Archives

Egalité et Citoyenneté - Comités interministériels à l'Egalité et à la Citoyenneté : jamais deux sans trois

Le troisième comité interministériel à l'Egalité et à la Citoyenneté s'est tenu le 13 avril, dans l'après-midi, à Vaulx-en-Velin. Le premier, celui du 6 mars 2015, était une réponse aux attentats de janvier. Le second, celui du 26 octobre 2015 aux Mureaux, n'avait pas avancé grand-chose. Celui-ci, concocté depuis des mois en complémentarité avec le projet de loi présenté le matin même en conseil des ministres, s'est tout à coup mis aux couleurs de la jeunesse. A noter : le lancement "opérationnel" de l'agence France Entrepreneur, la nomination d'un haut-commissaire à l'engagement civique, le financement de travaux d'urgence pour les écoles très dégradées, la mise en ligne des données délicates pour les 1.115 communes SRU, l'ouverture du recrutement dans la fonction publique pour aller vers "une égalité réelle"...

Sitôt le conseil des ministres achevé, onze d'entre eux (*) dont le Premier, Manuel Valls, se sont envolés pour Vaulx-en-Velin pour le troisième comité interministériel à l'Egalité et à la Citoyenneté (Ciec). Dans cette ville de la banlieue lyonnaise, où la secrétaire d'Etat à la Ville, Hélène Geoffroy, était maire jusqu'à son entrée récente au gouvernement, le Ciec devait "mettre en perspective" le projet de loi Egalité et Citoyenneté (Plec) présenté quelques heures auparavant en conseil des ministres.
Passage en revue des (maigres) annonces, bilans et perspectives intéressant les collectivités locales.

Emploi et développement économique

Sur ce thème, aucune des mesures précisées n'entrent dans le cadre du projet de loi Egalité et Citoyenneté. Certaines se retrouveront en revanche dans le projet de loi "Travail".

Lancement opérationnel de l'agence France Entrepreneur

Cette fois c'est sûr : l'agence France Entrepreneur est sur les fonts baptismaux. C'est en février 2015, après les attentats de janvier, que François Hollande avait annoncé la création d'une agence nationale pour le développement des territoires. Après un rapport de préfiguration confié notamment à l'actuelle présidente de la nouvelle région Franche-Comté-Bourgogne Marie-Guite Dufay, le chef de l'Etat avait dévoilé son nom officiel, le 20 novembre, lors d'un déplacement à La Courneuve : l'agence France Entrepreneur. L'agence aura donc droit à un deuxième acte de baptême, puisque le gouvernement annonce désormais son lancement "opérationnel". Présidée par Mohed Altrad, un homme d'affaires franco-syrien élu entrepreneur mondial de l'année 2015, l'agence n'est pas une création ex nihilo. Détenue à parité par l'Etat et la Caisse des Dépôts, elle a absorbé l'APCE (Agence pour la création d'entreprises), modifiant au passage son champ d'action. Elle devra surtout travailler à coordonner l'action des tous les réseaux d'aide à la création existants (France Active, Initiative France, Adie, Réseau Entreprendre, BGE, CitésLabs, chambres consulaires…). Sa cible : les "territoires fragiles" où l'accompagnement et le financement pour la création d'entreprises font aujourd'hui défaut. Un spectre large qui vise en théorie aussi bien les territoires hyper-ruraux que les quartiers et l'Outre-Mer. Le comité du 13 avril reprend l'objectif assigné par le rapport de préfiguration : augmenter la part d'accompagnement des créateurs d'entreprises dans les quartiers de la politique de la ville de 50% d'ici 2018. Ce qui ferait passer leur nombre de 20.000 à 30.000, sachant que dans ces quartiers, le taux de défaillance à trois ans est deux fois plus important qu'ailleurs, souvent faute d'accompagnement préalable.
Le comité fixe un autre objectif, moins réaliste celui-ci : atteindre les 50% d'accompagnement d'entrepreneurs issus des territoires fragiles à horizon 2018. Mais on part de très loin : les plus gros réseaux que sont France Active et Initiative France ne réalisent aujourd'hui que 3 à 4% d'accompagnement dans les quartiers. L'Adie et BGE, mieux implantés, atteignent 20%.
Question financement, le comité n'apporte aucune précision. Il omet de parler du rôle des régions, pourtant aux premières loges dans ce domaine (le rapport de préfiguration insistait beaucoup sur la nécessaire coordination avec elles)…

Parrainage pour les diplômés, garantie jeunes pour les décrocheurs

L'absence de mention des régions est aussi ce qui frappe au chapitre "parrainage des jeunes diplômés" des quartiers. Un parrainage qui va être généralisé. D'ici au mois de juin, quelque 8.400 jeunes diplômés en recherche d'emploi seront ainsi reçus par Pôle emploi, accompagnés et mis en relation avec des clubs de parrains issus de l'entreprise. Une plateforme nationale du parrainage est lancée à cet effet. Une instruction du gouvernement du 8 mars 2016 destinée à accélérer la mise en oeuvre du plan du développement du parrainage misait sur l'installation de comités de pilotages régionaux.
Le comité reprend par ailleurs la généralisation de la garantie jeunes pour les "décrocheurs" d'ici au 1er janvier 2017, telle qu'elle figure déjà dans le projet de loi Travail. Une mesure qui, là encore, suscite beaucoup d'interrogations quant à son financement.
En Outre-Mer, un appel à projets doté de 2,5 millions d'euros sera lancé pour soutenir des projets innovants dans l'économie sociale et solidaire, à hauteur de 100.000 euros maximum.

La Grande Ecole du numérique

La Grande Ecole du numérique, prévue par le Ciec du 6 mars 2015, et qui fonctionne en réseau en s'appuyant sur des initiatives déjà existantes en matière de formations "innovantes et menant à l'emploi", est confortée. L'objectif est de former 5.000 étudiants en 2016. Pour cela, le Ciec de Vaulx-en-Velin "entend passer à une échelle plus large et offrir un cadre pérenne à ces initiatives". Il confirme la mise en place "avant l'été 2016" du GIP qui réunira partenaires publics et privés (voir notre article Lancement de la Grande Ecole du numérique : un modèle de formation en réseau du 21 septembre 2015).
Le projet de loi Egalité et Citoyenneté prévoit par ailleurs d'ouvrir des aides financières aux "apprenants des formations labellisées" (il y aurait 171 formations labellisées au titre de la "Grande Ecole du Numérique", voir notre article du 5 février 2016). L'exposé des motifs envisagerait que 50% des apprenants viennent des QPV.

Engagement civique et participation citoyenne 

Réserve citoyenne

En 2015, 6.700 personnes se sont portées candidates à la réserve citoyenne. En inscrivant ce dispositif dans la loi, le gouvernement entend le développer. Ouverte à tous ceux qui souhaiteraient s'engager, la réserve citoyenne comportera des sections thématiques – dont certaines existent déjà : défense et sécurité, police nationale, réserves communales de sécurité civile, Education nationale – et des sections territoriales – "les collectivités territoriales pourront créer des sections spécifiques à leurs projets d'intérêt général local". "La loi précisera la nature et la durée de l'engagement, les structures et projets pouvant mobiliser les réservistes, leurs conditions d'affectation, mais aussi d'exclusion", indique le dossier de presse.

Service civique

Pour 2016, l'objectif de 110.000 jeunes volontaires est maintenu, mais aucun indicateur ne permet de savoir si ce volume sera atteint. Sans plus de précision, le dossier indique que "des moyens supplémentaires" permettront de rendre possible "l'universalisation du service civique", avec un horizon de 350.000 volontaires en 2018 (voir notre article du 13 janvier 2016 François Hollande veut généraliser le service civique après 2020).
Dans son communiqué du 13 avril 2016, le ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et l'Agence du service civique précisent que "près de 130.000 jeunes se sont engagés en service civique depuis sa création en 2010" ; parmi eux, 53.000 jeunes étaient volontaires en 2015.
Le Plec intègre des dispositions visant à multiplier le nombre d'organismes d'accueil potentiels ; les organismes HLM et les sociétés publiques locales notamment pourraient accueillir des jeunes en service civique. Il est également prévu d'élargir l'accès au service civique pour les étrangers et réfugiés ayant un titre de séjour.

Congé d'engagement

La future loi Egalité et Citoyenneté créerait également un nouveau congé d'engagement, destiné à faciliter la prise de responsabilités par des bénévoles dans leur association. "Accessible à tous les salariés, du secteur public comme du secteur privé, élus pour siéger bénévolement dans l'organe d'administration ou de direction d'une association, ce congé, non rémunéré, sera de six jours fractionnables (les associations politiques, cultuelles, économiques et syndicales sont exclues du bénéfice de cette disposition)."

Compte engagement citoyen

Annoncé dès janvier 2016 par le président de la République, un "parcours citoyen généralisé et valorisé pour chaque jeune" serait intégré dans les programmes scolaires, "évalué dans le cadre du diplôme national du brevet". A l'appui d'un "livret citoyen" remis au jeune à la fin de sa scolarité, ce parcours conduirait ensuite à des validations de compétences acquises lors d'expériences d'engagement (bénévolat, service civique), obligatoires dans le cadre des études supérieures. Nouveauté de ce 13 avril, un "compte engagement citoyen, intégré au sein du compte personnel d'activité, ouvert dès seize ans" permettra de valoriser ce parcours sur la base du livret citoyen. "Ce compte recensera les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire" et "permettra d'acquérir des heures de formation et des jours de congés".

Haut-commissaire à l'engagement civique

Un haut-commissaire à l'engagement civique est nommé en la personne de François Chérèque, qui reste président de l'Agence du service civique. Il sera épaulé d'une petite équipe, dont un adjoint : Yannick Blanc, président de la Fonda et jusqu'ici préfet du Val-d'Oise. Ce haut-commissariat "animera les différents dispositifs d'engagement civique", en particulier "la réserve citoyenne, avec l'intégration des réserves existantes (défense, sécurité civile, police et gendarmerie, Education nationale) et la mise en œuvre de plusieurs programmes ministériels (culture, sport...)" et le service civique.
Le décret du 11 avril 2016 crée cette nouvelle fonction et précise ses attributions. Outre le développement de la réserve citoyenne et du service civique, les missions du haut-commissaire intègrent la coordination de l'action interministérielle sur l'engagement, l'animation d'une "réflexion sur l'extension de la journée défense et citoyenneté" et la présidence d'un "conseil d'orientation de l'engagement civique". Ce conseil comprendra "des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des opérateurs, des associations et des personnalités qualifiées œuvrant pour la promotion et la généralisation de l'engagement civique".

Droit d'interpellation pour les conseils citoyens

Le gouvernement recense 637 conseils citoyens en fonctionnement en mars 2016 ; plusieurs centaines seraient donc encore en cours de mise en place (pour d'autres éléments de décompte, voir nos articles du 28 janvier 2016 et du 9 décembre 2015).
Dans son titre dédié à "l'égalité réelle", le Plec contient une disposition visant à permettre aux conseils citoyens de "saisir le préfet de département pour signaler les difficultés rencontrées par les habitants des quartiers de la politique de la ville" (voir aussi notre article Plec , titre III : L'égalité réelle via le recrutement dans la fonction publique et l'interpellation citoyenne du 15 mars 2015). Cette saisine conduirait à la réalisation d'un diagnostic par le préfet, susceptible de s'appuyer pour cela sur les délégués du gouvernement, puis éventuellement à "une actualisation du contrat de ville soumise à débat au sein des assemblées délibérantes des collectivités concernées : conseils municipaux, assemblées des établissements publics de coopération intercommunale, conseil régional, conseil départemental".
"Cet article [de l'avant-projet de loi] a suscité l'émoi légitime de plusieurs associations d'élus, dont l'AMF, France Urbaine et Ville & Banlieue", s'est fait l'écho France urbaine dans une note publiée le 7 avril dernier. Tout en "[approuvant] un texte s'efforçant de donner au conseil citoyen un rôle et un pouvoir d'interpellation", les associations d'élus considèrent que "les collectivités ne peuvent toutefois rester spectatrices ou témoins d'une saisine qui les concerne directement - au même titre que l'Etat". A ce titre, les collectivités devraient être "mises dans la boucle dès le moment de l'instruction de la demande" et "une réponse collective" pourrait être formulée dans le cadre de la réunion des instances du contrat de ville.

Accompagnement des jeunes vers l'autonomie

 

Le pilotage des politiques jeunesse confié aux régions

Inscrit dans le projet de loi Egalité et Citoyenneté, ce pilotage conduirait les régions à coordonner, "de manière complémentaire avec le service public régional de l'orientation, les initiatives des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des structures d'information des jeunes labellisées par l'Etat".
L'objectif d'"améliorer l'information des jeunes", en matière de santé, de loisirs et de droits sociaux, serait également inscrit dans la future loi.

Clause d'impact jeunesse

Le gouvernement garderait cependant la main sur une partie du pilotage de ces politiques, puisque la création d'un "conseil national d'orientation des politiques de jeunesse" placé auprès du Premier ministre est annoncée. Régulièrement demandée par les associations représentatives des jeunes (voir notre article du 4 mars 2014), une "clause d'impact jeunesse" devrait désormais être présente dans "les nouveaux textes législatifs ou réglementaires". Enfin, une "revue des dispositifs pour la jeunesse sera lancée dans le cadre du choc de simplification". A lire aussi dans Localtis notre article Comité interministériel de la jeunesse : 27 mesures sur 47 mises en œuvre… ou presque du 4 mars 2014.

Ecole

Financement des travaux pour les écoles très dégradées

La polémique sur les écoles très dégradées dans les quartiers populaires de Marseille a sans doute incité le gouvernement à réagir. Le fait est que le Ciec a décidé que l'Etat mobilisera les moyens du fonds d'un milliard d'euros en faveur de l'investissement des collectivités (le fameux fonds de soutien à l'investissement local, voir notre article du 19 janvier 2016) et de la dotation politique de la ville (DPV) "pour traiter les situations les plus urgentes". Ils financeront des travaux "immédiatement exécutables" et "achevés d'ici la rentrée 2016", afin d'"améliorer les locaux scolaires des quartiers, particulièrement ceux en REP et REP +". Il est rappelé que l'Anru a vocation à participer au financement d'établissements scolaires. Enfin, la Caisse des Dépôts pourra intervenir "en accompagnant les communes dans la réalisation des diagnostics scolaires".

Relations parents-école

Toutes une série de mesures invite à pousser les parents d'élèves, en particulier "ceux éloignés de l'école", à s'engager "dans la vie de l'école". D'une part, on les informera des bienfaits de la scolarisation précoce (voir notre article La politique de scolarisation des enfants de moins de 3 ans a besoin d'un coup de booster du 5 avril 2016). D'autre part, 5.000 services civiques seront déployés pour "faciliter" leur relation à l'école. Enfin, il est exigé que les CAF (Caisses d'allocations familiales) seront "systématiquement associées" au développement du volet parentalité des programmes de réussite éducative (alors qu'elles n'étaient encore que 64% à en être en 2015, voir notre article Les projets de réussite éducative réussiront-ils à s'adapter à la nouvelle politique de la ville ?).

Plan numérique à l'école

Il est rappelé que le plan numérique à l'école sera étendu, à la rentrée 2016, à 75 nouveaux collèges et 83 nouvelles écoles de l'éducation prioritaire, situés en métropole et dans les outre-mer, avec l'objectif d'une "couverture totale des collèges des REP en 2018" (voir notre article Rentrée 2016 : 738 projets de "collèges numériques" validés).

Parcours d'excellence, pôles de stages...

Les parcours d'excellence, créés lors du deuxième Ciec des Mureaux, bénéficieront de moyens supplémentaires "à hauteur de 12,5 millions d'euros".
660 jeunes en service civique "formés à la lutte contre les discriminations" permettraient d'"amplifier" le "déploiement des pôles de stages à la rentrée 2016".
Et le Ciec ne se prive naturellement pas de rappeler que "la rentrée 2016 verra le déploiement de moyens nouveaux dans les écoles des quartiers populaires, avec 6.639 créations de postes".

Logement

Le titre II du projet de loi

"Lutter contre les discriminations, c'est casser l'apartheid social en matière de logement", pose le Ciec de Vaulx-en-Velin, renvoyant au projet de loi en mettant l'accent sur trois mesures : le renforcement du pouvoir des préfets pour se substituer aux "communes qui refusent les logements sociaux" (les communes carencées au titre de la loi SRU) ; la réforme des attributions de logements consistant à poser comme règle que "25 % des attributions devront être destinées aux demandeurs les plus pauvres à l'extérieur des quartiers prioritaires de la politique de la ville" ; la réforme des loyers pour les bailleurs sociaux avec le principe que "les loyers seront adaptés à leurs revenus (Ndlr : aux revenus des locataires pauvres logés dans des HLM situés dans des quartiers qui ne sont pas en QPV)". Les 38 pages consacrées au logement dans le projet de loi sont naturellement plus complexes (voir notre article qui les présente en détails dans l'édition de ce jour).

Bilan application de la loi SRU

Le Ciec a rappelé plusieurs éléments de bilan. Il se félicite d'une part, à propos de l'application de la loi SRU, que "sur les 221 communes réticentes à accueillir des logements sociaux, plus de 11.000 logements ont été construits ces deux dernières années, grâce à 110 préemptions et 21 permis délivrés par les préfets". De plus, "plus de 200 contrats de mixité sociale ont été négociés ou sont en cours", ajoute le gouvernement. Ce qui signifie qu'il reste des situations de blocage pour près d'une vingtaine de communes carencées qui ne veulent rien savoir.

http://logement.gouv.fr/transparence-sru

Pour chacune des 1.115 communes qui n'ont pas atteint leur objectif SRU, le ministère du Logement met en ligne ce 13 avril un module pour rendre publiques quatre données : le taux de logements sociaux à atteindre en 2025 par la commune, via le rattrapage progressif fixé par période triennale ; le taux de logements sociaux sur la commune (chiffres au 1er janvier 2014, et leur évolution depuis 2002) ; l’état de carence éventuel de la commune (si non atteinte des objectifs de rattrapage triennaux) ; le montant des pénalités payées par la commune en 2015.
"Ainsi chacun pourra savoir si sa commune est soumise à la loi SRU et consulter dans ce cas son taux de logement social, son évolution depuis 2002, les efforts de sa commune pour rattraper son retard et le cas échéant les prélèvements qui sont opérés", indique le ministère.

Cessions du foncier d'Etat

Concernant l'application de la loi Duflot 1, le Ciec indique que "sur l'année 2015, l'Etat et ses opérateurs ont cédé 80 terrains publics qui permettront de construire près de 9.000 logements dont plus de 40 % seront des logements sociaux". C'est dix terrains de plus que ce que François Hollande indiquait cinq jours auparavant à Romainville. Le Ciec rend compte fidèlement, en revanche, de l'objectif fixé par le président de la République ce jour-là : atteindre les 100 cessions à la fin de 2016. Une mission pour la délégation interministérielle à la mixité sociale dans l'habitat créée voici un an, conformément à la décision du Ciec du 6 mars 2015.

Recrutement dans la fonction publique

En matière de fonction publique, le comité interministériel Egalité et Citoyenneté du 13 avril a précisé les mesures contenues dans le titre III du projet de loi du même nom, présenté en conseil des ministres le matin même, que Localtis avait analysé  mi-mars à l'état d'avant-projet. Il s'agit avant tout d'ouvrir le recrutement dans la fonction publique, afin qu'elle soit "à l'image de la société, et à ce titre ouverte à la diversité", ainsi que le rappelait récemment Annick Girardin. La principale mesure est la prise en compte des périodes d'apprentissage dans la fonction publique pour l'accès au troisième concours, et la généralisation du recrutement par cette voie, qui pourrait atteindre 10% de postes mis en concours. De façon "complémentaire" - car on sait que ces contrats ne sauraient constituer, aux yeux des employeurs publics, un pré-recrutement - 10.000 contrats d'apprentis seront ouverts dans la fonction publique de l'Etat en 2016, contre 4.000 en 2015.
L'ouverture du recrutement passe aussi par l'élaboration et la mise en œuvre de plans d'action pour la diversification des profils dans les 75 écoles de service public. L'organisation de la scolarité dans ces écoles sera par ailleurs modifiée par voie réglementaire afin d'inclure "une période de scolarité ou de stage dédié à un engagement citoyen".
Enfin, le volet "lutte contre les discriminations" s'inscrit dans la continuité des mesures annoncées lors du précédent Ciec et fait également l'objet de discussions avec les organisations syndicales dans le cadre de la "concertation sur le développement des compétences et des parcours professionnels dans la fonction publique", qui s'est ouverte le 12 avril. Le gouvernement a ainsi annoncé "une nouvelle étape dans la transparence et la diversification des recrutements pour les postes les plus élevés dans la fonction publique", qui passe entre autres par la mise en place de comités d'audition lors de toute nouvelle nomination aux emplois supérieurs de l'Etat, et la généralisation du processus de labellisation "en faveur de la diversité et l'égalité professionnelle femme/homme", dans lequel devront s'engager tous les ministères, mais qui est également déjà ouvert aux collectivités.

Des agents publics mieux formés à déceler l'illettrisme

Le Ciec a décidé que les agents publics seront "mieux formés à déceler et accompagner les situations d'illettrisme" grâce à la plateforme de formation digitale (Mooc) dont l'accès sera "élargi". Elle dispense une formation "gratuite et ouverte à tous" qui vise à pouvoir "déceler les indices révélateurs de l'illettrisme chez les usagers" et à "affiner l'attitude des agents publics et assimilés afin qu'ils puissent leur proposer des solutions adaptées".
Le Ciec lance également la préfiguration "opérationnelle" de l'Agence de la langue française dont la mission sera de "traiter les questions liées à l'illettrisme et à l'amélioration de la maîtrise de la langue, dans l'hexagone et les outre-mer". Il est indiqué que la mission de préfiguration, dont le rapport final sera remis au Premier ministre avant le 15 septembre 2016, devra notamment "définir les relations avec les collectivités territoriales et les partenaires sociaux".

Culture

Femmes dans l'espace public

A signaler tout d'abord que le Ciec a décidé qu'"une attention particulière sera portée à la mixité femmes/hommes dans l'espace public dans les opérations d'aménagement urbain". Une bien belle "attention" en attendant des engagements plus concrets.

Architecture du XXe siècle

Le Ciec a présenté le programme de recherche-action sur le thème de l'"Architecture du XXe siècle : matière à projet pour la ville durable du XXe siècle". Le gouvernement pense que cela "permettra de valoriser ce patrimoine récent, sans le figer, pour améliorer le cadre de vie des habitants, changer l'image et restaurer l'attractivité des quartiers"… et éviter peut-être de nouveaux bras de fer avec des architectes compagnons de route de la politique de la ville tels que Chemetov (lire notamment nos articles A saisir : une tour de 23 étages dans l'Essonne pour 1 euro du 11 avril 2014 et La justice persiste : Chemetov ne peut s'opposer à la démolition de son "oeuvre" de Courcouronnes du 17 octobre 2013).

Jumelages et "nouveaux territoires de l'art"

Le Ciec annonce que "les jumelages entre les équipements culturels et les quartiers prioritaires" seront "multipliés". Et que les "lieux et espaces intermédiaires", friches et "nouveaux territoires de l'art" seront "davantage soutenus", sans plus de précision.

Elargissement du 1%

Le Ciec a décidé que les conditions d'emploi du 1% seront élargies. La formulation emprunte à l'art de l'ellipse : "il ne s'agira plus seulement de financer les commandes d'œuvres, dans toutes les disciplines, mais également le processus artistique et culturel qui permet d'aboutir à leur réalisation. Ce processus devra être participatif et s'appuyer notamment sur l'expertise d'usage des habitants, exprimée en particulier au travers des conseils citoyens (Sic)". Quant au dispositif "Un immeuble, une œuvre", inspiré d'ailleurs du 1% Culture (voir notre article Lancement du programme "1 immeuble, 1 œuvre" : quand la promotion culturelle rencontre la promotion immobilière du 18 décembre 2015), le Ciec de Vaulx-en-Velin assure plus simplement qu'il sera "étendu".

Suivi des décisions des Ciec

Il est désormais demandé aux préfets de s'assurer tous les trois mois de la bonne exécution des Ciec 1, 2 et 3. Ils le feront via deux instances : à l'occasion des comités d'animation régionale (CAR) "qui forment l'état-major de l'Etat en région" et à l'occasion des "collèges de chefs de services de l'Etat dans les départements".
Au niveau national, le suivi des Ciec est assuré par le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET).

 Caroline Megglé, Valérie Liquet, Michel Tendil et Laurent Terrade

(*) Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l'Habitat durable, Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, Annick Girardin, ministre de la Fonction publique, Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Ericka Bareigts, secrétaire d'Etat chargée de l'égalité réelle, Martine Pinville, secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, Hélène Geoffroy, secrétaire d'Etat chargée de la ville, et Thierry Braillard, secrétaire d'Etat chargé des sports.


Des propositions issues d'une consultation sur internet pourraient "alimenter le débat parlementaire"

Les résultats de la consultation citoyenne conduite sur internet  entre le 23 mars et le 8 avril ont été présentés à Vaulx-en-Velin ce 13 avril (voir notre article du 24 mars 2016). En tout, 4.895 personnes ont participé au processus, 687 propositions ont été formulées et ces dernières ont recueilli un total de 10.248 votes.
Au programme de cette consultation : quatre thèmes - égalité réelle, emploi et entrepreneuriat, engagement et émancipation des jeunes, école – et huit défis. Ainsi, à la question qui a le plus intéressé les internautes, "comment donner aux citoyens les moyens de lutter contre le racisme et les discriminations ?", c'est la proposition de l'association Coexister qui a été plébiscitée, avec 295 votes : mettre en œuvre une "formation universelle à la laïcité et aux faits religieux dans les universités". Sur le défi de la simplification des dispositifs "pour permettre aux jeunes d'accéder pleinement à leurs droits", 130 internautes ont choisi la proposition de l'Anacej : "favoriser le développement des lieux de participation des jeunes à la vie publique". A la question "comment permettre à ceux qui n'ont ni réseaux ni financements, de créer leur entreprise ?", c'est l'idée de "pack démarrage PME" d'un entrepreneur qui a remporté l'adhésion.
Lors de ce troisième Ciec, les huit contributions ayant recueilli le plus de votes ont été "débattues et enrichies par une centaine d'acteurs (citoyens, partenaires institutionnels, membres associatifs) réunis en ateliers de travail, avant d'être présentées directement aux ministres". "Ces propositions continueront à alimenter le débat parlementaire", indique le dossier de presse. Reste à savoir sous quelle forme, comment les parlementaires accueilleront les amendements du gouvernement inspirés de la concertation ou en rédigeront eux-mêmes, et dans quelle mesure les citoyens et associations à l'origine de ces contributions pourront participer à la suite du processus.

C.Me.