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Associations - Le monde associatif a résisté à la crise mais reste préoccupé par son avenir

Quelles sont les difficultés actuelles du monde associatif ? Au terme de six mois d'auditions, la commission d'enquête parlementaire chargée de se pencher sur la question dresse un panorama détaillé qui balaye certaines idées reçues. Mais qui confirme que la préoccupation du financement est réelle. Et que les moyens humains sont fragilisés par une gestion administrative qui se complexifie. Elle souligne aussi le danger lié à la suppression de la clause générale de compétences.

Les associations françaises font face à des perspectives financières préoccupantes et des ressources humaines en péril. Telles sont deux des principaux enseignements du rapport de la commission d’enquête de l'Assemblée nationale chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, remis le 20 novembre à Claude Bartolone.
Fruit d'un travail de six mois au cours duquel  pas moins de 180 personnes ont été entendues, ce rapport dresse le portrait d'un monde au "dynamisme admirable" – plus 71.500 associations créées entre septembre 2013 et août 2014 – qui "contraste avec les difficultés rencontrées par le secteur privé lucratif".
1,3 million d’associations gèrent aujourd'hui un budget de 85 milliards d’euros, soit 3,2% du PIB. Les associations comptent par ailleurs 1,8 million d’emplois, soit 10% des emplois du secteur privé. En outre, le nombre d'emplois associatifs a progressé régulièrement, de 25% environ, entre 2000 et 2010. Ce qui fait dire aux rapporteurs que les associations représentent "un poids économique en progression". Plus intéressant encore : l'emploi salarié associatif a, jusqu’ici, bien résisté à la crise. "Si l’emploi associatif a légèrement régressé en 2010 puis s’est stabilisé dans les années récentes, on constate que le secteur associatif a été beaucoup moins touché, et avec retard, que le reste du secteur privé par la crise de 2008", précise le rapport.
Par ailleurs, contrairement à une idée reçue, le bénévolat n'est pas en crise. "Les données récentes concernant le bénévolat sont à cet égard rassurantes", dit le rapport. Cette forme d'engagement a ainsi progressé de 3% au cours de la période 2005-2011. Et en 2013, on dénombrait 16 millions de bénévoles, soit 24,5% des Français.
Les perspectives financières du secteur associatif sont toutefois préoccupantes. 80% des associations relèvent des difficultés liées aux ressources, et principalement à leur raréfaction. Et la proportion de responsables jugeant leur situation financière "bonne" ou "très bonne" est passée de 60% en 2012 à 47% en 2014.
Sur le terrain, on observe un affaissement des fonds propres et un nombre inégalé de cessations de paiement en 2013. Cette situation serait le résultat d'un double phénomène : des financements publics qui s'infléchissent, et des financements privés qui peinent à prendre le relais. Les rapporteurs préconisent donc la mise en place d'un fonds de soutien à la trésorerie des associations et la généralisation du versement, au moins partiel, des subventions publiques le plus tôt possible dans l'année.

Subventions : l'Etat et les communes en recul

En 2011, les ressources publiques représentaient 49,4% des ressources des associations contre 50,6% pour les ressources privées, alors qu'en 2005, le ratio était inverse. Des résultats qui s'expliquent en partie par le développement de la commande publique au détriment de la subvention (lire ci-contre notre article du 28 juin 2013). "Cette évolution ne concerne pas avec la même intensité tous les secteurs d’activité mais l’inquiétude traverse l’ensemble du secteur associatif", commente le rapport. L'autre explication tient à la répartition des financements entre l’Etat et les collectivités territoriales : les conseils généraux sont devenus les premiers partenaires des associations en termes de volumes de financement (9% en 1999, 12% en 2011) tandis que le financement de l'Etat suivait un chemin inverse (15% du budget des associations en 1999 contre 11% en 2011, même si le montant global est stable à 9 milliards d'euros). Le poids des communes dans le financement des associations est passé de 14% en 2005 à 11,5% en 2011. Quant aux subventions des régions, elles représentent 3,5% des ressources des associations. Plus globalement, 56% de l’ensemble des associations ont des relations financières avec leur commune, alors que ce taux est de 19% pour les départements et de seulement 7% pour l'Etat.
Tous niveaux confondus, les collectivités locales sont, avec 27% des ressources des associations, leurs principaux financeurs publics. Pour les rapporteurs, les collectivités ont très souvent pris le relais "face à un certain désengagement budgétaire de l’Etat". En outre, elles constituent pour les associations des interlocuteurs quotidiens et indispensables sur les territoires. Pour les rapporteurs, les contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités publiques risquent toutefois de provoquer encore pendant quelques années une raréfaction des ressources publiques.
Raison de plus, selon eux, pour ne pas faire peser sur les associations le poids d'une réforme territoriale qui supprimerait la clause de compétence générale pour les régions et départements (hors tourisme, culture et sport) et entraînerait la fin des financements croisés. Ils invitent ainsi à mettre à profit le débat parlementaire pour conforter le financement du monde associatif dans sa diversité à travers le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

La complexité administrative met en péril les ressources humaines

Côté ressources, il est encore à noter un effort fiscal en très nette augmentation en faveur du secteur associatif : en 2015, l'Etat prévoit une dépense fiscale d’au moins 2,337 milliards d’euros au bénéfice des associations contre 850 millions d'euros en 2005. Mais si les associations bénéficient d’un certain nombre de dispositifs fiscaux, il en est un dont elles sont exclues par construction : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Or selon un rapport de 2013, l'avantage offert par le CICE au secteur privé lucratif dans les domaines où il est le plus en concurrence avec le secteur non lucratif est estimé à environ un milliard d’euros. A ce titre, le rapport recommande d'élaborer un dispositif fiscal mettant fin à l’avantage concurrentiel dont bénéficie le secteur lucratif dans certains secteurs au détriment du secteur associatif.
Si, on l'a vu, l'emploi associatif a bien résisté à la crise, les ressources humaines des associations seraient toutefois, selon le rapport, "en péril". En cause : une gestion administrative complexe qui décourage responsables associatifs, salariés et bénévoles. De plus, cette complexification oblige à professionnaliser l’ensemble des ressources humaines associatives, sans que les associations aient nécessairement les moyens de former ceux qui s’occupent de leur gestion ou de leur fonctionnement. Enfin, les incertitudes dues à la crise nuisent au développement associatif en freinant non seulement les recrutements, mais aussi l’engagement de bénévoles de terrain comme de responsables associatifs.
Les contraintes administratives pèsent ainsi sur le renouvellement des responsables associatifs et nuisent à la diversité de leurs profils : les dirigeants associatifs sont généralement issus de catégories socioprofessionnelles moyennes et supérieures, notamment dans les associations employeuses. L’exigence de disponibilité conduit par ailleurs à trouver 48% de présidents retraités et 6% sans activité. D'où l'une des mesures fortes préconisées par le rapport : la création d'un congé pour l’exercice de responsabilités associatives de douze jours pour les bénévoles participant aux instances dirigeantes d’associations d’intérêt général.

Appliquer la charte des engagements réciproques

Côté emploi, c’est aujourd’hui de salariés qualifiés dont le secteur associatif a besoin, sans pour autant en avoir les moyens. La précarisation des contrats figure parmi les sujets de préoccupation : la part des contrats à durée indéterminée est ainsi passé de 53% en 2005, à 47% en 2011. Sur la précarisation, le rapport invite donc à promouvoir de façon plus active le dispositif de groupement d’employeurs auprès des associations afin de limiter la place du temps partiel.
Enfin, le soutien aux ressources humaines des associations passe aussi par les bénévoles, en particulier les jeunes. Les rapporteurs souhaitent que soit poursuivie la montée en charge du service civique avec un objectif de 100.000 jeunes volontaires en 2017.
En conclusion, le rapport parle d'un "sentiment paradoxal" : si chacun a pris conscience que l’urgence impose de faire bouger les lignes et de sortir des attitudes convenues, le tableau des difficultés et les pistes pour les surmonter laissent un goût de "déjà vu". En effet, "toutes ces attentes ont d’ores et déjà été exprimées clairement et rassemblées dans un document qui reste peut-être insuffisamment connu" : la charte d'engagements réciproques entre l'Etat, le mouvement associatif et les collectivités territoriales (lire ci-contre notre article du 17 février 2014), dont les auteurs du rapport invitent les acteurs concernés à se saisir. "Les collectivités doivent s’impliquer dans toute leur diversité et s’attacher à décliner les principes généraux de la Charte nationale en fonction des spécificités locales et des objectifs propres à chaque territoire", écrit notamment le rapporteur.

 

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