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Insertion - L'Assemblée adopte et précise le RSA et son financement

La première lecture par les députés du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active n'a pas modifié l'économie générale du texte mais a introduit des précisions concernant par exemple la place des CCAS, la compensation par l'Etat aux départements, le contrat avec les bénéficiaires et l'évaluation du dispositif.

L'Assemblée nationale a adopté le 8 octobre en première lecture le projet de loi généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d'insertion. S'il a conduit à de vifs échanges sur le financement du RSA, le bouclier fiscal et le plafonnement des niches fiscales (qui ont d'ailleurs conduit le groupe PS à s'abstenir lors du vote), ce premier examen n'a pas vraiment modifié l'économie générale du texte. Outre les amendements adoptés les jours précédents (voir ci-contre nos précédents articles), la dernière journée consacrée à l'examen par article a néanmoins conduit à introduire un certain nombre d'aménagements significatifs.
Comme on pouvait s'y attendre, les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale ont obtenu la satisfaction d'amour-propre qu'ils réclamaient. Ils pourront en effet - de plein droit et au même titre que le département, la CAF ou la MSA - instruire les demandes de RSA, alors que la rédaction initiale prévoyait la nécessité de passer convention avec le conseil général.

 

Une compensation "intégrale"

En matière de financement, le prélèvement social de 1,1% pour financer le "Fonds national des solidarités actives" n'a pas été remis en cause. Mais un amendement, longuement négocié, prévoit que ce taux ne peut être dépassé (ce qui est juridiquement curieux, sachant que la loi elle-même fixe le taux de 1,1% et qu'une autre loi pourra toujours y déroger) et que "ce taux sera diminué, au vu de l'effet du plafonnement institué par la loi de finances pour 2009, du montant cumulé de l'avantage en impôt pouvant être retiré par un contribuable de l'application de dépenses fiscales propres à l'impôt sur le revenu". Prudents, les députés ont également ajouté l'adverbe "intégralement" à l'article 3 prévoyant que les charges supplémentaires résultant pour les départements de la mise en oeuvre du RSA sont compensées par l'Etat. Dans le même esprit, un autre amendement précise que "si les recettes provenant des impositions attribuées [en application de la compensation au titre du RSA] diminuent, l'Etat compense cette perte dans des conditions fixées en loi de finances afin de garantir aux départements un niveau de ressources équivalant au montant du droit à compensation [...]".
Le contrat passé entre le président du conseil général et le bénéficiaire du RSA - lorsque ce dernier n'est pas orienté vers la future entité née de la fusion de l'ANPE et de l'Assedic - a lui aussi donné lieu à d'importantes précisions. Là où le texte initial se bornait à évoquer "un contrat librement débattu énumérant leurs engagements réciproques en matière d'insertion sociale et professionnelle", la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale est beaucoup plus précise. Elle prévoit en effet que "ce contrat précise les actes positifs et répétés de recherche d'emploi que le bénéficiaire s'engage à accomplir", mais aussi "la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu", tandis que "le bénéficiaire s'engage à accepter l'offre d'emploi correspondant à un emploi recherché". De même "le contrat retrace les actions que l'organisme vers lequel [le bénéficiaire] a été orienté s'engage à mettre en oeuvre dans le cadre du service public, notamment en matière d'accompagnement personnalisé et, le cas échéant, de formation et d'aide à la mobilité". Dans le cas où le bénéficiaire est orienté vers le service public de l'emploi, la rédaction initiale évoquée ci-dessus a été maintenue, avec toutefois l'ajout de la mention des "actes positifs et répétés de recherche d'emploi".

 

Sanction et évaluation renforcées

Pour éviter d'éventuels abus (les riches Anglais du Périgord allocataires du RMI...), les députés ont ajouté une disposition prévoyant que le demandeur ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou assimilé "doit fournir une attestation des services fiscaux de son pays d'origine indiquant qu'il n'est pas imposable dans son pays". Ils ont par ailleurs explicité et renforcé les cas de fraude pouvant donner lieu à sanction. Outre la déclaration fausse ou incomplète, "l'absence de déclaration d'un changement de situation, ayant abouti au versement indu de l'allocation" devient également passible d'une "amende administrative". Des mesures (suspension du versement du RSA et engagement des procédures de sanction) ont aussi été mises en place en cas de travail dissimulé.
Enfin, comme il est désormais de tradition, les députés ont prévu la production par le gouvernement de plusieurs rapports : un premier document sera consacré aux conséquences de la condition d'âge des bénéficiaires du RSA (réservé aux plus de 25 ans, comme le RMI), tandis qu'un second rendra compte des conditions d'intégration de l'allocation de solidarité spécifique au RSA.
Mais le plus important en matière de suivi est l'ajout d'un article 18 prévoyant que "dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, le gouvernement réunit une conférence nationale associant notamment des représentants des collectivités territoriales, les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, des associations de lutte contre les exclusions et des représentants des bénéficiaires du revenu de solidarité active". Cette conférence nationale aura notamment pour objet d'évaluer "la performance" du RSA et des autres dispositifs de lutte contre la pauvreté et d'incitation à la reprise de l'activité, mais aussi "d'établir un bilan financier de coûts induits par cette prestation" et d'analyser les éventuelles conséquences du dispositif sur le recours au temps partiel. Un comité d'évaluation regroupant des représentants des départements, de l'Etat, de la Cnaf, de la Caisse centrale de MSA, du service public de l'emploi, ainsi que des personnalités qualifiées, sera chargé de préparer les travaux de la conférence. En attendant la conférence, ce comité remettra chaque année au gouvernement et au Parlement un "rapport d'évaluation intermédiaire".

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion (adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 8 octobre 2008).