Economie mixte - Le Sénat adopte définitivement la PPL sur les Sem à opération unique
Article initialement publié le 19 juin 2014.
Le Sénat a adopté définitivement la proposition de loi visant à permettre aux collectivités de créer des sociétés d'économie mixte à opération unique (Semop). Examinant le texte en deuxième lecture, les sénateurs n'ont pas modifié la version votée par l'Assemblée nationale en première lecture le 7 mai (voir notre article ci-contre du 12 mai).
Convergence politique
Cette nouvelle Sem sera dédiée à l'exécution d'un contrat unique : "une opération de construction de logements ou d'aménagement, la gestion d'un service public, ou tout autre opération d'intérêt général relevant de la compétence de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales", rappelle le Sénat dans un communiqué du 18 juin au soir. La société pourra être créée à l'issue d'une procédure de mise en concurrence visant à sélectionner l'opérateur économique amené à entrer dans le capital de la société. La collectivité ou son groupement devra conserver une minorité de blocage d'au moins 34%.
"Les Semop, qui existent ailleurs en Europe, sont attendues par les élus comme par les entreprises", selon Jean-Léonce Dupont, sénateur centriste du Calvados et président de la fédération des entreprises publiques locales (EPL), à l'origine de la proposition de loi. Ce qui explique pour lui une certaine convergence politique sur le sujet, exprimée à l'automne 2013 par le dépôt de six propositions de lois équivalentes à l'initiative de "plus d'une centaine de parlementaires, députés et sénateurs" de différentes tendances.
La sécurité et la maîtrise sans la gestion directe
Introduisant la séance du 18 juin, le secrétaire d'Etat chargé de la réforme territoriale a salué les travaux des parlementaires et a souligné que la Semop "procure à la fois la maîtrise politique et la sécurité juridique". Pour André Vallini, le "principal avantage" de cette nouvelle société "est de se composer de deux actionnaires au minimum contre sept dans les sociétés d'économie mixte locales (SEML)". "Dans les Semop chacun joue sa partition : les collectivités fixent le cap et maîtrisent le cours des opérations, et les opérateurs privés apportent leur expertise et leur capacité d'innovation", ajoute Jean-Léonce Dupont selon un communiqué de la Fédération des EPL du 19 juin.
Pour Erwann Binet, député socialiste de l'Isère et rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, "les Semop ont une vrai valeur ajoutée pour les collectivités car la gestion en régie est difficile à assumer pour certains projets et des expériences passées de partenariat public-privé ont suscité des critiques aussi nombreuses que légitimes". Avec ce nouveau type d'entreprise publique locale, les parlementaires espèrent donner aux élus locaux "la possibilité de maîtriser en toute sécurité le fonctionnement d'un service public local ou d'une activité d'intérêt général sans avoir à réintégrer la compétence au sein de la collectivité", selon Daniel Raoul, sénateur PS et auteur de la loi de 2010 sur les sociétés publiques locales.
Toujours des craintes pour les architectes et les PME locales
Représentant les communistes républicains et citoyens (CRC), seul groupe à ne pas voter le texte en s'abstenant, Evelyne Didier a quant à elle dénoncé une "privatisation rampante du service public". La sénatrice considère que "ce sont certainement les mastodontes du BTP, de l'environnement et des transports qui deviendront [les] partenaires [des collectivités] parce que les PME locales n'auront pas les reins assez solides. L'ordre des architectes est très critique sur un montage qui les subordonne aux intérêts marchands".
Lors des courts débats de la séance du 18 juin, les réticences des architectes ont également été relayées par le sénateur socialiste Jean-Yves Leconte, auteur de deux amendements finalement retirés : "Les architectes sont inquiets des conséquences pour les villes et l'urbanisme de l'action d'opérateurs qui pourraient ne plus s'appuyer sur des maîtres d'oeuvre indépendants." Réponse de Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois : ce texte est "en parfaite adéquation avec les lois sur l'architecture". "Nous [élus locaux] faisons appel à des entreprises, à des maîtres d'oeuvre. Le maître d'ouvrage, croyez-nous, décide, commande, a un projet et paie", a ajouté le sénateur, également président de la communauté d'agglomération du Bassin d'Aurillac.