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Environnement - Une nouvelle proposition de loi pour aider les territoires littoraux à s'adapter au changement climatique

Les députés ont adopté en commission le 22 novembre une proposition de loi qui prévoit de nouveaux outils pour aider les territoires littoraux à s'adapter au changement climatique. Examinée en séance publique le 1er décembre, elle propose notamment la création de "zones d'autorisation d'activités résilientes et temporaires" et d'un nouveau "bail réél immobilier littoral".

La Commission du développement durable de l'Assemblée nationale a adopté le 22 novembre une proposition de loi déposée par des députés du groupe SER sur l'adaptation des territoires littoraux au changement climatique. Le texte, qui sera examiné en séance publique le 1er décembre, entend compléter les nombreux dispositifs déjà en place en matière de gestion des risques d'inondation en apportant des réponses pour faire face au recul du trait de côte.
"La mer gagne et gagnera davantage de terrain sur nos littoraux, transformera nos paysages et modifiera nos activités, soulignent les auteurs de la proposition de loi dans l'exposé des motifs. Il est urgent de prendre d'ores et déjà cette réalité en considération car, dans le même temps, l'attractivité du littoral est de plus en plus forte." "Depuis soixante ans, la population installée sur le littoral n'a cessé d'augmenter et de nombreux aménagements ont modifié les équilibres qui existaient jusqu'à présent, rappellent-ils. Avec une pression de construction de logements trois fois plus élevée que la moyenne nationale et une hausse de la population de plus de 4 millions de personnes prévue en 2040 (…), le littoral connaît un dynamisme particulièrement important. Cette activité expose d'autant plus ses habitants aux phénomènes d'érosion côtière, de submersion marine et de montée du niveau de la mer. La multiplication d'évènements climatiques tels que la tempête Xynthia de 2010, particulièrement dévastatrice, a conduit chacun à prendre conscience de cette situation et de la nécessité d'anticiper le risque plutôt que de le gérer dans l'urgence."
Après les "40 mesures pour l'adaptation des territoires littoraux au changement climatique et à la gestion du trait de côte" formulées en octobre 2015 par le comité de suivi de la stratégie nationale pour la mer et le littoral, le texte se présente comme "la concrétisation des propositions envisagées pour lever les obstacles et inciter à l'élaboration de stratégies territoriales". "Cette proposition de loi répond au besoin de préservation des espaces et de sécurisation des populations, tout en organisant les conditions du maintien du dynamisme et du développement durable de nos côtes, soulignent ses auteurs. Elle prend en considération les attentes des particuliers, des acteurs économiques, de l'Etat et des collectivités en matière de recul du trait de côte."
Le texte, qui comporte 14 articles, s'articule autour de trois axes : élaborer des politiques d'anticipation du changement climatique sur le littoral, identifier clairement le risque lié à ce phénomène, et encourager le développement durable des territoires littoraux par de nouveaux dispositifs.

Stratégies de gestion intégrée du trait de côte

 Le premier chapitre, qui comporte un seul article, consacre l'existence de stratégies de gestion intégrée du trait de côte au niveau national et local. Il complète ainsi la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages qui a reconnu la possibilité d'intégrer une stratégie de gestion du trait de côte au schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) ou au schéma d'aménagement régional (SAR) en outre-mer. Etablie par l'ensemble des acteurs concernés par le recul du trait de côte, la stratégie nationale constitue le cadre de référence pour la protection du milieu et la gestion intégrée et concertée des activités au regard de l'évolution du trait de côte. Le texte consacre la cellule hydro-sédimentaire comme étant l'échelle qui permet de gérer les problématiques liées au déplacement du trait de côte.
"Cette stratégie sera mise en œuvre dans le respect des principes de gestion intégrée des zones côtières et de gestion intégrée et concertée de la mer et du littoral. Comme les autres documents stratégiques concernant la mer et le littoral, elle fera l'objet d'une consultation du public avant son adoption", indique la proposition de loi. Un amendement de la rapporteure du texte, la députée de Gironde Pascale Got, a aligné le délai de révision de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte sur celle de la stratégie nationale de la mer et du littoral, soit six ans au lieu de dix prévus initialement. Un autre amendement a été voté en commission pour renforcer la cohérence entre la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte et la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation.

Déclinaisons territoriales

Les régions ainsi que les communes et leurs groupements sont invitées à développer des stratégies territoriales, dans le respect de la stratégie nationale. Au niveau local, cette stratégie pourra être mise en œuvre par les personnes compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi). "A cette échelle, les stratégies de gestion du trait de côte et stratégies de gestion des risques d'inondations devront s'articuler et faire l'objet d'un document unique afin d'assurer une gestion conjointe et cohérente des risques liés à l'érosion côtière, à la submersion marine et à l'élévation du niveau de la mer", ajoute le texte qui précise que "toute stratégie de gestion du trait de côte, qu'elle soit nationale, régionale ou locale, doit prendre en compte la contribution des écosystèmes côtiers à l'adaptation au recul du trait de côte", ce qui "impose de fixer des objectifs relatifs à leur connaissance et à leur protection".
Pour renforcer la cohérence de la démarche des collectivités territoriales et de leurs groupements, un amendement prévoit que les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte peuvent proposer la création ou la modification de "zones d'autorisation d'activité résiliente ou temporaire" (Zaart), un concept figurant à l'article 3 du texte. Un autre amendement propose que les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte soient compatibles avec les objectifs de moyen et de long terme en matière de gestion du trait de côte mis en œuvre par les régions dans le cadre du Sraddet ou du schéma d'aménagement régional valant schéma de mise en valeur de la mer, "lorsque ceux-ci ont été fixés". Autre précision apportée en commission : les objectifs en matière de gestion intégrée du trait de côte contenus dans les documents élaborés par les régions comportant des territoires littoraux doivent être fixés en cohérence avec la stratégie nationale.

Création de "zones d'autorisation d'activités résilientes et temporaires"

Le deuxième chapitre, qui comprend les articles 2 à 8, porte sur l'identification du risque lié au recul du trait de côte.
L'article 2 crée dans le code de l'environnement une nouvelle section relative à l'évaluation et à la gestion du risque de recul du trait de côte, à l'image de la gestion du risque d'inondation. Cette section définit le recul du trait de côte en consacrant les notions d'érosion et d'élévation du niveau de la mer. Un amendement précise que la détermination du risque de recul du trait de côte relèvera des plans de prévention. Les députés de la commission ont en outre créé un article additionnel qui élargit les possibilités d'indemnisation par le fonds de prévention des risques naturels majeurs aux cas de recul du trait de côte, dès lors que l'interdiction définitive d'habiter ou d'utiliser les lieux est décidée par la puissance publique.
L'article 3 fait entrer le recul du trait de côte dans les exemples de risques naturels devant faire l'objet d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP), et introduit dans ces plans le concept de "zone d'autorisation d'activité résiliente et temporaire" (Zaart). Il reviendra ainsi au préfet de déterminer, dans le respect de la loi Littoral, les contraintes et les conditions de construction temporaire sur ces zones menacées par un recul du trait de côte, afin de faciliter le retour à un état naturel et de réduire l'exposition des biens et des personnes. "Il pourra, par exemple, imposer des constructions résilientes, déplaçables et durables, ou encore conditionner la constructibilité à la domanialité des terrains et imposer des garanties financières de démolition au jour de la réalisation du risque de recul du trait de côte", précise l'exposé des motifs.

Zones de mobilité du trait de côte

Le préfet pourra aussi identifier, au sein du plan de prévention, des "zones tampons" appelées zones de mobilité du trait de côte (ZMTC) nécessaires aux côtes pour s'adapter au changement climatique, en accompagnant et en limitant naturellement le recul du trait de côte. "Ce zonage permettra, par exemple, d'interdire tout ouvrage de défense contre la mer établi en dehors de l'exercice de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), ou encore de préserver des cordons dunaires, des zones humides, des falaises, des mangroves, des récifs coralliens, etc., qui constituent des écosystèmes essentiels à la gestion du trait de côte", justifient les auteurs du texte. En commission, un amendement de la rapporteure a décidé de renvoyer aux plans de prévention le soin de fixer le risque de recul du trait de côte et a précisé que les cultures marines peuvent rester implantées dans les zones de mobilité du trait de côte. Les députés ont voté un autre amendement de la rapporteure visant à ce que l'élaboration d'une stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte, dès lors qu'elle prévoit la création ou la modification d'une Zaart, soit prise en compte par le préfet afin que le plan de prévention des risques naturels prévisibles préexistant soit révisé.
En l'absence d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, l'article 4 impose aux documents d'urbanisme de prendre en considération les risques spécifiques au littoral, comme c'est le cas pour les zones de montagne. Un amendement a précisé que dans les zones littorales, en l'absence de PPRNP, "les documents d'urbanisme tiennent compte de l'indicateur de recul du trait de côte".
L'article 5 propose qu'un document récapitulant les connaissances relatives aux risques naturels prévisibles soit porté à la connaissance des communes et de leurs groupements par les préfets. Les députés ont inséré un article additionnel qui prévoit qu'"en cas de risque de recul du trait de côte, l'information du bailleur ou de l'acquéreur d'un bien situé dans une zone d'activité résiliente et temporaire" soit complétée par "la date de survenance du risque de recul du trait de côte".
Les articles 6 à 8 affirment l'opposabilité des plans de prévention des risques lorsqu'ils ne sont pas annexés aux plans locaux d'urbanisme et imposent aux schémas de cohérence territoriale (Scot), plans locaux d'urbanisme (PLU) et cartes communales "de se conformer aux objectifs de la stratégie nationale de gestion du trait de côte et, lorsqu'elles existent, aux stratégies régionales". Après l'article 8, les députés ont ajouté un article additionnel visant à renforcer l'information, par les agents et intermédiaires immobiliers, des personnes acquérant ou louant un bien situé dans une zone à risque. Celles-ci devront se voir signaler explicitement l'existence du risque de recul du trait de côte portant sur le bien de la transaction envisagée dès lors que celui-ci se trouve dans une Zaart.

Développement durable des territoires littoraux

Le dernier chapitre de la proposition de la loi vise à "encourager le développement durable des territoires littoraux" en proposant de nouveaux dispositifs capables de répondre aux problématiques spécifiques liées au recul du trait de côte et à l'élévation du niveau de la mer.
L'article 9 intègre davantage les risques naturels prévisibles, et donc le risque de recul du trait de côte, dans les documents d'étude d'impact environnemental. "Le phénomène naturel de recul du trait de côte étant aujourd'hui exacerbé par les activités humaines, il convient de pouvoir mesurer l'impact des différents projets sur les risques et d'encourager les projets les plus vertueux", soulignent les auteurs du texte.
L'article 10 impose à l'Etat, aux collectivités locales et à leurs groupements de ne pas aliéner les immeubles de leur domaine privé situés dans une zone d'un plan de prévention des risques littoraux identifiant un risque de recul du trait de côte. "Du fait de l'érosion ou de l'élévation du niveau de la mer, l'intégration à terme de ces biens au domaine public maritime, inaliénable et imprescriptible, justifie cette inaliénabilité des biens du domaine privé situés dans ces zones. Les échanges et cessions entre personnes publiques sont toutefois autorisés", précise l'exposé des motifs. Les députés ont voté un amendement étendant le dispositif prévu aux établissements publics fonciers et aux sociétés d'économie mixte pour leur permettre d'échanger des biens et, par ailleurs de signer des baux réels immobilier littoral, un dispositif créé à l'article 12 du texte.
L'article 11 précise que "les opérations d'aménagement, de préemption et de réserve foncière peuvent servir à limiter la vulnérabilité des territoires face au risque de recul du trait de côte". "L'anticipation des risques ne peut en effet avoir lieu sans un projet de territoire et il est nécessaire d'encourager le recours aux outils d'aménagement du territoire pour traiter cette question", soulignent les auteurs du texte. L'article permet ensuite aux collectivités de prévoir que les zones d'autorisation d'activité résiliente et temporaire, délimitées par le préfet, seront également des zones de préemption comportant un droit de délaissement pour les propriétaires de biens. Les propriétaires privés pourront, dans ce cas, demander à la collectivité d'acheter leurs biens puis, s'ils le souhaitent, choisir de rester en contractant avec la collectivité un bail spécifique créé à l'article suivant. Le cas échéant, le contrat de vente devra préciser si le vendeur du bien dispose ou non d'un droit de préférence en cas de conclusion future de ce type de bail par la commune. En cas de préemption et en l'absence d'accord sur le prix, cet article permet également au juge de prendre en compte le risque de recul du trait de côte dans la détermination du prix lorsque le bien a été acquis en connaissance du risque, c'est-à-dire après qu'un plan de prévention des risques a été approuvé. Les modalités de prise en compte du risque dans la détermination du prix feront l'objet d'un décret en Conseil d'Etat. Les activités agricoles ne seront toutefois pas concernées par cette possibilité. Sur proposition de la rapporteure, les députés ont apporté quelques retouches à cet article en commission. Dans le cas d'un bail réel immobilier littoral, ils ont souhaité que les actes de vente indiquent l'existence éventuelle d'une préférence accordée au vendeur et les conditions de fixation de la décote. Ils ont aussi précisé qu'il n'existait pas de décote pour les biens affectés à un usage agricole.

Un nouveau type de bail immobilier

L'article 12 crée un nouvel outil de gestion du trait de côte au sein des Zaart : le bail réel immobilier littoral (Brili). "Les outils existants, tels que le bail emphytéotique, le bail à construction, le bail à réhabilitation ou encore le démembrement de la propriété en nue-propriété et usufruit, sont actuellement insuffisants pour répondre aux problématiques liées au recul du trait de côte, estiment les auteurs de la proposition de loi. Ce bail, à l'inverse, permettra aux territoires de développer de nouveaux projets d'aménagements positifs et durables pour les populations."
A l'initiative des personnes publiques "mais au bénéfice de tous", "il prend en compte la temporalité des activités soumises au risque de recul du trait de côte en maintenant l'habitat et les activités sur le littoral, tout en déterminant les conséquences d'une réalisation anticipée ou postérieure de ce risque et en informant pleinement les locataires sur sa réalisation. Distinct des autres baux, il rend lisible le fait que l'occupation est temporaire et liée à la survenue d'un recul du trait de côte", indique l'exposé des motifs. Plusieurs amendements ont été votés en commission. Les députés ont notamment étendu la liste des personnes publiques qui pourront recourir au Brili pour des biens de leur domaine privé en y incluant les établissements chargés de mission en matière foncière, d'aménagement et de construction. La durée du bail devra se situer entre 5 et 99 ans et la prolongation éventuelle du Brili se voit attribuer la même limite de durée que celle applicable au bail initial. L'existence d'une clause de garantie financière dans les baux réels immobiliers a été rendue obligatoire. Le preneur d'un bail immobilier sera en outre obligé d'informer le bailleur de sa volonté de céder son droit à bail à un tiers. Un décret en Conseil d'Etat déterminera en outre les modalités d'application du chapitre 3 de la proposition de loi.
Sur proposition de la rapporteure, les députés ont voté un article additionnel étendant l'exonération fiscale dans les Zaart aux créations d'entreprises "dès lors que la structure exerce dans le cadre d'un bail réel immobilier", a expliqué Pascale Got. "Nous souhaitons stimuler la signature de ces baux en apportant des garanties aux activités économiques présentes et futures."

Fonds Barnier

Enfin, l'article 13 précise les conditions de financement des appropriations des biens et des pertes subies par les habitants et les acteurs économiques du fait la réalisation du risque. Il maintient temporairement le fonds de prévention des risques majeurs ou fonds Barnier pour les appropriations liées aux mouvements de terrain côtiers. Au-delà d'une date fixée par un décret en Conseil d'Etat et au plus tard le 1er janvier 2022, cet article consacre le principe selon lequel, dès lors qu'un plan de prévention des risques naturels identifiant un risque de recul du trait de côte a été approuvé, le fonds ne prend plus en charge l'appropriation des biens soumis à ce risque.
"Par exception, afin d'encourager l'anticipation, il continuera à financer plusieurs opérations liées à ces biens, est-il toutefois précisé. Il financera d'une part l'acquisition des biens exposés à un risque inférieur à dix ans, à la condition qu'une opération d'aménagement ait été mise en place. Ce financement permettra d'équilibrer au maximum les dépenses et les recettes publiques. Il financera d'autre part, dans le cadre d'un bail réel immobilier littoral, les pertes relatives à la survenance accidentelle d'un recul du trait de côte en raison d'un événement imprévu." Pour des raisons de sécurité et d'attractivité du littoral, il financera aussi les démolitions des biens dangereux construits avant la mise en place d'une zone d'autorisation d'activité résiliente et temporaire. En commission, les députés ont toutefois souhaité restreindre le champ d'application de l'indemnisation par le fonds Barnier en prévoyant que l'indemnisation ne s'applique aux mouvements côtiers qu'en l'absence de plan de prévention prescrit et non pas approuvé. Un autre amendement de la rapporteure limite les possibilités d'indemnisation par l'adjonction d'une condition supplémentaire liée à l'existence d'une stratégie locale "afin de limiter les effets d'aubaine qui consisteraient, pour les collectivités, à attendre que les biens soient menacés dans un délai de dix ans pour réaliser des opérations d'aménagement", a justifié Pascale Got. L'article 14 du texte a été supprimé, la proposition de loi ne comportant "aucune charge irrecevable au titre de l'article 40" de la Constitution.

 

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