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Environnement - Changement climatique : l'Assemblée adopte la proposition de loi pour mieux faire face à l'érosion du littoral

L'Assemblée nationale a adopté le 1er décembre en première lecture la proposition de loi socialiste qui entend adapter les territoires littoraux au changement climatique, en prenant mieux en compte les conséquences de l'érosion. Parmi les amendements votés en séance : la création d'un nouveau Fonds d'adaptation au recul du trait de côte pour accompagner financièrement les collectivités à initier un repli stratégique.

L'Assemblée nationale a adopté jeudi soir 1er décembre en première lecture la proposition de loi socialiste qui entend adapter les territoires littoraux au changement climatique, et doit permettre notamment de mieux indemniser les habitants dont le logement a été rendu inutilisable en raison de l'érosion.
Le texte vise à mieux prendre en compte le fait que le "trait de côte" - la limite entre terre et mer -, évolue chaque année, de nombreuses côtes reculant du fait de l'érosion. Ce phénomène "grignote peu à peu" les 7.500 km de côtes françaises, a noté Emmanuelle Cosse, ministre du Logement, soulignant que les surfaces en recul en métropole représentaient "3.100 terrains de rugby". "Il est nécessaire d'anticiper" ces phénomènes face au changement climatique, a-t-elle ajouté, saluant un texte qui "répond à des préoccupations restées longtemps sans réponse".
Rappelant "la tempête Xynthia de 2010 et "le lourd tribut payé en vies humaines" (47 morts, dont 29 dans des lotissements de La Faute-sur-Mer, en Vendée), la rapporteure Pascale Got (PS), élue de Gironde, a jugé qu'il fallait "arrêter de finasser" et de ne réagir "qu'après l'aléa", soulignant que le texte donnerait des "outils" aux collectivités face au recul du trait de côte. Et ce, alors qu'une hausse de la population "de plus de 4 millions de personnes" est prévue en 2040 sur le littoral, ont noté les auteurs du texte.

Trois nouveaux outils pour les collectivités

Technique, la proposition de loi, qui avait été examinée par la commission du développement durable le 22 novembre (lire notre article ci-contre) vient compléter les mesures déjà prises pour faire face aux inondations et submersions marines en visant à une meilleure prévention du recul du trait de côte. Dans sa partie réglementaire, elle prévoit la reconnaissance juridique du recul du trait de côte dans le Code de l'environnement et la reconnaissance des stratégies nationales, régionales, locales et de leur articulation avec les plans de prévention des risques naturels et les documents d'urbanisme. Elle crée trois nouveaux outils à destination des élus : une zone d'activité résiliente et temporaire (Zart) pour maintenir l'activité et l'adapter au risque érosion ; une zone de mobilité du trait de côte pour protéger les écosystèmes et réguler les ouvrages de défense contre la mer ; un bail réel immobilier littoral (BRILi) pour les collectivités publiques et les particuliers, qui prévoit la jouissance temporaire.
Sur le plan financier, le texte propose aussi des exonérations fiscales pour la création d'entreprises dans une Zart. De manière transitoire et dans l'attente d'un mécanisme plus général prévu par le texte sur le fonds d'indemnisation dit "Barnier", il prévoit également une indemnisation des interdictions d'habitation dues au recul du trait de côte. La rapporteure a notamment évoqué le cas de l'immeuble "le Signal" à Soulac-sur-Mer (Gironde) à 200 mètres du front de mer lors de sa construction en 1967. Les habitants de ses 78 logements ont dû être évacués en 2014, la crête de dune n'étant plus qu'à 16 mètres. De manière plus générale, la proposition de loi oblige les agents immobiliers, les vendeurs et les notaires à apporter une meilleure information aux particuliers. La spécificité des territoires d'outre-mer doit aussi être mieux prise en compte.

Pas de modification du régime d'opposabilité des servitudes d'utilité publique

Parmi les principaux amendements votés en séance, les députés ont complété la rédaction de l'article 1er sur la stratégie nationale et les stratégies locales de gestion du trait de côte pour prendre en compte, pour les départements et territoires d'outre-mer, la contribution particulière des récifs coralliens, des mangroves et des herbiers, qui absorbent près de 90% de la houle, à la limitation des dommages sur la côte et à la protection du littoral. A l'article 3, ils ont voulu simplifier la procédure de création des zones de préemption propres au profit du Conservatoire du littoral directement par arrêté préfectoral dans les zones de mobilité du trait de côte (ZMTC) lorsqu'elles ont été délimitées par un plan de prévention des risques. Ils ont aussi souhaité que l'exception permettant la présence ou la construction d'ouvrages de défense contre la mer, prévue par l'article 3, soit réservée aux collectivités territoriales et établissements publics mentionnés à l'article 211-7 du Code de l'environnement. Mais les protections individuelles construites par des personnes privées contre le risque d'érosion restent possibles à partir du moment où elles ne nuisent pas aux dispositions de protection collectives. Dans les cas où les plans de prévention des risques naturels (PPRN) n'existent pas ou sont en cours d'élaboration, les députés ont voulu conforter la stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte en précisant qu'elle doit intégrer le PPRN. Le gouvernement a obtenu la suppression de l'article 6 qui visait à modifier le régime d'opposabilité des servitudes d'utilité publique, parmi lesquelles les PPRN. "Ce régime donnant satisfaction, il n'y a aucune raison objective de le faire évoluer, a justifié Emmanuelle Cosse. Pour être opposable, un PPRN doit en effet être annexé au plan local d'urbanisme (PLU). L'obligation est forte dans la mesure où le Code de l'urbanisme prévoit un dispositif à double détente. Dans un premier temps, l'obligation d'annexer le PPRN au PLU repose, selon les cas, sur les communes ou sur les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale). En cas de défaillance de la collectivité, le préfet doit, d'office, annexer le plan de prévention des risques naturels au PLU. Dans ces conditions, il est inutile de prévoir le cas où l'obligation fixée par les textes ne serait pas respectée."
Concernant la compatibilité des schémas de cohérence territoriale (Scot) avec les objectifs de gestion du trait de côte, les députés ont voulu préciser qu'en l'absence de stratégie locale, les objectifs de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte doivent pouvoir s'imposer au Scot et donc, par suite, aux PLU, aux documents en tenant lieu et aux cartes communales, par le mécanisme du Scot intégrateur. Les députés ont aussi souhaité que les locataires – et pas seulement les propriétaires - bénéficient de l'obligation d'information par les agents et intermédiaires immobiliers sur le risque de recul du trait de côte.
Par ailleurs, ils ont précisé que le droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles, hors des zones urbanisées, est également ouvert au profit des établissements publics nationaux et pas seulement réservé aux établissements publics locaux comme c'est le cas actuellement. Ils ont aussi permis au Conservatoire du littoral d'acquérir des immeubles, qui font partie du domaine privé des personnes publiques mentionnées dans le texte (État, collectivités territoriales et leurs groupements, établissements publics fonciers et sociétés d'économie mixte) et qui seront situés dans des Zart.

Bail réel immobilier et Fonds d'adaptation au recul du trait de côte

Dans le cadre d'un BRILi (article 12), le preneur devra informer le bailleur avant d'opérer des modifications sur les constructions existantes, et se doter d'une garantie financière lui permettant de respecter ses obligations de déplacement ou de démolition d'installations. Dans le cas où le risque de recul du trait de côte ne se réaliserait pas à la date prévue, le preneur devra céder au bailleur les constructions et améliorations qu'il aura réalisées sur le terrain ou dans l'immeuble pendant la durée du bail. Les députés ont aussi précisé que les baux conclus par le preneur d'un BRILi avec un tiers s'éteignent automatiquement au terme prévu par le BRILi lui-même. Les députés ont en outre voté un amendement gouvernemental proposant de créer un Fonds d'adaptation au recul du trait de côte, alimenté par les collectivités territoriales, l'Etat, et les assureurs "afin d'assister la puissance publique dans la mise en oeuvre opérationnelle des BRILi", a expliqué Emmanuelle Cosse. "Il n'est pas souhaitable que le bail réel immobilier littoral soit financé par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs [ou Fonds Barnier, ndlr] alors qu'il s'agit d'une mesure d'aménagement du littoral. Il doit donc être financé par des dispositifs relevant de cette politique", selon l'exposé des motifs de l'amendement.
La proposition de loi devrait être examinée par la commission du développement durable du Sénat le 21 décembre.

 

 

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