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Le Sénat adopte en commission une nouvelle proposition de loi sur le développement durable des territoires littoraux

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté ce 24 janvier une proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux qui reprend l'essentiel des dispositions d'un texte qui avait été présenté sous la précédente législature mais dont l'examen avait été interrompu par la suspension des travaux parlementaires. Il entend notamment  renforcer la prise en compte du recul du trait de côte dans les politiques publiques pour organiser et faciliter le développement d'activités dans les territoires concernés par ce phénomène et améliorer les règles d'urbanisation des communes littorales. De son côté, le ministre de la Transition écologique, également chargé de la mer, a présenté les cinq "priorités d'action" de l'Etat pour la mer et le littoral.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté ce 24 janvier une proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux. Ce texte déposé le 13 septembre dernier par Michel Vaspart (LR - Côtes-d'Armor), Bruno Retailleau (LR - Vendée), Philippe Bas (LR - Manche) et de nombreux sénateurs des groupes Les Républicains et Union Centriste vise à reprendre les dispositions d'une précédente proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, que le Sénat avait adoptée en première lecture. Ce texte avait été voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture le 31 janvier 2017 mais son examen avait ensuite été interrompu par la suspension des travaux parlementaires.
Le nouveau texte entend renforcer la prise en compte du recul du trait de côte dans les politiques publiques pour organiser et faciliter le développement d'activités dans les territoires concernés par ce phénomène, résultant de l'érosion côtière et de l'élévation du niveau de la mer et amplifié par le changement climatique. Il propose également des améliorations aux règles d'urbanisation des communes littorales afin de mieux conjuguer protection de l'environnement et aménagement du territoire, dans l'esprit de la loi Littoral de 1986. "Avec l'objectif d'assurer l'équilibre entre protection de l'environnement et développement local, ce texte pragmatique donnera aux élus locaux des outils pour mieux faire face aux défis des territoires littoraux", a déclaré son rapporteur Didier Mandelli (LR, Vendée).

Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte

A son initiative, plusieurs précisions ont été apportées à ce texte en commission. Au chapitre 1er (art 1er), qui consacre l'existence de stratégies de gestion intégrée du trait de côte au niveau national et au niveau local, un amendement prévoit d'une part que le Conseil national de la mer et des littoraux, qui constitue l'instance de concertation de référence sur les projets relatifs à la mer et au littoral, soit associé à l'élaboration de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte et précise d'autre part les modalités de participation du public préalablement à l'adoption de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Plutôt que de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir ces modalités, l'amendement renvoie aux dispositions actuelles du code de l'environnement relatives à la participation du public lors de l'élaboration des plans et programmes faisant l'objet d'une évaluation environnementale.

Identification du risque de recul du trait de côte

Le chapitre 2 (art 2 à 8) de la proposition de loi vise à identifier le risque de recul du trait de côte. Il propose notamment de définir le recul du trait de côte, qui symbolise la limite entre le domaine maritime et le domaine terrestre, en droit positif (art 2). Il veut aussi permettre la création de "zones d'activité résilientes et temporaires" (ZART) en cas de risque de recul du trait de côte (art 4). Le texte initial (article 6) prévoyait aussi que les préfets transmettent aux collectivités ou à leurs groupements compétents, dans un document unique, les informations dont ils disposent sur les risques naturels existants sur leurs territoires mais cette disposition a été supprimée en commission au motif qu'elle était "réglementaire et redondante avec le droit existant, puisque l'article R. 132-1 du code de l'urbanisme prévoit déjà la transmission par l'État aux collectivités des 'études en matière de prévention des risques et de protection de l'environnement'".
Le texte prévoit en outre (article 7) d'étendre les règles d'information du preneur d'un bien au risque de recul du trait de côte pour les biens situés dans une ZART. L'article 8 de la proposition de loi concerne l'hypothèse où le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) ne traiterait pas du recul du trait de côte. Dans cette hypothèse, cette problématique devrait être directement intégrée dans le schéma de cohérence territoriale (Scot). L'élaboration des Sraddet n'a pas encore abouti, les régions ayant jusqu'au 28 juillet 2019 pour les rédiger, conformément à l'article 33 de l'ordonnance n° 2016-1028 du 27 juillet 2016. Dès lors, l'article 8 de la proposition de loi ne peut trouver à s'appliquer avant cette date. Un amendement adopté en commission vise donc à différer son entrée en vigueur au 28 juillet 2019.

Développement durable des territoires littoraux

Le chapitre 3 (art 9 à 19) contient les dispositions visant à encourager le développement durable des territoires littoraux. Parmi les mesures contenues dans ce chapitre figurent la dérogation au principe de continuité de la loi Littoral pour permettre l'urbanisation des dents creuses des hameaux, la relocalisation des activités et la réalisation d'annexes de taille limitée (art 9). Tout en maintenant l'exclusion générale des opérations en discontinuité de l'urbanisation existante dans les espaces proches du rivage, la commission a voté un amendement visant à lever cette restriction pour les seules constructions ou installations liées aux cultures marines, en cohérence avec la nécessité pour ces activités de rester à proximité relative du rivage.
Le texte prévoit aussi d'actualiser les motifs d'élargissement de la bande des cent mètres, en y ajoutant la prévention des submersions marines (art 10). L'article 11 de la proposition de loi procède à une coordination concernant les enquêtes publiques modifiant ou suspendant une servitude de passage longitudinale permettant aux piétons de marcher au bord du littoral. Un amendement de cohérence a été voté en commission pour étendre à la servitude de passage transversale autorisant l'accès au rivage la modification relative à l'enquête publique pour la servitude de passage longitudinale.
L'article 12 vise à améliorer la prise en compte des risques naturels dans le processus d'évaluation environnementale des projets. Mais la commission a revu sa rédaction, jugée peu opérante car ciblant le champ d'application de l'évaluation environnementale, alors que celui-ci est déterminé par catégorie de projet en fonction de critères techniques, selon une nomenclature indépendante des facteurs environnementaux concernés. L'amendement adopté privilégie donc une modification du contenu de l'étude d'impact, afin d'y mentionner expressément l'analyse des incidences des projets sur l'exposition aux risques naturels. Par ailleurs, il propose de faire référence aux risques naturels à titre général, plutôt qu'aux seuls risques identifiés dans un plan de prévention des risques naturels.
La proposition de loi interdit aussi à l'État, aux collectivités locales et à leurs groupements d'aliéner les immeubles de leur domaine privé situés dans une zone d'un plan de prévention des risques littoraux identifiant un risque de recul du trait de côte (art 14).
Elle organise aussi les modalités de préemption et de délaissement d'un bien menacé par le recul du trait de côte (art 15). Un amendement de précision du rapporteur sur cet article vise à sécuriser l'exercice du droit de préemption dans les ZART, compte tenu de l'objectif d'intérêt général de réduction de la vulnérabilité des territoires face au recul du trait de côte.

Création d'un bail réel immobilier littoral

Le texte prévoit également la création d'un nouveau type de bail, le bail réel immobilier littoral (BRILi), destiné à prendre en compte le risque de recul du trait de côte dans les zones d'activité résiliente et temporaire - ZART (art 16). La commission a voté sur ce point un amendement de cohérence qui tire les conséquences de la création des sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt national (SPLA-IN) par  la loi n°2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain. "Les SPAL-IN se distinguent des SPLA classiques : l'Etat peut entrer dans leur capital pour mener des opérations d'aménagement avec les collectivités territoriales volontaires. Par cohérence, il convient d'ouvrir la possibilité aux SPLA-IN de conclure un bail réel immobilier littoral (BRILi)", selon l'exposé des motifs. Un amendement de précision a aussi été adopté pour sécuriser le BRILi au regard des règles applicables aux contrats de la commande publique. La commission a également voulu assouplir les modalités de cession des constructions et améliorations réalisées par le preneur durant le BRILi. A l'expiration du bail et en l'absence de réalisation du recul du trait de côte, le bailleur serait dans l'obligation d'acheter au preneur les constructions et améliorations qu'il a réalisées pendant la durée du bail. La commission a proposé de lui laisser davantage de marges de manœuvre. Un autre amendement de précision reprend une disposition adoptée par le Sénat le 11 janvier 2017 lors de l'examen de la précédente proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique. Il rappelle que le preneur peut jouir librement des biens faisant l'objet d'un BRILi. Avec l'accord du bailleur, il peut modifier les constructions existantes ou en édifier de nouvelles, à condition de ne pas modifier la destination des immeubles et de remettre en état les biens à l'issue du bail. Le texte prévoit aussi (art.17) d'appliquer aux entreprises nouvelles signataires d'un BRILi les mêmes exonérations fiscales que celles applicables en zones de revitalisation rurale. Enfin, à l'article 18, la commission a voté un amendement visant à limiter dans le temps la possibilité de recourir au fonds Barnier pour des opérations d'aménagement impliquant l'acquisition de biens menacés par le recul du trait de côte.
La proposition de loi sera examinée en séance publique les 30 et 31 janvier prochains.

Mer et littoral : l'Etat se donne cinq priorités d'action
A la demande du Premier ministre, Nicolas Hulot, ministre d'Etat chargé de la mer, a réuni ce 25 janvier le Conseil national de la mer et des littoraux (CNML). Le Comité interministériel de la mer du 17 novembre dernier avait souligné l'importance d'associer les acteurs et les élus locaux à la politique maritime du gouvernement. La rencontre de ce 25 janvier se situait dans son prolongement. "C'est donc un nouveau départ qui est donné au Conseil. Je vous présente le plan d'actions prioritaires que le gouvernement s'est donné. J'attends du Conseil qu'il contribue à son suivi et qu'il l'enrichisse par ses contributions", a déclaré Nicolas Hulot.
Le ministre d'Etat a annoncé "cinq défis" à relever. Le premier concerne la protection et la restauration des milieux marins et littoraux, incluant la lutte contre les pollutions d'origine terrestre, "sachant que 70% des déchets marins viennent de terre". Le deuxième est l'anticipation de l'évolution du trait de côte, dans le contexte du changement climatique. "22 % des rivages sont concernés par un recul, alors que s'y concentre une part de la population toujours plus importante", a rappelé le ministre.
Autres défis : le développement des énergies marines renouvelables, "un des piliers de la transition énergétique de pays", "l'accompagnement des filières maritimes et littorales (pêche, aquaculture, transport, plaisance, tourisme…) dans la transition écologique et face au défi de la compétitivité" et "la réussite de la transformation des grands ports maritimes français dont le modèle doit être repensé, intégrant les enjeux fonciers, fiscaux et du numérique". En particulier, l'économie circulaire, sur ces pôles d'activité économique, "doit devenir la référence, pour accompagner la fluidification des chaînes logistiques et la réduction de leur impact sur l'environnement", a insisté Nicolas Hulot.
Quatre leviers seront mobilisés pour relever ces défis, a-t-il ajouté : "la connaissance et l'innovation, qui seront développées au niveau national mais pour lesquelles il faut aussi plaider au niveau européen" ; "l'association des acteurs et l'implication des territoires, via le développement d'expérimentations et du partage d'expériences" ; "l'adaptation des modes d'action des services de l'Etat pour les moderniser et les rendre plus efficients pour répondre à ces nouveaux défis" ; "la mise en œuvre de la planification stratégique dans les façades et les bassins maritimes afin de mieux concilier l'ensemble des usages".
Nicolas Hulot a également présenté les "visions pour l'avenir des façades maritimes" que l'Etat propose à partir des études d'état des lieux et d'identification des enjeux menés localement. Ces propositions doivent être mises en débat, d'une part avec les acteurs locaux dans les conseils maritimes de façade et, d'autre part, à l'occasion d'une concertation avec le public qui sera lancée à la fin du mois.
A.L.
 

 

 

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