Economie mixte - La Sem à opération unique sur des rails, mais les architectes n'en veulent pas
Adoptée par le Sénat en première lecture le 11 décembre 2013, la proposition de loi visant à permettre la création de sociétés d'économie mixte à opération unique (Semou) a été examinée par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 16 avril dernier en vue de sa discussion en séance plénière le 7 mai. Dans son rapport, le rapporteur désigné par la commission des lois Erwann Binet présente ce nouveau statut comme "une nouvelle forme de partenariat public-privé institutionnalisé" qui répond "aux aspirations aussi bien des élus locaux que des entreprises". La future Sem contrat, rebaptisée Semou par le Sénat, a vocation à concilier "une forte implication capitalistique" et "une maîtrise forte et [un] réel contrôle démocratique", pour la mise en œuvre de "projets complexes ou innovants – notamment ceux qui touchent aux nouvelles technologies, à l’environnement ou à l’énergie". La principale nouveauté consiste à permettre à la personne publique de n'organiser non plus deux, mais une seule procédure de mise en concurrence "non pas pour l'attribution du contrat à la société, mais pour le choix de la personne privée qui participera à la future entité".
Une mise en concurrence de droit commun pour sécuriser le dispositif
Cherchant à "sécuriser le dispositif", la commission des lois de l'Assemblée nationale a en particulier adopté un amendement visant à sélectionner le "partenaire opérateur" de ces futures Semou "dans le strict respect des procédures de mise en concurrence existantes" (délégation de service public, concession de travaux, concession d’aménagement ou marché public), au lieu de la procédure ad hoc simplifiée retenue par le Sénat. En outre, d'autres précisions, comme l'impossibilité de modifier l'objet de la société au cours de son existence, cherchent à garantir le lien exclusif entre la société créée et son objet unique, l'exécution du contrat. Par ailleurs, remplaçant celle de "personne privée", la notion d'"opérateur économique", plus conforme au droit européen, vise à n'exclure aucun type d'opérateur dans la sélection. Le rapport cite notamment les établissements publics industriels et commerciaux qui pourraient être de potentiels candidats.
Nouvelle "usine à gaz para-publique", pour l'Ordre des architectes
Cette nouvelle version du texte sera-t-elle de nature à rassurer l'Ordre des architectes ? Ce dernier, le 15 avril, soit la veille de l'adoption de ces amendements par la commission des lois, a dénoncé la création d'"un PPP institutionnalisé, procédure complexe qui cumule les entorses aux principes de la commande et de la maîtrise d’ouvrage publiques". Le Conseil national de l'Ordre des architectes fait référence à un risque de "dérives, notamment financières" et à "des conflits d’intérêt inévitables", dès lors que cette nouvelle "usine à gaz para-publique" est amenée à faire "siéger nos élus au côté des représentants des majors". Surtout, les architectes se voient relégués au simple rôle de sous-traitants, pour l'Ordre qui voit plus globalement dans "ce projet de Sem, spécialement créée et dédiée aux grands groupes" une "restriction d’accès à la commande pour l’ensemble des professionnels du cadre bâti".