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Industrie - Les clusters veulent sortir du bricolage financier

Les pôles de compétitivité sont désormais bien installés dans le paysage économique, mais leurs innovations peinent à exister sans les financements adéquats. Outre-Rhin, le modèle des banques financées par les Länder retient l'attention. La neuvième édition des Carrefours européens des clusters, le 3 novembre à Nantes, en a largement témoigné.

Plus une entreprise est innovante, plus elle a de chances d'exporter. Un constat mis en lumière par  une étude récente des douanes montrant que 60% des entreprises exportatrices françaises se déclarent "innovantes".
Les secteurs de la pharmacie, de l'informatique, de la chimie ou encore de l'automobile se taillent la part du lion en se distinguant par leur forte valeur technologique. Mais ces douze derniers mois, la France a cumulé 67 milliards d'euros de déficit commercial, quand l'Allemagne amassait un trésor de plus de 100 milliards.
Les pôles de compétitivité, qui font interagir les entreprises avec le monde de la recherche, font partie des solutions explorées pour résorber ce fossé commercial. A condition que le financement de leurs innovations soit assuré. En attendant des jours économiques meilleurs, les responsables des pôles de compétitivité scrutent les méthodes employées Outre-Rhin. Le rendez-vous donné par France Clusters à Nantes, le 3 novembre, a été l'occasion de mieux cerner le modèle allemand. Il s'agissait de la neuvième édition des Carrefours européens des clusters, organisée autour de la thématique "Quel financement des Clusters et de leurs PME pour l‘avenir". "Les mêmes outils de financement existent, mais les performances entre les deux pays sont différentes", note Marc Lutinier, à la tête d'un fonds d'investissement régional consacré à l'industrie et l'emploi dans les Pays de la Loire.

"Problème de casting"

En France, la lisibilité des aides est plus brouillonne. La palette disponible (subventions, prêts, garanties…) se répartit entre le fonds unique interministériel et les financement de la Caisse des Dépôts, d'Oséo et de l'Agence nationale de la recherche, qui ont soutenu les pôles de compétitivité à hauteur de 1,5 milliard d'euros entre 2009 et 2011.
Outre-Rhin, les entreprises misent sur les banques régionales financées par les Länder. Et leur force de frappe est conséquente. En Rhénanie-Westphalie, la banque NRW, qui participe au renforcement des capitaux des PME et leur propose également du capital risque, affiche un bilan de 160 milliards d'euros. Elle centralise les demandes d'aides et sélectionne les projets pertinents.
Petit à petit, l'UE souhaite diminuer la part des subventions octroyées aux entreprises et accélérer, en contrepartie, l'utilisation de "fonds de renouvellement", abondés par les financeurs privés et publics. Une évolution que les banques allemandes semblent avoir bien anticipée : "Ces instruments renouvelables sont plus simples à construire que la répartition des fonds structurels européens", estime Tabea Strotmann, en charge des produits financiers à la NRW. De même, entre 2014 et 2020, la banque d'investissement du Land de Brandebourg compte placer près de "300 millions d'euros dans des fonds de renouvellement", annonce Tillman Stenger, membre du conseil de l'établissement.
En Allemagne, ce type d'outil est par exemple utilisé pour financer la transformation d'un prototype en produit commercialisable. Cette phase de développement, "plus coûteuse que la recherche", selon le président du cluster EMC2 Patrick Cheppe, semble se heurter à d'importants obstacles en France.
L'ampleur des enjeux financiers conduit par ailleurs les pôles de compétitivité à revoir leur management. Jusqu'ici, la poignée de personnes en charge de l'animation des clusters se consacre davantage à la mise en relation des entreprises qu'au mille-feuille financier. Mais une évolution majeure se dessine. Il y a "un problème de casting", remarque André Soulage, directeur-adjoint du pôle Pégase spécialisé dans les hélicoptères et les innovations aérospatiales. Les clusters ont désormais besoin de responsables "maîtrisant les rouages de la finance" et capables de "faire un benchmark au niveau français et européen sur l'ingénierie financière existante", poursuit-il.
Certains pôles de compétitivité tentent de se frayer un chemin en lançant leurs propres outils financiers. C'est le cas du pôle haut-savoyard Arve-Industries, qui est parvenu à rassembler 30 millions d'euros avec l'aide des antennes régionales du Crédit agricole et de la Banque populaire, placés au sein d'un fonds géré par Amundi. Majoritairement constitué de PME, ce cluster spécialisé dans l'usinage et la mécanique de précision veut faire émerger des "locomotives" industrielles de plus de 2.000 salariés, sur le modèle allemand des entreprises de taille intermédiaire (ETI), généralement mieux armées pour l'export.

Chasser en meute

Pour autant, l'ETI n'est peut-être pas la solution miracle, sauf à accepter les conséquences de l'abandon d'un modèle fondé sur un tissu industriel de petites entreprises. "Certains énarques ne jurent que par les ETI, mais ce n'est pas la seule solution, estime Jean-Claude Pelleteur, président du pôle Neopolia. Il faudra bien sûr que nos PME soient plus grosses, mais ne faire que des ETI fait courir le risque d'augmenter le chômage. Les fusions d'entreprise entraînent forcément l'abandon de certaines activités". Pour valoriser leur savoir-faire industriel, les entrepreneurs de ce pôle installé à Saint-Nazaire "chassent en meute" en répondant collectivement aux appels d'offres des gros donneurs d'ordre (DCNS, STX, Airbus…).
Avant de songer à grossir, les PME doivent aussi s'assurer de la viabilité commerciale de leurs inventions. Même utiles et opérationnels, les projets développés sont parfois contraints de rester dans les cartons, faute de clients capables de se procurer le produit.
Pour atténuer le problème des algues vertes, Neopolia dit "avoir une solution". Un avion, capable d'anticiper l'arrivée des algues vertes trois jours à l'avance, survolerait les côtes puis serait relayé par un bateau spécial, équipé pour ramasser les algues en mer, et non sur les baies, où les machines récoltent plus de sable que de plantes toxiques. "Le projet est fini. Les coûts sont identifiés", fait savoir Jean-Claude Pelleteur. Mais aucun maire confronté aux marées d'algues vertes n'a les moyens d'acheter ces équipements. "A notre petite échelle, on est incapable de trouver le financement qui va bien, alors que c'est un business utile à la collectivité et qu'on est en avance dans le domaine".

 

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