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Politique de la ville - Les collectivités pressées par le gouvernement de mettre en œuvre "la politique de peuplement"

Une circulaire va être très prochainement adressée aux préfets pour qu'ils mobilisent les mairies défaillantes sur les obligations de la loi SRU en matière de logement social. Ces communes seront invitées à signer d'ici la fin de l'année un "contrat de mixité sociale". En cas de refus, l'Etat passera en force.

Trois mois après le comité interministériel sur l'égalité et la citoyenneté, la "politique de peuplement" du gouvernement se met en place. La pression monte en effet contre les communes qui ne respectent pas les objectifs de logements sociaux de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement urbains). Une circulaire interministérielle va être adressée "d'ici quelques jours" aux préfets de département pour qu'ils mobilisent les 1.022 communes déficitaires, a confirmé Thierry Repentin, le nouveau délégué interministériel à la mixité sociale dans l'habitat, vendredi 29 mai, à l'occasion de la 11e journée des présidents d'agglomérations et de métropoles. "Il faut refaire de la pédagogie sur la loi SRU" - qui oblige les communes de plus 3.500 habitants, ou de 1.500 habitants en Ile-de-France, à avoir plus de 25% de logements sociaux - et proposer "avant la fin de l'année" un "contrat de mixité sociale", a ajouté l'ancien ministre de Jean-Marc Ayrault. A noter que ce contrat de mixité sociale est une vieille histoire : il en était déjà question en 2008 sous Nicolas Sarkozy.

Délivrer des permis de construire "en lieu et place des maires"

Sur les 1.022 communes défaillantes, 56% remplissent les objectifs triennaux de construction de logements sociaux, 390 sont "très en retard" et 222 sont en "constat de carence". Ce sont surtout elles qui sont dans le collimateur du gouvernement. Depuis les attentats du début d'année, elles sont même taxées de faire de l'"antirépublicanisme"… Les préfets examineront d'ici juillet l'ensemble de ces communes. Celles ne souhaitant pas se mettre au diapason et signer le contrat de mixité sociale seront "frappées d'un arrêté de carence". L'Etat prendra alors les choses en main. Les préfets pourront préempter eux-mêmes du foncier ou des immeubles pour les transformer en logements sociaux, mettre les documents d'urbanisme en "compatibilité" et délivrer des permis de construire "en lieu et place des maires". Les établissements publics fonciers (EPF) conduiront des études préalables aux acquisitions. "Tout ça existe et nécessite simplement d'être mis en musique", a insisté Thierry Repentin.
Par ailleurs, les 1.022 collectivités déficitaires seront ciblées par le nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU), "y compris pour reconstruire une offre de logements démolis dans les années à venir". "Lorsqu'on détruira un logement social, il faudra reconstruire ailleurs", a confirmé François Pupponi, le président de l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru), alors que jusqu'ici, les nouvelles constructions ont surtout été réalisées sur le même site.
"On a ghettoïsé les quartiers, ça a été organisé, on ne veut pas se mélanger avec les pauvres issus de l'immigration. (…) Collectivement, on attaque les bases de notre République", a martelé François Pupponi. "On", c'est-à-dire ceux que l'ancien maire d'Evry Manuel Valls appelle les "blancos", qui ont progressivement quitté les quartiers pour s'installer en périphérie...

"Si on ne passe pas en force, on officialise le ghetto"

"Si on ne passe pas en force, on officialise le ghetto", a argué le député-maire socialiste de Sarcelles reprenant à son compte le vocabulaire du Premier ministre qui, en début d'année, avait dénoncé un "apartheid territorial social et ethnique". Les nouveaux contrats de ville seront un autre moyen d'action. Pour l'intercommunalité qui ne signera pas le contrat de ville présent sur son territoire, "il n'y aura pas de convention Anru", a brandi le président de l'Anru, justifiant la politique de peuplement du gouvernement, alors qu'à ce jour, seulement 60% des contrats ont été signés par une intercommunalité.
Le député a dénoncé l'égoïsme de certaines collectivités et rappelé un "article passé inaperçu" dans la loi Lamy du 21 février 2014 qui prévoit qu'un "pacte de solidarité financier et fiscal" soit adossé au contrat de ville. Ce pacte est destiné à préciser "qui finance quoi et comment". Lors de la première lecture à l'Assemblée du projet de loi Notr (nouvelle organisation territoriale de la République), le député a fait adopter un amendement qui prévoit que si, un an après la signature du contrat de ville, ce pacte n'a toujours pas été élaboré, l'intercommunalité devra mettre en œuvre une dotation de solidarité communautaire au profit des communes concernées. Le montant de cette dotation est fixé à 10% du produit de la CFE (cotisation foncière des entreprises) et de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). "Il faut faire passer en force dans des cas extrêmes", a encore souligné le député, prenant l'exemple "le plus emblématique" de Tremblay-en-France, "une ville des plus riches qui récupère 40% des recettes de l'aéroport de Roissy" et dont l'agglo a en son sein "la ville de Sevran, l'une des plus pauvres de France".
Raphaël Le Méhauté, directeur de la ville et de la cohésion urbaine au sein du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), est revenu sur l'implication des différents acteurs dans ces contrats. S'agissant des services de l'Etat, elle est "variable". Mais les 13 conventions interministérielles signées par l'ancien ministre délégué à la Ville François Lamy (sur l'emploi, les transports, la justice, la police, l'éducation… bref tout sauf le logement !) "ont permis d'améliorer grandement les choses", s'est-il félicité. "Il y a une forte mobilisation du gouvernement pour que la politique de droit commun aille vers les publics qui en ont le plus besoin", a-t-il souligné.
Si les premiers résultats de ces contrats dévoilés le 26 mai par Myriam El Khomri, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, sont "extrêmement encourageants", le responsable du CGET a aussi pointé "plusieurs points de vigilance". L'élargissement au cadre de vie implique, selon lui, une "révolution culturelle des équipes". Quant à la prévention de la délinquance et les travaux d'intérêt général, ils "mériteraient d'être un peu développés". "Tous les ans, les plans d'actions annuels seront l'occasion de remettre tout ça d'aplomb", a-t-il déclaré.
Les retards de certains contrats sont souvent dus à l'absence de signature du département ou de la région mais "il n'y a pas lieu de s'alarmer". En effet, 86% des contrats actuellement signés l'ont été par la département ou la région. "Cela vaut la peine de mobiliser les conseils régionaux", a conseillé Raphaël Le Méhauté, rappelant que 10% des crédits des fonds européens doivent être fléchés vers la politique de la ville, "ce qui représente une enveloppe annuelle de 130 à 140 millions d'euros, soit la moitié de la dotation politique de la ville (programme 147)". Or, les régions sont "un peu en retrait par rapport aux objectifs". Si les régions signent généralement les grands contrats, elles préfèrent parfois "porter des projets en commun", avec "leur propre géographie".

 

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