Insertion - Le Sénat adopte à son tour le projet de loi sur le RSA

Les amendements adoptés par les sénateurs n'ont pas bouleversé le texte de Martin Hisrch, qui passera bientôt en commission mixte paritaire. Des précisions importantes ont toutefois été apportées.

Après l'Assemblée nationale le 7 octobre, le Sénat a adopté à son tour en première lecture, le 24 octobre en fin de journée, le projet de loi généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d'insertion. Malgré trois défections individuelles au moment du vote, le texte préparé par Martin Hirsch a passé sans encombre l'étape du Sénat avec 196 voix pour et 27 contre (le groupe socialiste s'étant abstenu). Suivant en cela les recommandations du secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, les sénateurs n'ont apporté au projet de loi que des modifications limitées.
Ils ont ainsi renforcé les garanties de compensation par l'Etat du coût de l'extension de la compétence des départements au périmètre de l'actuelle allocation de parent isolé (API), prévues à l'article 3. Des amendements ont notamment précisé les modalités de liquidation de cette compensation pour l'année 2009, ainsi que le rôle de la Commission consultative sur l'évaluation des charges dans le suivi de ces transferts. Le Sénat a également introduit un amendement précisant que l'"aide personnalisée de retour à l'emploi" - financée par le Fonds national des solidarités actives et qui permet de prendre en charge tout ou partie des coûts exposés par le bénéficiaire lorsqu'il débute ou reprend une activité - sera attribuée "par l'organisme au sein duquel le référent [...] a été désigné".
A l'article 5, des amendements conjugués de la commission des affaires sociales et du gouvernement ont clarifié les modalités d'articulation entre le Code de l'action sociale et des familles (pour le RSA) et le Code de la sécurité sociale (pour l'API). Afin de faciliter l'instruction des dossiers de couverture maladie universelle (CMU), il est par ailleurs prévu que les bénéficiaires du RSA qui ne disposent d'aucun revenu professionnel sont réputés comme remplissant les conditions de résidence et de ressources nécessaires à l'octroi de la CMU C (disposition qui existait déjà pour le RMI).

 

Droits connexes locaux : veiller à l'équité

Après l'article 6, un amendement présenté par Michel Mercier est venu renforcer l'idée, déjà présente dans le projet de loi initial, que les droits connexes locaux devront tenir compte des ressources plus que du statut du bénéficiaire : les collectivités devront veiller, lors de l'attribution d'aides individuelles ou d'avantages tarifaires, à ne pas entraîner de "discrimination à l'égard de personnes placées dans la même situation, eu égard à l'objet de l'aide, et ayant les mêmes ressources rapportées à la composition du foyer". Martin Hirsch s'y est montré très favorable, citant le cas de cantines municipales gratuites pour un chômeur indemnisé à hauteur de 2.000 euros et payante pour un travailleur pauvre gagnant 637 euros. Comme cela avait été le cas à l'Assemblée, la question de savoir si "le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales" n'était pas remis en cause a été soulevée.
A l'article 8, les sénateurs ont ajouté expressément les organisations syndicales représentatives, les chambres consulaires et les associations de lutte contre l'exclusion à la liste des organismes qui peuvent être associés au pacte départemental d'insertion conclu par le conseil général.
A l'article 9, ils ont introduit une disposition importante prévoyant que les contrats à durée déterminée signés par les entreprises d'insertion peuvent "à titre exceptionnel" être prolongés au-delà de la durée maximale (24 mois) "lorsque des salariés âgés de cinquante ans et plus ou des personnes reconnues travailleurs handicapés rencontrent des difficultés particulières qui font obstacle à leur insertion durable dans l'emploi". Cette prolongation est autorisée, après examen de la situation du salarié, par le futur organisme issu de la fusion de l'ANPE et de l'Unedic. La même disposition s'applique à d'autres formes de contrats, comme le contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE).

 

Contrat unique : le 1er janvier 2010

Les sénateurs ont par ailleurs adopté un amendement (présenté par le groupe socialiste, et soutenu par l'ADF) permettant aux collectivités de subordonner leurs aides aux entreprises "à l'engagement de celles-ci en matière de créations d'emplois, notamment à temps plein". Cette disposition doit contribuer à faire en sorte que le RSA "ne soit pas perverti en une machine à produire du temps partiel subi", a souligné Yves Daubigny, sénateur et président du conseil général de l'Aisne, tout en notant que "certains départements appliquant déjà cette disposition".
Parmi les amendements portant sur le futur contrat unique d'insertion, on mentionnera qu'un amendement gouvernemental est venu "étendre la possibilité de prescrire des contrats uniques d'insertion pour le compte de l'Etat à certaines composantes du service public de l'emploi élargi", dont les missions locales ou encore les Cap emploi. De même, un amendement de la commission des affaires sociales doit permettre au département de "déléguer, en tout ou partie, la signature et la mise en oeuvre du contrat unique d'insertion à d'autres opérateurs, qu'il s'agisse d'une autre collectivité territoriale, de la nouvelle institution issue de la fusion de l'ANPE et des Assedic ou des opérateurs publics et privés". "Ainsi, en fonction des réalités locales, le département pourra mettre en place le dispositif qui lui semblera le plus performant et le plus adapté", a expliqué Bernadette Dupont, rapporteur de la commission.
En outre, Martin Hirsch a fait adopter un amendement précisant le calendrier d''entrée en vigueur du contrat unique : "Les acteurs ne souhaitent pas que le contrat d'insertion entre en vigueur en cours d'année. Il est trop tard pour le 1er janvier 2009 ; il faut donc reporter cette entrée en vigueur au 1er janvier 2010 et prévoir des mesures transitoires."
Le gouvernement ayant déclaré l'urgence sur ce projet de loi, le texte devrait donc être rapidement soumis à une commission mixte paritaire, avant son adoption définitive. Compte tenu du caractère limité des amendements introduits par le Sénat, le passage en CMP ne devrait pas soulever de difficultés particulières.

 

Jean-Noël Escudié (PCA) / Claire Mallet
 

Référence : projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion (adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 7 octobre 2008 et par le Sénat le 24 octobre).

 

Un nouveau fonds pour les jeunes

 

Le haut commissaire a inséré dans ce projet de loi son idée de fonds d'expérimentation pour les jeunes sur lequel il avait par exemple dit quelques mots le 17 octobre dernier : un nouvel article (article 13) vient en effet créer un "fonds d'appui aux expérimentations en faveur des jeunes" doté "de contributions de l'Etat et de toute personne morale de droit public ou privé, qui s'associent pour définir, financer, et piloter un ou plusieurs programmes expérimentaux visant à améliorer l'insertion sociale et professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans". Il est prévu que la gestion de ce fonds soit assurée par la Caisse des Dépôts. Martin Hirsch a fourni quelques explications : "Ce fonds d'expérimentation préparerait non un RSA-jeunes mais un ensemble de programmes spécifiquement conçus en faveur des jeunes. Parmi les thèmes envisageables, je citerai l'aide sociale à l'enfance, le fonctionnement des missions locales, le dispositif 'école deuxième chance', la rupture du contrat d'alternance ou le soutien au revenu des jeunes (...). Nous procéderons par appel à projets associant des équipes d'évaluateurs et des opérateurs de terrain, qui pourraient être des syndicats, des associations d'étudiants ou des collectivités territoriales. Ils monteront des programmes avec un système clair d'évaluation, en vue d'une généralisation par voie parlementaire. D'emblée, 10 millions d'euros permettront de lancer les premiers appels à projets dès cette année. D'autres abondements de l'Etat suivront en 2009 et 2010, des partenaires privés pouvant y contribuer". L'opposition a toutefois jugé le dispositif "imprécis", notamment quant à la contribution de l'Etat.

C.M.