Sports - Les clubs franciliens face à la raréfaction de leurs ressources
Signe des temps, c'est à "l'optimisation des coûts" qu'invite le dernier dossier de l'Institut régional pour le développement du sport d'Ile-de-France (IRDS), consacré au modèle économique des associations sportives franciliennes.
Après un premier volet dédié aux moyens humains mobilisés par les clubs (lire ci-contre notre article du 7 avril 2014), l'IRDS s'est penché sur leurs ressources et dépenses. Et si le titre de son étude met en avant une idée neutre – "Une pluralité de modèles socio-économiques" –, un constat général s'impose : l'équilibre financier est "à réinventer chaque saison dans un contexte de raréfaction des ressources". La faute à qui ?... Ou plutôt à quoi ? A des ressources qui s'appuient pour environ 80% sur des acteurs économiques fragilisés : les ménages et les communes.
Côté pluralité des modèles socio-économiques, le secteur associatif sportif est bien servi. La moitié des clubs ayant répondu à l’enquête de l'IRDS fonctionne avec un budget inférieur à 31.000 euros par an. Et un quart des clubs unisports dispose de ressources inférieures à 10.000 euros. Quant aux clubs omnisports-multisports, près des trois quarts disposent d’un budget annuel de plus de 200.000 euros. Les clubs franciliens sont par ailleurs plus riches que la moyenne nationale : 63% des associations sportives françaises ont des budgets inférieurs à 10.000 euros, contre 20% seulement en Ile-de-France.
Si le budget d'un club est avant tout corrélé au recours à des salariés – les clubs employeurs ont un budget cinq fois supérieur à celui des clubs sans salariés – et à sa taille, il varie également avec le niveau de compétition et la discipline pratiquée. Le budget moyen des clubs engagés dans des compétitions nationales ou internationales est dix fois supérieur à celui des clubs ne pratiquant pas la compétition. Quant aux clubs de rugby, parce que le nombre de licenciés y est plus élevé qu'ailleurs, ils ont le budget moyen par adhérent le plus important. Les clubs d’escrime et de tennis, qui ont deux fois plus recours à l’emploi, présentent aussi un budget par adhérent supérieur à la moyenne. A l'inverse, le badminton, le tir à l’arc et le twirling bâton possèdent les budgets moyens par adhérent les plus bas.
Les cotisations, premières ressources des clubs
Ce budget, d'où vient-il ? Deux sources émergent au dessus des autres. Les ménages d'abord : les cotisations des adhérents représentent 47% des ressources pour les clubs franciliens sans salariés, et 53% pour les clubs employeurs. Des chiffres originaux dans le secteur associatif où la moyenne des ressources issues des cotisations n'atteint que 11% au niveau national. Les associations sportives ont donc "un fonctionnement singulier au regard des autres associations avec une offre de service essentiellement en direction des adhérents et donc une prépondérance des adhésions-cotisations dans leurs ressources", note l'IRDS. Seconde source majeure du budget : l’investissement des acteurs publics, "central pour l’activité des clubs sportifs". Les subventions publiques représentent 27% des ressources pour les clubs franciliens sans salariés, et 29% pour les clubs employeurs. Ce qui fait dire à l'IRDS que le coût de l’emploi dans les clubs franciliens est "largement assumé par les adhérents et les acteurs publics".
Dans le détail, plus des trois quarts des financements publics viennent des communes, devant les conseils généraux (12%). Outre le versement de subvention, 82% des clubs bénéficient d’une mise à disposition d’un équipement ou de locaux ; 13% d’une aide pour les transports ; 25% d’une mise à disposition de matériel ; et 11% d’une aide ponctuelle en personnel. Seuls 14% des clubs fonctionnent sans aucun financement public. Il est à noter que 25% des aides publiques passent par des appels à projets, soit deux fois moins que l'ensemble des associations en France.
Facteurs de fragilité
Quant aux dépenses, l'IRDS les classe en trois catégories : celles liées aux ressources humaines (salariés, défraiement des bénévoles, formations) ; celles liées à la mise en oeuvre matérielle du projet sportif du club (licences et frais fédéraux, déplacements, participation aux compétitions, etc.) ; et celles liées aux manifestations et à la sociabilité. Dans l’échantillon de l'IRDS, les dépenses liées aux ressources humaines représentent 56% des dépenses des clubs employeurs et 18% des dépenses des clubs sans salariés. Pour ces derniers, le principal poste de dépenses est constitué par les licences et frais fédéraux (20%).
La dernière partie du questionnaire de l'IRDS aborde les principaux facteurs de fragilité des clubs franciliens. Si les difficultés liées à l’accès à un équipement (pour 23% des clubs) arrivent en tête, le manque de bénévoles (11%), et surtout de bénévoles dirigeants (14%), cause aussi des soucis. Mais l'une des principales inquiétudes concerne la baisse des subventions : 18% des clubs ont cité ce critère parmi leurs trois premières difficultés. En outre, 15% des clubs ont indiqué une baisse des subventions communales au cours des trois dernières années tandis que la même proportion a indiqué une augmentation de ces mêmes subventions. Les subventions qui ont le plus souvent baissé sont celles des conseils généraux (pour 18% des clubs). Notant par ailleurs que 5% des clubs mentionnent une solvabilité plus difficile des adhérents et que 8% placent cette solvabilité parmi les premiers facteurs de leur fragilité, l'étude estime que "la raréfaction des ressources à venir est l’un des premiers facteurs de fragilité identifié par les associations sportives".
Optimiser les coûts
Face à la raréfaction annoncée des ressources traditionnelles des clubs, l'IRDS est pessimiste : "La diversification des ressources vers des financements privés ne compensera pas un éventuel désengagement public." Pour l'institut, les nouvelles formes de financements (fonds de dotation, financement participatif…) n’auront qu’un impact financier limité. En effet, ces modes de financement concernent souvent l'aide à des projets et non le fonctionnement ; ils ne conduisent pas forcément à des ressources pérennes ; et ils sont plus adaptés aux grandes associations disposant de moyens humains suffisants pour engager des campagnes. Le recours à ces nouveaux financements doit passer par les têtes de réseaux (fédérations, ligues et comités) ainsi que par un rapprochement avec les acteurs de l’économie et de l’épargne solidaires.
Face à des pistes aussi hypothétiques, l'IRDS estime donc que "l’optimisation des coûts est certainement un domaine où une réflexion collective en profondeur gagnerait à être menée par les acteurs sportifs". Et sans aller jusqu’à la fusion, certaines fonctions pourraient être mutualisées entre clubs (achat de matériel, de locaux, emplois administratifs). L'institut adresse également un message aux collectivités locales : "L’accompagnement des clubs doit s’intensifier que ce soit dans leur fonction d’employeur ou pour les aider à trouver des financements complémentaires." A défaut, les clubs pourraient augmenter les montants des cotisations, voire orienter leur activité vers les publics les plus solvables.