Archives

Infrastructures - Des propositions pour un "désenclavement durable" des territoires

Dans un rapport qu'ils viennent de présenter, les sénateurs Jacqueline Alquier et Claude Biwer préconisent une nouvelle politique de désenclavement fondée sur la notion d'accessibilité et prenant en compte les orientations du Grenelle de l'environnement.

"Nos territoires souffrent de l'absence d'une politique de désenclavement adaptée à la France des années 2000", constatent les sénateurs Jacqueline Alquier et Claude Biwer, dans un rapport d'information intitulé "Pour une politique de désenclavement durable", qu'ils viennent de présenter au nom de la Délégation à l'aménagement du territoire du Sénat. Le critère de désenclavement défini par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 ne semble ainsi plus adapté aux réalités d'un pays décentralisé et de territoires polycentrés. Les grands réseaux structurants, centralisés, ne répondent pas à l'ensemble des besoins de désenclavement.
Deux écueils sont à éviter, selon Jacqueline Alquier et Claude Biwer. Rejetant tout "discours d'opposition systématique aux projets d'infrastructure", ils rappellent tout d'abord qu'une politique réaliste de désenclavement durable doit reconnaître que "la route reste le seul mode de transport universel, c'est-à-dire capable par son accessibilité et sa souplesse d'utilisation d'assurer un désenclavement effectif de tous les territoires".
Le second écueil consiste en un mode d'évaluation des projets qui ne considère que la rentabilité socio-économique, et canalise les investissements vers des axes déjà dynamiques. L'usage d'indicateurs objectifs alternatifs, pour certains projets, devrait permettre de reconnaître leur intérêt spécifique. La notion d'accessibilité pourrait fournir de tels critères, à partir notamment de la possibilité d'accès à un panel de villes, du niveau de desserte des territoires et de la qualité des liaisons transversales.

 

Les nouvelles orientations du Grenelle

Les engagements pris par l'Etat, lors du Grenelle de l'environnement, d'augmenter son effort financier global pourraient cependant s'avérer difficiles à honorer, notamment en ce qui concerne le domaine ferroviaire. Autre difficulté soulevée par le rapport : la diminution de 37% des moyens de l'Etat consacrés à la route sur la période 2009-2020. Mais le choix systématique d'alternatives à la route chaque fois que cela est possible "devrait aussi logiquement se traduire par une augmentation de la part des crédits routiers consacrés aux zones où ces alternatives à la route sont malheureusement difficiles à développer".
La délégation propose ainsi que "l'Etat programme désormais clairement le montant qu'il souhaite consacrer à chacune des trois catégories d'investissements routiers" indiquées par Dominique Bussereau, le secrétaire d'Etat chargé des Transports : congestion du trafic, problème de sécurité ou  intérêt local. Pour les projets routiers répondant à cette dernière catégorie, l'accent devrait être mis sur l'accessibilité et le développement économique local.
Concernant le financement des lignes ferroviaires présentant un fort intérêt au regard de l'objectif de désenclavement, les rapporteurs estiment "qu'il faudrait pouvoir consacrer une partie des nouveaux crédits non seulement à des dépenses d'investissement mais aussi de fonctionnement". L'existence d'une ligne à grande vitesse ne garantit pas en effet à elle seule le désenclavement de l'ensemble d'un territoire : les gares doivent  être assez nombreuses "pour augmenter significativement la part du territoire situé à moins de 45 minutes d'une gare TGV".

 

Une politique d'économie des projets

Une "politique d'économie des projets" permettrait de construire davantage d'infrastructures en diminuant leurs coûts de réalisation. La délégation préconise ainsi de "mieux programmer et massifier les travaux" afin d'éviter surcoûts et gaspillages, et d'adapter les normes techniques routières au territoire qui doit accueillir le projet. Elle envisage également la possibilité de "recourir plus largement aux propositions du secteur privé", sans que le projet prenne nécessairement la forme d'un partenariat public privé.
L'exigence première reste bien sûr l'adéquation réelle des projets aux besoins locaux, et leur inscription dans un cadre défini, assurant la cohérence de l'infrastructure avec les objectifs d'ensemble du territoire en matière de développement et d'accès aux services publics.
Les auteurs notent que l'on peut trouver un tel cadre au travers des schémas de services collectifs de transport, adoptés en 2002, à condition de les réactualiser en les précisant et en les complétant. Ces schémas de désenclavement devraient par exemple intégrer "le niveau de service réellement offert" et accorder "une attention particulière aux territoires orphelins", situés en périphérie de certaines régions ou de certains départements et voisins de territoires dans la même situation vis-à-vis de leur centre. Ils pourraient être élaborés avant le prochain Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (Ciact), initialement prévu en juillet 2008 et reporté à l'automne. Pour Jacqueline Alquier et Claude Biwer, le désenclavement devrait être une priorité financière de ce Ciact.

 

Aurélien Fabre