Vie associative - Associations : le gouvernement veut redonner la primauté à la subvention sur le marché public
Le gouvernement semble décidé à réformer l'environnement juridique des subventions aux associations. En cause : des recours de plus en plus fréquents aux marchés publics de la part des collectivités publiques, désireuses de se "border" juridiquement vis-à-vis du droit de la concurrence communautaire.
Début 2012 (lire l'encadré de notre article du 26 janvier 2012 ci-contre), la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) notait que "plus de 21% des associations ont conclu au moins un marché public, avec les communes et intercommunalités (46%), les départements (35%), les régions (25%), l'Etat (21%) ou d'autres organismes publics (28%)". Surtout, l'organisation dénonçait "un frein à l'initiative associative, souvent par méconnaissance de la réglementation européenne".
Dans une réponse parlementaire publiée au JO Sénat du 15 novembre 2012, la ministre Valérie Fourneyron, reconnaissait que "l'enquête conduite en 2005 par le centre économique de la Sorbonne évaluait à 34% la part de subventions dans les financements des associations et celle des commandes publiques à 17%. En 2012, selon les premiers chiffres disponibles, les parts respectives sont de 25% pour les subventions et de 22% pour les commandes publiques. Ces chiffres permettent de constater une progression de la commande publique de 6% en huit ans et une diminution de 9% des subventions publiques aux associations".
Dans un entretien récemment accordé à Localtis (lire notre article du 27 novembre 2012 ci-contre), la ministre des Sports, de la Jeunesse, de l'Education populaire et de la Vie associative revenait sur ce "sujet extrêmement important", regrettant que l'on en soit arrivé "à des aberrations, avec des associations qui se font concurrence entre elles pour répondre à des marchés publics, et avec le secteur marchand, ce qui diminue la qualité des projets associatifs. Parallèlement, les élus nous disent qu'ils ne veulent pas prendre de risques par rapport au droit européen." Puis annonçait que ce "chantier majeur […] pourrait trouver sa concrétisation dans le cadre de la loi sur l'économie sociale et solidaire. […] Il faut absolument avoir un équilibre qui soit sécurisé au regard du droit européen, remettre l'autonomie de l'association au cœur du débat et redonner une place à la convention pluriannuelle et à la subvention. Nous avons besoin d'une palette d'outils qui va de la subvention à la convention pluriannuelle jusqu'aux marchés publics".
L'appel à initiatives au lieu de l'appel d'offres ?
On en sait désormais un peu plus sur ce que sera le futur texte. "Nous lançons un chantier sur les modalités de contractualisation, en partenariat avec le ministère délégué à l'Economie sociale et solidaire, lequel est en train de préparer un projet de loi-cadre sur l'économie sociale et solidaire qui sera présenté au printemps prochain", explique Carole Salères, conseillère de la Vie associative auprès de Valérie Fourneyron. L'idée-maîtresse est de "retravailler sur tous les outils de contractualisation pour sécuriser les subventions, de faire quelque chose d'assez opérationnel pour les collectivités, quelque chose qui les incite fortement à continuer à utiliser la subvention pour financer le secteur associatif, dès lors que celui-ci est à l'origine d'initiatives sur les territoires".
La circulaire "Fillon" de 2010 (lire ci-contre notre article du 22 janvier 2010) - "considérée comme peu sécurisée par les collectivités, faisant peser un risque de requalification des subventions en marché public", d'après Carole Salères -, sera révisée. Un contenu légal inédit sera donné à la subvention. Enfin, l'Etat réfléchit à un contenu d'appel à initiatives "pour sortir de la logique d'appel d'offres avec cahier des charges. L'idée étant de formaliser une initiative publique qui laisse une marge de manœuvre à l'acteur associatif dans sa réponse", précise la conseillère. Sur tous ces axes de réflexion, un groupe de travail est actuellement à l'oeuvre au niveau de l'Etat et sera prochainement ouvert aux représentants des collectivités locales et du secteur associatif.
Par ailleurs, il est à noter que, d'une part, la révision du cadre de la subvention concernera toutes les associations, quel que soit leur champ d'action (sport, culture, social, animation, etc.), et que, d'autre part, cette réforme se fera à droit communautaire constant. "Nous prendrons en compte les obligations qui découlent de la réglementation européenne, en particulier le 'paquet Almunia' sur le droit de la concurrence et le financement des compensations des services d'intérêt économique général", explique Carole Salères, pour qui il existe bien des marges de manoeuvre pour parvenir au résultat escompté sans se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de Bruxelles.
Enfin, à côté de ce volet législatif, un volet "politique" sera mis en chantier à travers l'élaboration d'une charte associant acteurs associatifs, représentés par la CPCA, collectivités et Etat pour réaffirmer les principes de partenariats et d'engagements réciproques. Elle pourrait être signée à l'été 2013.