Vie associative - Financement des associations : la part de la commande publique a bien dépassé celle des subventions
"Cela fait du bien de voir enfin l'ensemble de nos réflexions quotidiennes objectivées par la qualité de ce travail. Ces chiffres représentent la réalité que nous imaginions, qui est là, beaucoup plus claire, plus précise." Par ces mots, Valérie Fourneyron réagissait à l'exposé de Viviane Tchernonog, économiste chargée de recherche au CNRS - Centre d'économie de la Sorbonne, portant sur un état des lieux chiffré inédit des partenariats entre pouvoirs publics et associations présenté jeudi 27 juin lors d'un colloque organisé à Paris par le ministère de la Vie associative. Un exposé d'autant plus important pour la ministre que son action s'appuie depuis un an sur un "sentiment". Le sentiment pour les associations "d'être progressivement passées d'un statut de partenaires à un statut de prestataires ou d'auxiliaires des collectivités publiques". Et de ce sentiment naîtrait l'inquiétude, chez les associations, de voir remis en cause leur capacité d'initiative et leur rôle dans la coconstruction des politiques publiques. Et c'est à partir de ce sentiment d'abandon de la logique de subventionnement au profit de délégations de service public et de marchés publics que Valérie Fourneyron et ses services ont contribué à l'élaboration du projet de loi sur l'économie sociale et solidaire (ESS), préparé la révision de la circulaire Fillon ou imaginé une charte entre Etat, collectivités et associations (lire ci-contre notre article du 24 juin).
La part du financement public baisse, celle des communes plonge
Viviane Tchernonog a donc cherché à savoir quelle était la part respective des subventions et des commandes publiques dans les budgets associatifs, comment avaient évolué subventions et commandes ces dernières années et si l'on pouvait parler d'une généralisation de la commande publique.
D'emblée, la chercheuse note "un repositionnement des acteurs publics dans le financement des associations", et précise que "les dernières années ont enregistré des modifications majeures dans l'origine des financements publics des associations avec une baisse du poids de l'Etat, une montée en charge importante des conseils généraux et, phénomène plus récent, une baisse du poids des communes dans le financement des associations. Le repositionnement des acteurs publics s'est en outre effectué dans un contexte de privatisation du financement du secteur." Les financements publics sont ainsi passés de 51% à 49% dans les budgets des associations entre 2005 et 2011. Pour la première fois depuis que des études sont menées, la part des communes diminue, passant de 14,1% en 2005 à 11,5% en 2011 ; celle des départements augmente, s'établissant à 12,3% en 2011, contre 10% en 2005, mais, ajoute Viviane Tchernonog, "la montée en charge des conseils généraux en matière de financement des associations connaît depuis 2010 une grande diversité". La part de l'Etat passe de 12,3% à 11,3% sur la même période, tandis que celle des régions stagne à 3,5%.
Risques de requalification et formatage des actions associatives
Quant à la nature de ces ressources publiques, données-clés que les participants au colloque attendaient, elle conforte le "sentiment" exprimé par les associations : les subventions publiques ont diminué en six ans de 17%, soit une baisse annuelle moyenne de 3%, tandis que les commandes publiques ont augmenté à un rythme très rapide : 73% sur la période, soit 10% en moyenne annuelle. La part de la commande publique est ainsi passée, entre 2005 et 2011, de 17% à 25% dans l'ensemble des ressources des associations, dépassant celle des subventions qui, dans le même temps, chute de 34% à 24%. En outre, la commande publique touche de plus en plus d'associations : 23% d'entre elles étaient concernées par ce type de financement en 2011, contre 7% seulement en 2005.
Pour la chercheuse, "la transformation rapide des subventions en commandes publiques a plusieurs origines. Un changement de philosophie dans le financement public des associations, les incertitudes pesant sur le statut juridique de la subvention au regard des réglementations européenne et nationale, surtout en l'absence de définition légale de celle-ci [ce que comble le récent projet de loi ESS, ndlr], conduisent les collectivités publiques à développer les commandes publiques pour éviter les risques de requalification des subventions en commandes publiques. La montée en charge des collectivités territoriales dans le financement du secteur associatif contribue aussi à cette évolution, les régions et les conseils généraux ayant tendance à préférer les financements de type commandes aux subventions pour des motifs variés : formatage des actions des associations en fonction des politiques locales, meilleure visibilité des acteurs publics".
Le secteur social, "roi" de la commande publique
Bien entendu, dans un paysage qui regroupe 1,3 million d'associations aux profils hétérogènes, le recours à la commande publique varie fortement selon le secteur d'activités et le statut, ou non, d'employeur. Le secteur médicosocial est le principal destinataire des subventions publiques : il perçoit 45% des subventions publiques en direction des associations et 74% des commandes publiques. Pour Viviane Tchernonog, "cela s'explique notamment par la taille du secteur et la nature des fonctions remplies par ces associations dont les publics sont souvent en situation de difficulté et qui sont fortement employeuses de professionnels salariés". Et sans surprise, les secteurs de l'action humanitaire, sociale et de la santé sont ceux pour lesquels le financement public prend le plus souvent la forme de commandes : 64% des financements publics en direction de ces secteurs proviennent de commandes. Il est aussi à noter que la part de la commande dans le financement public du secteur éducation, formation, insertion atteint 49%. Par ailleurs, les financements publics s'adressent pour l'essentiel aux associations employeuses, qui représentent 14% des associations mais perçoivent 91% des subventions publiques et 95% des commandes publiques.
Visiblement comblée par cette présentation, Valérie Fourneyron a souhaité donné un rendez-vous régulier au secteur associatif : "Ce moment que nous partageons, il serait bien qu'il s'inscrive dans la durée. Nous avons besoin de nous retrouver au moins une fois par an pour une réflexion, un débat, à partir d'une observation qui permette cette analyse plus qualitative." En attendant la tenue d'un prochain colloque, l'intégralité des travaux de Viviane Tchernonog sera publiée à l'automne 2013.