Services publics - SEM contrat : Marylise Lebranchu ne se montre pas convaincue
Dans leur pratique quotidienne des services publics, les collectivités tâtonnent encore pour trouver le bon équilibre entre leur volonté de contrôle accru sur la prestation rendue et la nécessaire maîtrise des dépenses publiques. Depuis la fin du mois d'octobre, plusieurs propositions de loi ont été déposées dans les deux chambres du Parlement, dans le but d'élargir les choix à disposition des élus locaux.
Baptisé "SEM contrat", ce nouveau type de société d'économie mixte permettrait aux collectivités d'avoir davantage d'emprise que sous le régime de la délégation de service public, tout en respectant les principes de mise en concurrence. "Pour travailler de manière intégrée avec des leaders mondiaux, les collectivités ne disposent pas d'outils opérationnels", fait-on valoir à la Fédération des entreprises publiques locales.
Une alternative à la gestion déléguée et aux sociétés publiques locales
Certes la délégation de service public (DSP), dont la France s'est voulue le fer de lance en Europe, existe. Mais la gestion déléguée à une entreprise privée ne donne pas entièrement satisfaction. Les élus "reçoivent une fois par an le compte-rendu du délégataire, ce n'est pas sérieux", insiste-t-on du côté des EPL. Ce type de relation a "montré ses limites dans certains cas", confirme Mireille Flam, conseillère PS de Paris et vice-présidente de la Fédération des entreprises publiques locales. Parmi les contraintes citées, la "perte de contrôle des collectivités locales sur les services fournis et le manque de transparence". Pour regagner de la marge de manœuvre, l'alternative du "tout public" a eu tendance à gagner du terrain ces dernières années, certaines collectivités n'hésitant pas à défier les géants Suez ou Véolia en réinternalisant la distribution de l'eau.
Mise en concurrence des actionnaires potentiels
L'option de la "SEM contrat" repose sur un compromis à mi-chemin : la mise en concurrence intervient sur le choix de l'actionnaire, comme le prévoit la communication de la Commission européenne de février 2008, et non sur l'attribution du marché. Pour une source proche du dossier, "c'est une façon de sortir de l'hypocrisie actuelle", où les élus créent une SEM puis ajustent le cahier des charges de façon à ce qu'aucune autre entreprise ne puisse décrocher l'appel d'offres.
Avec la SEM contrat, l'entreprise actionnaire, une fois sélectionnée, travaillera en partenariat avec la collectivité pour une durée limitée et sur une activité bien circonscrite dans des domaines pouvant relever des transports, de l'environnement, de la production locale d'énergie, etc.
Face au risque d'être évincées du marché par le développement de la régie, les entreprises privées accueillent la SEM contrat à bras ouverts. L'outil "vient compléter la gamme des possibilités pour une collectivité qui recherche en amont un partenaire. Nous y sommes très favorables, parce que nous le pratiquons depuis longtemps en Espagne ou en Italie", signale Philippe Maillard, directeur général de la Lyonnaise des eaux.
Minorité de blocage des collectivités
Ce consensus entre élus et acteurs privés a pourtant du mal à s'attirer les faveurs du gouvernement. "Je ne suis pas emballée par le projet", a lâché la ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu, devant les représentants de la Fédération des EPL réunis en congrès les 29 et 30 octobre, s'écartant du ton plus policé du discours qui lui avait été préparé. Officiellement, les craintes de la ministre portent sur la représentation minoritaire des collectivités au sein de la nouvelle gouvernance.
Une inquiétude que ne semble pas partager Hugues Fourage, député socialiste cosignataire de la proposition de loi. "Les collectivités sont beaucoup plus dessaisies dans le cadre d'une délégation de service public, fait-il remarquer. La SEM contrat n'est pas une invention de parlementaires, elle a été validée par le droit européen et le Conseil d'Etat. Elle est un bon moyen d'allier la souplesse du privé avec une gouvernance publique. Je n'y vois que des avantages."
L'ordre du jour du Parlement étant prioritairement défini par le gouvernement, la perspective d'un examen rapide du texte n'est donc pas acquise.