Vie associative - Le financement privé des associations, désormais majoritaire, doit être renforcé
Le financement privé du secteur associatif s'élèverait désormais à 52,4%, contre 47,6% provenant du secteur public. Cette situation inédite ressort des projections du Haut Conseil à la vie associative (HCVA) qui a remis à Valérie Fourneyron, le 21 mars, son projet de rapport intermédiaire sur le financement privé des associations. Face à cette baisse des aides publiques, et alors que la concurrence du secteur marchand s'accroît, le HCVA propose des pistes pour renforcer la part privée du secteur associatif.
Le rapport intermédiaire remarque tout d'abord que "la démographie associative est particulièrement dynamique" et qu'elle représente "un poids économique important". On compte aujourd'hui 1,3 million d'associations, avec une progression de 4% par an. Selon le document, l'engagement humain constitue le moteur de cette dynamique : 23 millions d'adhérents, soit 46% des Français de plus de 18 ans ; 16 millions de bénévoles, soit 32% des Français de plus de 18 ans ; 1,8 million de salariés, représentant 6% de la masse salariale du secteur privé et 5% de la masse salariale publique et privée. Cet ensemble constitué d'engagement bénévole, d'un côté, et d'activités économiques, de l'autre, représente un poids économique de 105 milliards d'euros, soit plus de 5% du PIB.
Un secteur en pleine mutation
Côté ressources, le HCVA rappelle que, d'après une enquête CNRS-Centre d'économie de la Sorbonne menée auprès des associations en 2005/2006, les associations tiraient une part prédominante de leurs ressources (51%) de financements publics. Ceux-ci étaient alors délivrés par les communes (14%), les conseils généraux et services déconcentrés de l'Etat (10%), les régions (3,5%) et l'Etat central (12%), ainsi que par l'Europe et les organismes sociaux (10,9%). S'élevant à 49% des ressources, les financements privés provenaient, quant à eux, pour 32% de recettes d'activité (vente de services associatifs à un prix de marché, participation forfaitaire à des services rendus, vente de services à des prix différenciés, produits de fêtes et manifestations, revenus des placements, ventes de type prix de journée et plus généralement produits des commandes publiques), 12% de cotisations et 5% de dons, legs et mécénat (dons d'entreprises privées).
Dans son rapport intermédiaire, le HCVA a cherché à connaître la réalité actuelle en prenant en compte les évolutions en cours. Les chiffres de 2005/2006 ont ainsi fait l'objet d'une projection fondée sur les hypothèses suivantes : +25% sur l'ensemble des financements privés en raison de l'évolution des dons déclarés en 2010 ; +10% sur les financements publics correspondant à une évolution positive de +3% par an en début de période et une diminution de 1% en 2009 et 2010 ; baisse des financements de l'Etat et augmentation de ceux des conseils généraux qui ont compensé à un niveau global la baisse des financements de l'Etat jusqu'en 2010. A partir de cette projection, les associations tireraient aujourd'hui 52,4% de leurs ressources de financements privés, avec la répartition suivante : 34,4% de recettes d'activité, 12,9% des cotisations et 5,2% de dons, legs et mécénat.
Immixtion d'entreprises lucratives
Si elles traduisent la capacité du monde associatif à trouver de nouvelles ressources, ces projections sont toutefois préoccupantes. Si elles pointent tout d'abord une érosion des aides publiques, elles mettent en avant le talon d'Achille que représentent les dons, legs et mécénat : "Les perspectives offertes par les financements privés sont préoccupantes à court et moyen terme. Les dons, les legs et le mécénat ne représentent que 5% du budget global du secteur, avec des écarts importants entre les organismes pour lesquels il représente une part non négligeable et ceux dont l'activité se prête plus difficilement à l'appel à la générosité." Et le HCVA de préciser que les dons, les legs et le mécénat concernent surtout quelques associations importantes du secteur humanitaire et social. Résultat : "Les associations n'ont souvent guère d'autre choix que d'augmenter la participation des usagers qui représente dans certains secteurs une part importante de leur budget." La marge de manœuvre est donc étroite en raison des conséquences de la crise sur le budget des ménages et du risque de soumission aux impôts commerciaux du fait d'un développement trop important d'activités concurrentielles. A ce sujet, le HCVA s'inquiète d'un phénomène nouveau : "L'immixtion progressive sur des champs associatifs, d'entreprises lucratives dont les débouchés classiques se sont comprimés du fait des crises successives, a détourné les publics les plus solvables du mécanisme de mutualisation naturelle que constitue le fonctionnement associatif." De fait, "en imposant que les activités non lucratives demeurent significativement prépondérantes [pour les associations], la doctrine fiscale renvoie l'activité associative sur les marges et la prive ainsi sans doute du seul débouché susceptible de lui offrir une perspective", affirme le HCVA.
Trois axes pour développer le financement privé
Pour permettre le développement du financement privé, le rapport intermédiaire du HCVA prône trois axes de réforme. Il s'agit tout d'abord de faciliter le développement des activités. Pour cela, le haut conseil préconise : le relèvement du seuil d'assujettissement aux impôts commerciaux pour les associations ayant des activités lucratives à titre accessoire ; le développement d'une mutualisation de recettes lucratives avec les recettes non lucratives ; la suppression du lien d'automaticité entre la TVA, l'impôt sur les sociétés (IS) et la contribution économique territoriale (CET) ; l'extension de la capacité à posséder des immeubles de rapport à l'ensemble des associations et l'actualisation des règles de placement des fonds disponibles ; et l'extension de l'exonération du versement transport.
Ensuite, le HCVA entend favoriser la sécurisation et le développement de la générosité du public et du mécénat des entreprises. Pour y parvenir, il conviendrait: d'harmoniser les textes concernant les droits de mutation à titre gratuit ; de faciliter les dons sur successions ; d'étendre la déduction de l'impôt de solidarité sur la fortune aux dons faits aux associations reconnues d'utilité publique ; d'encourager le mécénat des PME ; de supprimer la notion de "cercle restreint de personnes" exclusive du caractère d'intérêt général (associations d'anciens combattants, orphelinat de la police nationale, association de sauvegarde des retraites, etc.) ; et de simplifier le cadre de l'appel à la générosité publique.
Enfin, le HCVA veut faciliter la consolidation des structures en sécurisant les fusions, les scissions et les apports partiels d'actifs ; en facilitant le renforcement des fonds propres via les titres associatifs ; en consolidant le développement de la vie associative avec les intérêts des contrats d'assurances-vie en déshérence.
Valérie Fourneyron devrait porter certaines de ces préconisations dans le cadre du projet de loi-cadre sur l'économie sociale et solidaire qui sera présenté en Conseil des ministres par Benoît Hamon, ministre délégué à l'Economie sociale et solidaire et à la Consommation, au mois de juin.