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Famille / Enfance - Le rapport Théry veut élargir l'accès aux origines

Lors d'une conférence, le 9 avril, l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) a présenté le rapport du groupe de travail présidé par la sociologue Irène Théry sur "Filiation, origines, parentalité - le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle". Le document est également mis en ligne sur le site de l'EHESS.

Les travaux des groupes refont surface

Le groupe de travail sur la filiation, les origines et la parentalité - réunissant juristes, sociologues, anthropologues, psychiatres, médecins, philosophes... - est l'un des quatre groupes installés à l'automne dernier par Dominique Bertinotti - alors ministre déléguée chargée de la famille - pour préparer le projet de loi sur la famille. Mais, face aux réactions suscitées par les dispositions relatives à l'ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples homosexuels et à une éventuelle levée de l'interdiction de la GPA (gestation pour autrui), le chef de l'Etat a annoncé le report sine die du projet de loi. Restait le sort des rapports. Bien que remis à Dominique Bertinotti, aucun d'entre eux n'a été rendu public et il est difficile de savoir si la mise en ligne des travaux du groupe sur la filiation se fait avec l'accord du gouvernement ou relève d'une initiative de ses auteurs. Il est clair en tout cas que la publication de ce document de 350 pages ne va pas manquer de relancer le débat.

Ouverture de la PMA, mais pas de consensus sur la GPA

Le rapport propose ainsi d'ouvrir la PMA aux couples de femmes. Pour éviter les difficultés ultérieures, il préconise que tous les couples recourant à la PMA - hétérosexuels ou homosexuels, mariés ou non - procèdent, devant le juge ou le notaire, à une "déclaration commune anticipée de filiation", qui ne préciserait pas la nature de la fécondation (don de sperme, d'ovocyte ou d'embryon). En matière de GPA, le groupe de travail n'est pas parvenu à dégager un consensus, mais il recommande néanmoins un débat officiel sur la question. En attendant que la question soit tranchée, le rapport se prononce pour une reconnaissance totale des enfants français issus d'une GPA réalisée à l'étranger. L'objectif est de ne pas laisser ces enfants sans filiation juridique.

Convergence sur le "statut des beaux-parents"

Sur un sujet moins conflictuel - mais qui soulève néanmoins des questions complexes - le rapport se prononce également en faveur d'une reconnaissance du rôle des tiers - principalement les beaux-parents - qui concourent à l'éducation de l'enfant, en particulier sous la forme d'un "mandat d'éducation quotidienne". Sur ce point, le rapport est sur la même ligne que la récente proposition de loi déposée par tout le groupe socialiste de l'Assemblée et qui reprend certaines composantes de ce qui aurait dû être le projet de loi sur la famille (voir notre article ci-contre du 4 avril 2014). Il va en revanche plus loin en proposant la création d'un "certificat de recomposition familiale", qui serait délivré par le maire.

Pour un élargissement du champ d'action du Cnaop

Si les questions relatives à la PMA et la GPA n'ont qu'un impact très indirect sur les collectivités territoriales (principalement à travers les questions d'état civil), il n'en va pas de même d'une autre question abordée par le rapport et dont la gestion incombe aux départements : l'accès aux origines. Sur ce point - et tout en reconnaissant l'apport de la création du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (Cnaop) en 2002 -, le groupe de travail propose d'aller sensiblement plus loin. Dans le débat qui oppose les représentants des enfants nés dans l'anonymat - favorable à un accès sans restriction aux origines personnelles - et ceux des familles adoptantes - beaucoup plus réticents -, le rapport se prononce sans ambages en faveur des premiers.
Mais, surtout, le rapport propose d'élargir l'accès aux origines personnelles à un nouveau champ : celui des enfants nés d'un "don d'engendrement" (notamment d'un don de sperme). Aujourd'hui, les informations sur les donneurs sont connues des Cecos (centres d'études et de conservation des œufs et du sperme humain) - par exemple dans l'hypothèse de la détection ultérieure d'une maladie génétique chez le donneur -, mais elles ne sont en aucun cas transmises à des tiers. Le rapport Théry propose d'étendre le champ d'intervention du Cnaop à ces "dons d'engendrement". Une telle évolution ne manquerait pas de poser la question d'un éventuel effondrement du nombre de donneurs, même si l'exemple de la Suède - qui a levé l'anonymat - semble montrer qu'il n'en est rien.

Et pendant ce temps-là...

La mise en ligne du rapport est intervenue alors même que Manuel Valls présentait, à l'Assemblée nationale, sa déclaration de politique générale. Le Premier ministre a fait une courte allusion au projet de loi sur la famille, "sujet sur lequel nous devons continuer à légiférer dans le seul 
intérêt de l’enfant". Une formulation qui laisse entendre - dans la lignée de la décision de François Hollande - que le gouvernement ne reviendra pas sur le retrait du texte des dispositions relatives à la PMA et à la GPA.
C'est aussi la position qui guide la proposition de loi déposée par le groupe socialiste, qui se contente de reprendre les dispositions relatives à l'autorité parentale, la reconnaissance du rôle des tiers, la médiation familiale et la prise en compte de la parole de l'enfant dans les procédures le concernent.
S'il est ainsi probable que le rapport Théry n'aura pas d'influence directe sur la proposition de loi ou sa reprise par le gouvernement sous la forme d'un projet de loi (en sachant que l'on apprenait ce 9 avril la nomination d'une secrétaire d'Etat en charge de la famille, avec Laurence Rossignol, sénatrice de l'Oise connue pour son engagement féministe), rien n'est en revanche exclu pour ce qui concerne d'éventuels amendements et le retour du débat dans l'opinion.

 

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