Transports - Le Parlement adopte le projet de loi sur le service minimum
Entamé le 30 juillet, l'examen du projet de loi sur le service minimum dans les transports publics terrestres par l'Assemblée nationale s'est finalement achevé dans la nuit du 1er au 2 août. Le texte a été approuvé par les députés UMP et NC (Nouveau Centre), les deux groupes de gauche SRC (socialiste, radical et citoyen) ayant voté contre.
Après de multiples interventions de l'opposition, les députés ont finalement entériné l'obligation faite aux employeurs et syndicats représentatifs de signer un accord cadre, avant le 1er janvier 2008, sur la prévention des conflits sociaux (article 2). Les accords conclus à la SNCF et à la RATP devront aussi être adoptés "au plus tard" à cette date. Un accord de branche est également prévu avant le 1er janvier 2008. Dans les entreprises où aucun accord-cadre n'aura été signé à cette date et où aucun accord de branche ne s'applique, un décret en Conseil d'Etat "pris après consultation des organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés des secteurs d'activité concernés", comme l'a précisé un amendement, fixe les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable prévue par le premier alinéa de l'article 2.
L'examen de l'article 4, qui définit les dessertes prioritaires, le plan de transport adapté et le plan d'information des usagers en cas de perturbation du trafic, a également donné lieu à de vifs échanges entre la gauche et la droite. Deux amendements, l'un défendu par le président de la commission spéciale, Hervé Mariton (UMP), l'autre par son rapporteur, Jacques Kossowski (UMP) ont finalement été adoptés. Le premier prévoit que les plans de transport adapté et les plans d'information des usagers élaborés par l'entreprise soient rendus publics. Le second vise à ce que les élus locaux soient informés, directement et au préalable, des plans de desserte et des horaires maintenus.
Des mesures jugées attentatoires au droit de grève
Deux mesures, perçues comme une "atteinte frontale" au droit de grève, ont tout particulièrement cristallisé la colère de la gauche et celle des syndicats, qui ont organisé des rassemblements dans 80 villes, le 31 juillet : celle faisant obligation au salarié de se déclarer gréviste 48 heures avant de participer au conflit "sous peine de sanction disciplinaire" (article 5) et celle prévoyant la possibilité de consulter le personnel par vote secret sur la suite du mouvement au-delà de huit jours de grève (article 6).
Les députés de gauche ont déposé une trentaine d'amendements sur l'article 5. Un amendement du rapporteur Jacques Kossowski a introduit la possibilité pour les salariés de se joindre à une grève en cours. L'article 5 amendé stipule ainsi qu'en cas de grève les salariés "informent, au plus tard 48 heures avant de participer à la grève, le chef d'entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d'y participer" et non 48 heures avant le moment prévu par le préavis comme le prévoyait la version adoptée par le Sénat. Les députés ont également adopté un amendement PS précisant qu'"en cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels de l'entreprise non grévistes".
L'article 6, modifié par un amendement de Jacques Kossowski, prévoit désormais qu'une consultation puisse être organisée après huit jours de grève "par l'employeur, de sa propre initiative, à la demande d'une organisation syndicale représentative ou à la demande du médiateur éventuellement désigné par les parties". Cette consultation est "assurée dans les conditions garantissant le secret du vote" et son résultat "n'affecte pas l'exercice du droit de grève", précise le texte.
Ouverture vers les autres services publics de transport
Les autres articles du projet de loi ont fait l'objet d'un examen plus rapide, qu'il s'agisse du droit pour les usagers à une information gratuite avant une perturbation, du bilan annuel d'exécution des plans de transport, de l'indemnisation des usagers, du non-paiement des jours de grève ou du rapport d'évaluation sur l'application de la future loi. L'amendement, déjà adopté en commission, visant à préciser que le remboursement des titres de transport aux usagers ne peut être à la charge des autorités organisatrices a été entériné, ainsi que celui sur la prise en compte des besoins des handicapés dans la définition des dessertes prioritaires ont aussi été adoptés. Un article additionnel, déposé avec l'accord du gouvernement et co-signé par Hervé Mariton, prévoyant l'établissement par le gouvernement, "avant le 1er mars 2008", d'un "état des lieux de l'évolution du dialogue social" dans les transports publics de voyageurs "autres que terrestres" a également été voté. A la demande de plusieurs élus de Corse, cet article stipule aussi la prise en compte dans le rapport gouvernemental de "la spécificité insulaire, des dessertes côtières et de la continuité territoriale".
Avant le vote du texte par les deux assemblées, qui devait intervenir le 2 août en fin de journée, la commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs) a ajouté un article prévoyant qu'un rapport adressé par le gouvernement au Parlement avant le 1er mars 2008 propose "les mesures législatives nécessaires à la mise en oeuvre d'un dispositif de continuité dans les autres modes de transports publics de voyageurs", ouvrant la voie à une sorte de service minimum dans les transports publics autres que terrestres. Le ministre du Travail a fait part de ses "interrogations" sur la portée de cette mesure mais n'a pas cherché à s'y opposer.
Le groupe SRC a déjà annoncé qu'il saisira le Conseil constitutionnel pour faire censurer le texte tandis que de nouvelles actions syndicales sont annoncées pour la rentrée.
Les régions, qui gèrent les trains express régionaux, affichent aussi leur réticence à l'égard de ce texte. Dans un communiqué publié juste après son adoption à l'Assemblée, Martin Malvy, président de la région Midi-Pyrénées et responsable du groupe transports de l'Association des régions de France (ARF) considère que le service minimum tel qu'il est prévu n'est que de la "poudre aux yeux pour l'usager" car la très grande majorité des dysfonctionnements dans les transports ne sont pas dus aux conflits sociaux. Le remboursement des billets pour le seul non-respect du service minimum, constitue aussi selon lui un "risque majeur pour le contribuable local". "En refusant d'écrire dans la loi, d'abord les cas dans lesquels les abonnements seront prolongés et les remboursements effectués, ensuite que c'est bien la SNCF et elle seule qui en assurera le financement intégral, le gouvernement ouvre un champ de contestations et de réclamations qui risque de polluer pour longtemps le dialogue entre la SNCF, les régions et les usagers", estime-t-il
Anne Lenormand