Aménagement - Loi Littoral : trente ans, et après ?
Rares sont les lois faisant autant consensus que la loi Littoral. Du moins auprès des habitants car les élus sont souvent plus remontés contre son application, jugée à géométrie variable. Synonyme dans les esprits d'une côte protégée, respectée, cette loi consacrant juridiquement un terme jusque-là essentiellement géographique - le littoral - fut instaurée il y a trente ans pour préserver la qualité des paysages et de l'environnement côtier. Le 16 février, lors d'une conférence de l'Iddri, le "père" et co-rédacteur de cette loi, le haut fonctionnaire Lucien Chabason, est revenu sur son bilan. Et de rappeler pour commencer les faits qui avaient concouru à échafauder ses quarante-deux articles. "On avait perçu les effets pervers des routes construites en bord de mer, entraînant dans leur foulée de l'urbanisation, par exemple entre Nice et Antibes, sur le littoral du Nord-Pas-de-Calais ou le long des plages normandes du Débarquement. Si pour elles le mal était fait, pour d'autres il était temps d'agir et de prévenir les excès de l'urbanisme."
Gérer un bien commun
Adoptée à l'unanimité, en pleine vague de décentralisation, la loi Littoral est aux yeux des connaisseurs plus une loi transversale d'aménagement et de mise en valeur des activités qu'une loi de protection de l'environnement. "Mais quelque part nous avons préfiguré avec elle ce que pouvait être une gestion durable de ce bien commun qu'est le littoral", poursuit celui qui fut par ailleurs l'artisan du premier Plan national de l'environnement en France. A l'époque, un tel effort législatif n'est pas parti de rien. Il fut précédé d'une suite d'instructions et de circulaires, dont celle sur les concessions de plages naturelles, qui impose un libre accès à la mer et le long du rivage. Autre élément connexe, "la loi du 31 décembre 1976 consacrant l'antique sentier du douanier et qui grève, sur une bande de trois mètres, les propriétés riveraines du domaine public maritime", souligne Lucien Chabason. A ses fondements s'ajoutent deux "sources d'inspiration" européennes : la politique de protection des sentiers du littoral en Grande-Bretagne et une loi danoise garantissant un droit de passage pour rejoindre le rivage de la mer et fixant aussi, même en terrain privé, une sorte de zone tampon.
Une loi vivante
Pour dresser le bilan de la loi Littoral, celui qui fut l'artisan du premier Plan national de l’environnement en France cite quelques chiffres et outils plus ou moins directement liés : les 4.600 km, dont plus d'un tiers au titre de la servitude, de sentiers du littoral ; les sites classés, réserves naturelles, les 160.000 hectares protégés par le Conservatoire du littoral, etc. Mais là où il reconnaît que cette loi Littoral est "bel et bien vivante", c'est au vu des réactions, des remous qu'elle continue de susciter. Car on le sait : l'imprécision de ses dispositions génère des crispations. Dans un rapport publié il y a deux ans, les sénateurs Odette Herviaux et Jean Bizet ont détaillé la logique de contentieux, son application sujette à de fortes interprétations et le problème que pose "sa territorialisation inachevée" (voir notre article dans l'édition du 29 janvier 2014). Cette vague de contentieux a d'ailleurs suivi plusieurs phases (voir notre article sur la montée du contentieux indemnitaire dans l'édition du 14 novembre 2014). En outre, d'autres lois lui ont apporté quelques retouches. "Mais très légères, les lois Brottes et celle sur la transition énergétique au sujet du développement sur le littoral des énergies renouvelables", souligne Arnaud Gueguen, chargé de mission au groupement d'intérêt public (GIP) Littoral Aquitain, structure unique en France de protection du littoral, qui associe à la fois l'Etat et des collectivités. Des autres enjeux émergents, comme l'adaptation aux changements climatiques face à l'érosion qui grignote les côtes, cette loi ne traite évidemment pas. "Elle fut conçue à une époque où la conception dominante était de se défendre contre la mer", conclut Lucien Chabason.
Morgan Boëdec / Victoires-Editions
Adaptation au changement climatique et gestion du trait de côte : un appel à projets dédié aux collectivités
A l'issue d'une réunion du comité national de suivi de la gestion intégrée du trait de côte, la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, a confirmé le 12 février que ce comité piloté par les députées Pascale Got (PS, Gironde) et Chantal Berthelot (SRC, Guyane) sera bien reconduit et lui a redonné pour mission le suivi d'un programme d'actions 2016-2018, en cours d'élaboration. Parmi ses recommandations, ce comité avait déjà pointé l'importance de partager des bonnes pratiques, de communiquer, de faire participer sur cet enjeu la société civile, mais aussi de progresser dans les stratégies de relocalisation face au recul du trait de côte (voir notre article dans l'édition du 7 décembre 2015). Le message a été doublement entendu par le ministère, qui annonce le lancement d'un appel à projets dédié aux collectivités mettant en place des stratégies locales en faveur de l'adaptation au changement climatique, mais aussi à destination du grand public un appel à idées pour "imaginer et partager leur vision de l'évolution du littoral". M.B. / Victoires-Editions