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Réforme territoriale - Le nouveau visage du projet de loi Notr après son examen par les députés

La répartition des compétences des collectivités dessinée par le projet de loi Nouvelle Organisation territoriale de la République (Notr) devait à l'origine principalement reposer sur les régions et les intercommunalités. Si ces deux niveaux sont effectivement renforcés au terme de la première lecture à l'Assemblée nationale qui s'est déroulée du 17 février au 10 mars, les départements sauvent leur place dans le paysage territorial - une évolution de nature à redonner un peu de sens au scrutin des 22 et 29 mars. Synthèse de ce qu'il faut retenir des modifications votées en séance par les députés, avant que le Sénat ne s'empare de nouveau du texte en commission.

Les régions renforcent le cœur de leurs compétences
- La région perd sa clause de compétence générale, qui lui permet aujourd'hui d'intervenir dans tous les domaines. Mais ses compétences de base sont renforcées, en particulier l'économie. Plus qu'un chef de file, la région est "la collectivité territoriale responsable de la définition des orientations en matière de développement économique". Elle se voit reconnaître sur son territoire une compétence exclusive pour les interventions économiques directes et indirectes.
- La région est responsable des transports interurbains, y compris les transports scolaires. Survivance de l'intention originelle de lui transférer la voirie départementale, elle pourra "contribuer au financement des voies et axes routiers qui, par leurs caractéristiques, constituent des itinéraires d'intérêt régional".
- A leur demande, les régions peuvent se voir déléguer par l'Etat la coordination des intervenants du service public de l'emploi, hors Pôle emploi. Le dispositif Nacre ("nouvel accompagnement à la création ou à la reprise d'entreprise") est transféré aux régions.
- Enfin, les députés ont prévu pour les régions un pouvoir réglementaire plus fort que ne le souhaitait le gouvernement.

Intercommunalités : plus fortes, plus grandes
- L'Assemblée nationale a donné son feu vert à l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires en 2020, quelle que soit la taille de l'intercommunalité. Une loi définira, avant le 1er janvier 2017, les modalités particulières de l'élection (voir ci-contre notre article du 9 mars 2015). L'idée est d'aller plus loin que le fléchage entré en vigueur aux élections de 2014. Aux yeux de certains, ce compromis n'a pas permis réellement l'émergence d'un débat sur les enjeux de l'intercommunalité.
- Le minimum de population de 20.000 habitants prévu initialement par le gouvernement ne concernera que les territoires les plus denses (voir notre article du 4 mars 2015). Les autres devront respecter un seuil fixé à un niveau inférieur, mais dans tous les cas supérieur à 5.000 habitants. Les intercommunalités récemment fusionnées bénéficieront d'un "délai de repos" avant de devoir atteindre une population de 20.000 habitants. Celles qui réuniront 50 communes et plus échapperont également à cette obligation. Avec ces règles, 43% des communautés seraient concernées par une modification de leur périmètre, contre 70% prévus initialement.
- Les compétences obligatoires et optionnelles des intercommunalités sont renforcées. Fin 2017, toutes les intercommunalités seront obligatoirement compétentes en matière d'eau, d'assainissement et de déchets (voir notre article du 6 mars 2015). Elles exerceront ces compétences notamment en lieu et place des communes.
- Les communes et intercommunalités sont les seules responsables des aides à l'immobilier d'entreprise. Les communes et leurs groupements peuvent intervenir en complément de la région pour participer au financement des aides et régimes d'aides définis par la région et des aides en faveur des entreprises en difficulté. Ces collectivités peuvent aussi bénéficier d'une délégation de la région.
- La participation des intercommunalités à l'élaboration du schéma régional de développement économique est garantie. Mais l'Assemblée a prévu que le schéma régional prime sur les orientations de la métropole en matière de développement économique.
- Le rôle des intercommunalités est renforcé dans les politiques locales de commerce et le soutien aux activités commerciales dans le respect du schéma régional de développement économique.
- Seuls les EPCI - et non les communes – pourront porter des projets de maisons de service aux publics.
- Les communes peuvent transférer aux EPCI leurs contributions au budget des Sdis.
- Les députés ont confirmé l'exercice par les intercommunalités de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations ("Gemapi"), mais en repoussant son entrée en vigueur de 2016 à 2018.
- Le rôle des intercommunalités en matière de solidarité financière est accru. Une dotation de solidarité communautaire sera obligatoirement instaurée dans les intercommunalités issues d'une fusion, lorsque les potentiels financiers des EPCI préexistants présentent un écart d'au moins 40%. Dans les EPCI signataires d'un contrat de ville, une dotation de solidarité communautaire sera instaurée au profit des communes concernées, lorsque cet EPCI n'a pas élaboré dans un délai d'un an après la mise en œuvre du contrat de ville, un pacte financier et fiscal.
- De nouvelles possibilités pour la création de services communs sont créées et les mutualisations de services entre communes et entre communautés, via la conclusion de "conventions de coopération", sont facilitées. Selon l'Assemblée des communautés de France, "ces dispositions, qui devaient compléter les outils existants, se sont en fait substituées à eux". En seconde lecture, le Sénat devra apporter des corrections au dispositif.
- Le développement de l'intercommunalité à fiscalité propre est privilégié. Aussi les syndicats intercommunaux à vocation technique sont-ils appelés à s'effacer. Les 5.500 structures de ce type qui interviennent exclusivement sur le périmètre d'une intercommunalité seront supprimés après l'absorption de leurs compétences par les intercommunalités à fiscalité propre. Les personnalités qualifiées qui sont aujourd'hui membres des conseils syndicaux (souvent d'anciens élus) en seront exclus.

Départements : pas de "dévitalisation", mais un recentrage
- Les départements doivent faire une croix sur leur clause de compétence générale. Mais après avoir renoncé au transfert aux régions des collèges, le gouvernement a décidé de maintenir les routes départementales sous la responsabilité des "binômes" qui seront élus à la fin de ce mois (voir notre article du 24 février 2015). L'Assemblée nationale a apporté sa bénédiction à ces deux reculades.
- Les députés ont consacré la vocation de solidarité territoriale du département grâce à sa capacité à venir en soutien de projets dont la maitrise d'ouvrage est assurée par les communes.
- Les départements sont amenés à élaborer le schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services au public, avec les préfets et en associant les EPCI. Compte tenu de son rôle de co-élaborateur, le conseil départemental doit approuver le schéma après avis des collectivités locales.
- L'intervention des départements dans le domaine de l'économie est limitée. Toutefois, "par voie de convention", le département peut se voir confier par les communes et leurs groupements la capacité d'agir en leur nom en matière de foncier et d'immobilier d'entreprise. A noter aussi : les conseils départementaux peuvent "poursuivre la mise en œuvre de leurs actions de développement économique jusqu'au 31 décembre 2016" (à l'exclusion de l'octroi des aides aux entreprises).
- Comme le tourisme, la culture et le sport, l'éducation populaire et l'aménagement numérique sont considérés comme des compétences partagées des collectivités. Les départements pourront donc continuer à intervenir dans ces domaines.

MAIS AUSSI...
Comme ils l'avaient fait en commission, les députés ont, dans l'hémicycle, complété le projet de loi de très nombreuses dispositions, dont on ne retiendra ici qu'une petite partie.
- Les députés ont prévu la mise en place d'un Haut Conseil des territoires, organe de concertation entre les collectivités territoriales et l'Etat, et ce malgré la farouche hostilité que les sénateurs lui vouent (voir notre article du 23 février 2015).
- A compter du 1er janvier 2018, la collectivité territoriale de Corse deviendra une collectivité territoriale unique, en lieu et place de la région et des deux conseils généraux de Haute-Corse et Corse-du-Sud. Des élections anticipées se tiendront au quatrième trimestre 2017.
- S'agissant du Grand Paris, les plans locaux d'urbanisme seront soumis à "l'avis conforme" de la métropole, qui pourrait ainsi s'y opposer. Les établissements publics territoriaux, échelon intermédiaire entre les communes et la métropole, n'auront ainsi pas des pouvoirs aussi vastes que le voulaient les élus du syndicat d'études Paris métropole.
- Les députés sont revenus en partie sur les pouvoirs conférés à la métropole Aix-Marseille-Provence pour la préparation du plan local d'urbanisme.
- Le plafond des aides attribuées par le fonds de soutien aux collectivités ayant souscrit des emprunts structurés risqués est relevé de 45% à 75% du montant des indemnités de remboursement anticipé dues.
- Un amendement "consolide l'existence" des conseils de développement.
- Les collectivités territoriales sont autorisées à instaurer une redevance sur les navires de plaisance mouillant dans une aire marine protégée. La disposition ne s'appliquerait qu'en Corse.
- Les députés ont imposé aux communes de plus de 3.500 habitants, à leurs EPCI à fiscalité propre et aux départements, la mise à disposition en ligne de leurs données publiques.
- Le réseau des agences départementales d'information sur le logement (Adil) sera amené à évoluer. Certaines agences couvriront plusieurs départements.
 

 

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