Environnement - Le projet de loi sur la transition énergétique attendra le printemps 2014
Attendu cet automne, le projet de loi de programmation sur la transition énergétique ne sera finalement présenté qu'au "printemps 2014" et voté "au mieux" avant la fin de l'année prochaine, a annoncé ce 11 septembre Philippe Martin. Le nouveau ministre de l'Ecologie, qui tenait sa première grande conférence de presse depuis qu'il a succédé début juillet à Delphine Batho, a immédiatement précisé que le retard pris dans l'élaboration de ce texte très attendu "ne remet pas en cause l'engagement pris par le président de la République d'une fermeture de Fessenheim fin 2016".
A quelques jours de la 2e conférence environnementale qui se tiendra les 20 et 21 septembre au Palais d'Iéna, à Paris, le ministre a rappelé que "le principe" de ces conférences environnementales annuelles était "de prendre publiquement des engagements et de dresser un tableau de bord des mesures mises en oeuvre". Il a dressé un bilan positif de l'édition 2012 avec, selon lui, les trois quarts des mesures annoncées réalisées ou en passe de l'être. "Dans la première feuille de route, il y avait 84 mesures : 24 ont été totalement réalisées et 39 sont engagées et ont un calendrier fixé", a-t-il fait valoir.
Parmi les "avancées significatives" issues de la 1e conférence environnementale figure selon lui le débat national sur la transition énergétique, "éludé par les gouvernements précédents". Malgré des "toussotements sémantiques en fin de parcours", le document final de synthèse du débat, qui sera restitué de manière officielle au président de la République avant la conférence environnementale des 20 et 21 septembre, a "vocation à donner aux pouvoirs publics la capacité de reprendre la main", a estimé Philippe Martin. Après le temps de la concertation, "le temps vient d'une écriture d'un texte de loi et d'une prise de responsabilité par le gouvernement", a souligné le ministre. La future loi de programmation inspirée du débat doit mettre en musique l'engagement du président de la République de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité de 75% actuellement à 50% d'ici à 2025, réduction qui a constitué un point de désaccord majeur au cours du débat et qui continue à l'être (voir notre encadré ci-dessous). Faute de consensus et face notamment à l'opposition farouche du Medef, la synthèse du débat s'est donc contentée de prôner une "étude de faisabilité pour préciser les trajectoires" qui permettraient d'atteindre les 50% en 2025.
Le retour de la fiscalité carbone
Autres avancées soulignées par Philippe Martin : le plan de rénovation thermique des logements, "avec de nouvelles mesures annoncées prochainement" lors d'un déplacement avec Cécile Duflot, la rédaction d'une loi-cadre sur la biodiversité qui doit être présentée à l'automne ou encore "la création d'une instance pérenne d'expertise et d'échanges sur la fiscalité écologique", via le Comité sur la fiscalité écologique, présidé par l'économiste Christian de Perthuis.
A ce sujet, le ministre a confirmé que "le principe d'une introduction d'une composante carbone dans la taxe intérieure de consommation (TIC, qui frappe notamment les carburants) est bel et bien acté et figurera dans la loi de finances", tout en refusant de donner plus de précisions sur le dispositif et les mesures compensatoires. Il faudra pour cela attendre la présentation du projet de loi de finances 2014, le 25 septembre. Concernant le budget du ministère de l'Ecologie, qui a causé le départ de Delphine Batho, Philippe Martin a assuré que "les moyens qui lui ont été accordés sont de nature à lui permettre d'agir à un haut niveau d'intervention". Il a précisé que le budget de l'Ademe sera au même niveau que l'an passé, tout comme les crédits consacrés à la sûreté nucléaire.
Le ministre a indiqué que, comme en 2012, la conférence environnementale des 20 et 21 septembre serait ouverte par François Hollande et clôturée par le Premier ministre, qui devrait faire des "annonces plus concrètes" à l'issue de deux jours de travaux avec les ONG, les syndicats, les représentants des industriels et du monde agricole et les collectivités locales. Quatorze ministres participeront aux cinq tables rondes centrées sur l'économie circulaire, les emplois de la transition écologique, la politique de l'eau, la biodiversité marine et l'éducation à l'environnement. Le ministre a promis qu'il y aurait, à cette occasion, "un droit de suite" sur les mesures annoncées en 2012 et non réalisées. "Elles ne seront pas abandonnées", a-t-il assuré.
Pour un "dialogue environnemental apaisé"
Estimant que la "transition écologique ne peut être qu'une transition concertée et expliquée", Philippe Martin a aussi annoncé l'installation ce 11 septembre d'un Conseil national sur la transition écologique (CNTE), une instance de concertation qui sera régulièrement consultée par le gouvernement. "Mon ambition est de travailler sur le chantier du dialogue environnemental qui mérite d'être porté à la hauteur du dialogue social, et d'en faire un dialogue apaisé sur le long terme", a appuyé le ministre
Le CNTE sera présidé par le ministre et comptera 50 membres : les syndicats, le patronat, les ONG environnementales, les associations diverses (chasseurs, économie sociale, consommateurs), les parlementaires et les collectivités territoriales auront chacun huit représentants. Leur mandat sera de trois ans et renouvelable. Aux représentants de ces différents collèges s'ajouteront le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et le commissaire général au développement durable, ou leurs représentants.
Anne Lenormand
Un rapport parlementaire juge l'objectif de réduction du nucléaire trop ambitieux
La réduction de la part d'électricité nucléaire en France d'ici à 2025 est un objectif trop ambitieux sans rupture technologique, selon un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix technologiques et scientifiques sur la "transition énergétique à l'aune de l'innovation et de la décentralisation", publié ce 11 septembre. La diminution de 75 à 50% de la part du nucléaire dans la production française d'électricité d'ici à 2025, comme le veut François Hollande, serait "l'équivalent de l'effacement de consommation de plus d'un jour d'électricité par semaine en France", une "tâche gigantesque", estiment les auteurs du rapport, le sénateur UMP Bruno Sido et le socialiste Jean-Yves Le Déaut, respectivement président et vice-président de l'Office.
"Si la baisse de consommation d'électricité n'était pas au rendez-vous, par exemple en raison de la lenteur du renouvellement du parc immobilier" et que les énergies renouvelables "continuaient à demeurer très coûteuses", "la France s'en trouverait exposée aux conséquences d'un choc énergétique : réduction de la croissance et pression sur les prix", estiment les parlementaires, qui préconisent un calendrier étalé sur un siècle pour "ne pas faire reposer l'avenir sur des paris".
A.L. avec AFP