Archives

Economie mixte - Attention aux EPF et EPA, vivement les "SEM contrat"

La Fédération des entreprises publiques locales (EPL) met en garde contre la rénovation prévue des établissements publics fonciers et établissements publics d'aménagement. et continue de demander la création de "SEM contrat".

Deux réformes intéressent actuellement de près la Fédération des entreprises publiques locales (EPL). L'une parce qu'elle lui semble périlleuse, l'autre au contraire parce qu'elle lui paraît des plus souhaitables. L'une est en passe d'entrer dans la loi, l'autre en revanche n'en est qu'au stade du projet. La première de ces réformes, c'est celle des établissements publics fonciers (EPF) et établissements publics d'aménagement (EPA). La seconde, ce serait la création de "SEM contrat".
"Nous sommes inquiets face à l'évolution des EPF et EPA, qui est pour nous synonyme de recul de la décentralisation et de fragilisation de la notion de in house", a résumé le 7 décembre à la presse le nouveau président de la Fédération, Jean-Léonce Dupont, élu pour succéder à Martial Passi lors du congrès des EPL qui s'est déroulé fin octobre à Tours. En cause : l'ordonnance qui, suite à la loi Grenelle II, entend clarifier les dispositions relatives à ce type d'établissements publics en précisant leurs compétences, leurs missions et en rénovant leur mode de gouvernance. Adoptée en Conseil des ministres en septembre dernier (voir notre article du 7 septembre), cette ordonnance doit encore être ratifiée par un projet de loi d'ici la fin de l'année. La Fédération des EPL, qui représente les sociétés d'économie mixte (SEM) et les sociétés publiques locales (SPL), regrette que le texte n'ait pas fait l'objet d'une consultation auprès des associations d'élus et que le gouvernement n'ait pas tenu compte de l'avis de la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), laquelle avait exprimé plusieurs réserves sur le projet en juillet dernier (tel qu'en témoigne le procès-verbal de cette réunion de la CCEN).
Selon la Fédération des EPL, le projet "n'apporte aucune clarification entre EPF et EPA puisque les EPF peuvent faire de l'aménagement et les EPA peuvent effectuer des missions foncières", donne à l'Etat des prérogatives renforcées et, surtout, pose un problème en termes de mise en concurrence préalable : les EPF et EPA pourraient en effet visiblement contractualiser avec l'Etat ou les collectivités sans mise en concurrence alors même qu'ils ne peuvent en aucun cas se prévaloir d'une situation de in house conforme au droit communautaire. Le risque, in fine, serait que tout cela ne "conduise Bruxelles à durcir sa doctrine sur le in house". Jean-Léonce Dupont demande donc à ce que le texte soit amendé afin de "lever les ambigüités" sur cette question de la mise en concurrence, mais aussi sur celles de la territorialisation et de la possibilité pour les EPF et EPA de créer des filiales. La fédération est en train de sensibiliser les parlementaires sur tous ces points.

La SEM contrat, une troisième voie ?

Parallèlement, Jean-Léonce Dupont, qui est aussi sénateur et président du conseil général du Calvados, mène un travail de sensibilisation en faveur de la création d'un nouveau type de société d'économie mixte qui viendrait s'ajouter à la gamme existantes d'outils dont disposent déjà les élus locaux en matière d'intervention économique locale : la SEM contrat. Une proposition de loi "en voie de finalisation" pourrait, espère-t-il, concrétiser cette idée. Même s'il sait que le calendrier parlementaire risque fort de repousser le dépôt – et, en tout cas, l'examen – de ce texte dans les deux chambres à la prochaine législature. Certes, l'idée ne date pas d'hier (Localtis l'évoquait par exemple dans un article de juin 2009), est reconnue juridiquement par la Commission européenne et est monnaie courante dans plusieurs pays européens. En France pourtant, elle n'est pas encore sortie des cartons, sauf sous forme de quelques expérimentations à droit constant. Dans le langage européen, on parle de PPPI – de partenariat public-privé institutionnalisé.
Saisie en juin 2010 par le gouvernement français, en concertation avec la Fédération des EPL, la Commission européenne - qui avait déjà défini les PPPI dans une communication interprétative de 2008 – a reconnu l'intérêt du dispositif mais confirmé qu'un texte législatif s'imposait.
La SEM contrat pourrait permettre, sur des opérations ciblées, de sélectionner sur appel d'offres le ou les actionnaires privés venant s'associer au capital de la structure. Elle serait bien une SEM à part entière avec, toutefois, quelques différences de taille dont Jean-Léonce Dupont a rendu compte : la SEM contrat est "mono-contrat" et sa durée de vie est limitée à la durée du contrat qui constitue son objet ; la part du capital public pourra être comprise entre 34 et 85% (contre une fourchette de 50 à 85% pour les SEM classiques) ; l'appel d'offres intervient au moment du choix du partenaire privé (autrement dit de l'actionnaire opérateur) de la SEM et non pas lors de l'attribution du contrat à la SEM. Avec cet appel d'offres unique, fini la "double peine" dont la Fédération s'est souvent plainte.
Les avantages par rapport à un contrat de partenariat classique seraient multiples, assure Jean-Léonce Dupont : pas d'évaluation préalable nécessaire et, notamment, de conditions d'urgence ; la participation de la collectivité n'est pas comptabilisée comme un endettement ; le montage offre une meilleure stabilité et un meilleur contrôle de la part de la collectivité… Du point de vue de l'entreprise, le principal intérêt serait la possibilité de participer activement – davantage qu'aujourd'hui - au management et à l'activité de la SEM.
A la Fédération, on pense par exemple à "certaines domaines sensibles", tels que celui de l'eau, où nombre de délégations de service public arrivent à échéance : dans ce type de cas, la SEM contrat représenterait une "troisième voie" intéressante entre le pur privé et la remunicipalisation.