Politique de la ville - Les agglomérations dans la mise en oeuvre des contrats de ville

La réforme de la politique de la ville de 2014 a placé les intercommunalités en première ligne. Deux ans après et alors que les contrats de ville sont désormais signés, qu'en est-il ? Dynamique intercommunale, animation territoriale, participation des habitants... A l'invitation de l'Assemblée des communautés de France, des élus et agents ont témoigné le 29 avril de leurs avancées et des points de blocage.

Où en est la mise en œuvre de la réforme de la politique de la ville ? Réunis par l'Assemblée des communautés de France (ADCF), avec l'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) et la Caisse des Dépôts, des élus et techniciens – principalement d'agglomérations - ont partagé leurs expériences le 29 avril à Paris. Derrière les chiffres globaux délivrés par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), les expériences sont variées.
Sur les 435 contrats de ville signés en 2015, 63% ont été portés au niveau intercommunal. Selon Sébastien Jallet, commissaire général délégué et directeur de la ville et de la cohésion urbaine du CGET, cela représente "plus de 90% des habitants des quartiers", ce qui démontrerait que le portage communautaire visé par la loi Lamy aurait été atteint. En réalité, en fonction de l'histoire de l'agglomération – l'évolution de ses contours, l'antériorité de son implication dans la politique de la ville – et ses capacités d'ingénierie, la mise en œuvre du contrat de ville n'en est pas du tout au même stade d'un territoire à l'autre.

Des situations très contrastées selon l'histoire de l'agglomération

Ainsi la communauté d'agglomération Seine-Eure, qui avait déjà la compétence politique de la ville avant la réforme, a bien avancé. "Malgré des délais très contraints, il était pour nous hors de question que ce contrat de ville soit fait sur un coin de table, sans aller vers les habitants et sans faire le bilan des actions précédentes", a témoigné Anne Terlez, vice-présidente en charge de la politique de la ville. L'agglomération est parvenue à mobiliser ses partenaires et à susciter "une vraie dynamique de territoire", avec une "projection par bassin de vie". Ce travail a également conduit à "une restructuration des services de l'intercommunalité" pour favoriser "une approche intégrée", a précisé l'élue.
A l'inverse, la communauté d'agglomération de l'ouest rhodanien a encore tout à construire. Devenue communauté d'agglomération en janvier 2016 après la fusion de trois communautés de communes en 2014, l'intercommunalité est novice en matière de politique de la ville, même si le territoire y est entré en 2007.

Au programme de 2016 : se plonger dans les annexes

"Quand un seul quartier est concerné, alors que le reste du territoire est assez rural, il a été assez difficile de créer la dynamique dans les temps", selon Murielle Maffessoli, co-présidente de Question de Ville - l'association des directeurs de centre de ressources pour la politique de la ville, ayant contribué à la note du réseau national des centres de ressources remise au ministre de la Ville en décembre 2015 sur les premiers enseignements de la réforme (voir ci-contre). "Comment retravaille-t-on la question de l'interdépendance entre les communes ?", poursuit-elle, "qu'on le veuille ou non, ce qui se passe sur un quartier a un impact sur tout le territoire".
En la matière, les communautés et métropoles sont d'ailleurs tenues d'élaborer en 2016 un "pacte de solidarité fiscal et financier". "Est-ce que, dans certains cas, une marge de manœuvre supplémentaire pourrait être accordée jusqu'à 2017 ?" Pour Sébastien Jallet, "la question est ouverte". Le CGET devrait prochainement fournir un appui méthodologique sur ces pactes, ainsi que sur les rapports politique de la ville et sur les annexes au contrat de ville relatives aux engagements de services publics. Sur ces dernières, chaque signataire doit inscrire ses engagements financiers, l'"approche strictement financière [étant] quasi inaccessible", en particulier pour l'Etat, selon son représentant.

Derrière la signature du contrat, donner du sens au partenariat

L'élaboration de ces annexes sera l'occasion de tester la solidité de ces nouveaux partenariats qui, sur le papier, ont progressé. Un point souligné par Sébastien Jallet : "au-delà du premier cercle préfet-communes-intercommunalité" et des autres collectivités, la signature du contrat de ville par d'autres acteurs – recteurs d'académies, agences régionales de santé, caisses d'allocations familiales, bailleurs sociaux, Pôle emploi, directions régionales de la Caisse des Dépôts, etc. - a été beaucoup plus fréquente que dans les exercices précédents.
Le contrat de ville porté par l'Eurométropole de Strasbourg a ainsi été signé par 43 acteurs – "dont l'université, l'ensemble des bailleurs"… - s'est félicité Mathieu Cahn, vice-président en charge de la politique de la ville à la métropole. "Maintenant, il faut produire", a-t-il ajouté. Autrement dit pour Khalid Ida-Ali, président de l'Inter-réseaux des professionnels du développement social urbain (Irdsu) : "ce n'est pas parce que la région a signé que la région est impliquée".
Pour ce représentant national, qui est également chef de projet politique de la ville à Vitry-le-François (Marne), il importe de "réfléchir à une révolution en termes de méthode", en particulier de "monter en compétence sur des méthodes d'animation" pour réellement mettre en œuvre la "démarche intégrée" préconisée dans la loi.

Conseils citoyens : "travailler autrement" pour "ne pas faire semblant"

La question des méthodes a également été au centre des débats relatifs aux avancées des conseils citoyens. Selon la dernière enquête du CGET, 637 ont été créés, 223 sont encore en cours de constitution ; au total, 860 sont donc prévus. "Pour pouvoir tenir dans le temps", la "formation de l'ensemble des acteurs impliqués" – qui a été "extrêmement faible dans la phase de préfiguration" – est centrale pour Kaïs Marzouki du CGET. L'autre enjeu, pour lui, est celui des "pouvoirs effectifs des conseils citoyens". Actuellement, les membres des conseils sont peu associés aux instances du contrat de ville et ne disposent souvent pas des moyens qui leur permettraient de davantage structurer leur contribution.
Pour Sonia Kruskovic, directrice de la politique de la ville à la communauté d'agglomération Grand Paris sud Seine Essonne Sénart, quand les habitants sont invités à participer à ces instances, il importe de "ne pas faire semblant" et, pour cela, d'"apprendre à travailler autrement". "On a fait ensemble du théâtre forum ou encore de la facilitation graphique", explique-t-elle, "il faut croire en cette intelligence collective qui va se mettre en place".
Si certaines semblent plus avancées que d'autres, les communes et les agglomérations tâtonnent encore pour la plupart. Logique, pour Damien Bertrand, directeur du centre de ressources de la Seine-Saint-Denis Profession Banlieue, puisque la participation des habitants est la "bataille de la politique de la ville depuis l'origine".
L'expérimentation en la matière est donc plus que jamais utile, à l'instar du projet "Y aller par quatre chemins" porté par le CGET, Profession Banlieue et d'autres centres de ressources. Inspirée de la méthode d'ATD Quart Monde sur le croisement des savoirs et des pratiques, cette démarche a conduit sept villes à mandater chacune un élu, un professionnel, un délégué du préfet et une personne en situation de grande exclusion à prendre le temps de réfléchir ensemble, à échanger sur leurs différences de perception et sur la façon de se faire confiance.

 

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