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Lutte contre l'érosion côtière - Compromis à l'Assemblée pour une légère retouche de la loi Littoral

L'Assemblée nationale a adopté mardi 31 janvier au soir une version revue et corrigée de la proposition de loi PS visant à adapter les territoires littoraux au changement climatique. Elle comporte certains assouplissements de la loi littoral sans aller jusqu'à "la remise en cause" résultant du passage au Sénat.

Les députés ont voté en deuxième lecture dans la soirée du 31 janvier la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique qui avait été déposée en juillet dernier par les députés socialistes Pascale Got (Gironde), Bruno Le Roux (Seine-Saint-Denis) et Chantal Berthelot (Guyane). L'objet principal du texte, comme l'a notamment rappelé Pascale Got, sa rapporteure, en séance, est de mieux prendre en compte le fait que la limite entre terre et mer, appelée "trait de côte", évolue chaque année, de nombreuses côtes reculant du fait de l'érosion. Il s'agit donc d'anticiper ce phénomène, de protéger les écosystèmes, d'aider à la gestion des zones soumises à l'érosion côtière et de développer des stratégies de relocalisation, a-t-elle souligné.
Pascale Got a vanté les "avancées" du texte : la reconnaissance juridique du recul du trait de côte ; celle d'une stratégie nationale et de stratégies régionales et locales de gestion du trait de côte ; leur articulation avec les différents documents d'urbanisme (Scot, PLU, carte communale) ; l'adaptation des plans de prévention des risques au phénomène de l'érosion et à sa temporalité. Elle rappelé les "innovations" dont le texte est porteur : la création de deux nouveaux zonages facultatifs – la zone de mobilité du trait de côte (ZMTC), destinée à protéger les écosystèmes et à "garantir la qualité et la cohérence des ouvrages de protection", et la zone d'activité résiliente et temporaire (Zart) visant à "faciliter les opérations d'aménagement pour risque de recul du trait de côte, en s'adaptant à la temporalité et à la résilience si particulières de l'érosion".

"Arrêter le kidnapping" du texte

Mais la rapporteure a aussi appelé les sénateurs et députés de l'opposition à "arrêter le kidnapping" de cette proposition de loi et à "revenir au cœur de ce texte". Lors de sa première lecture de la proposition de loi, le Sénat, à majorité de droite, en avait en effet profité pour modifier la loi littoral et introduit des mesures permettant de davantage urbaniser (lire notre article du 17 janvier 2017), déclenchant de nombreuses protestations. Ces derniers jours avait été lancée une pétition "Ne touchez pas à la loi littoral", signée notamment par Nicolas Hulot, Yann Arthus-Bertrand, Isabelle Autissier. La Fédération des parcs naturels régionaux avait aussi adressé une motion en ce sens à la ministre de l'Environnement Ségolène Royal, à la secrétaire d'Etat à la Biodiversité Barbara Pompili et à plusieurs députés.
A l'Assemblée, la ministre écologiste du Logement Emmanuelle Cosse a clamé ne pouvoir "accepter une remise en cause de la loi littoral", "essentielle et fondatrice pour protéger notre patrimoine côtier". Rappelant de multiples "offensives" au fil des ans contre cette loi, l'ex-ministre EELV Cécile Duflot a plaidé pour "maintenir des règles fermes et strictes".

Aménagements de compromis

Quelques aménagements de compromis au texte ont finalement été votés, notamment sur initiative gouvernementale et de la rapporteure, et divers amendements LR plus ambitieux repoussés. La ministre a insisté sur la volonté non "pas d'élargir les possibilités d'aménager le littoral mais de sécuriser juridiquement" beaucoup d'élus. Face à de "multiples contentieux", les critères de définition des "agglomérations, villages, hameaux existants comprenant un grand nombre et une densité de constructions significatifs et hameaux nouveaux intégrés à l'environnement" feront ainsi l'objet d'un décret, en vertu d'un amendement adopté. Contre l'avis du gouvernement, l'Assemblée a aussi permis aux exploitants agricoles, forestiers et de culture marine qui rencontrent des difficultés notamment pour relocaliser les installations nécessaires à leur activité de demander l'autorisation au préfet - après avis de la commission départementale de la nature-, de s'implanter en discontinuité des agglomérations et villages.
"Enfin : la loi littoral un peu assouplie. Sans défigurer nos côtes, l'étau sera un peu moins serré", a réagi dans un tweet Philippe Gosselin (LR). Et le texte "règle la question des 'dents creuses' (espace entre des constructions existantes où il est interdit de construire jusqu'à une certaine distance dans les terres), épine dans le pied", selon Stéphane Travert (PS).
Avant le vote à main levée de la proposition de loi, soutenue par une majorité de groupes, Emmanuelle Cosse a appelé à "ne pas mettre en cause" le "travail d'ajustement sur un compromis fragile", pour permettre une adoption d'ici la fin de la législature.