage départemental. Les résultats de ces discussions seront prochainement dévoilés", a indiqué Pierre Dartout. Les communes touchées par les restructurations militaires, notamment dans le Grand Est, devraient être prioritaires. Et puis, des élus ont aussi montré que les restructurations pouvaient être réussies. Comme à Dinan, ancienne ville de garnison qui a perdu quelque 2.000 militaires en plusieurs vagues. "Ces fermetures constituent un drame au moment où elles se passent. Mais nous avons réagi. Avec les 14 hectares libérés, nous avons construits un nouveau quartier de ville complet avec cité administrative, complexes hôteliers, logements étudiants, immobilier, entreprises, vie associative. Ce mal se transforme en quelque chose de tout à fait remarquable", a insisté le maire de la ville, René Benoît. En 2003, la municipalité avait dû racheter le patrimoine à l'Etat un million d'euros. Un effort financier qui ne se présentera pas cette fois-ci puisque l'Etat a convenu de céder le patrimoine à l'euro symbolique avec un mécanisme de compensation financière en cas de mise à profit.

 

Michel Tendil