Le HCTS remet son "livre vert" et propose de "redonner du sens" au travail social
Le Haut Conseil du travail social, présidé par Mathieu Klein, a remis au gouvernement son "livre vert du travail social", pour lequel il avait été missionné. Mutations de la société nécessitant une évolution du travail social, formation des professionnels, attractivité (et donc revalorisation) des métiers sociaux... ces diverses dimensions sont analysées et donnent lieu à des pistes d'action.
Le Haut Conseil du travail social, présidé par Mathieu Klein, maire de Nancy et ancien président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, a remis son "livre vert du travail social". Lancé par une lettre de mission du 7 janvier 2022, mais élaboré à partir des réflexions de groupes de travail engagés à la fin de l'an dernier, celui-ci est l'une des composantes de la démarche qui s'est concrétisée par la "conférence des métiers et de l'accompagnement social et médicosocial" organisée le 18 février (voir notre article du même jour). Son ambition est "d'apporter un éclairage sur le contexte dans lequel s'inscrit l'action sociale aujourd'hui, sur ses évolutions concernant les métiers et les formations notamment afin d'en dégager des pistes d'évolution lui permettant de faire face aux défis auquel il est confronté".
Des mutations du contexte comme des pratiques professionnelles
Même si "le taux de pauvreté a peu évolué, loin des prophéties annonçant un million de nouveaux pauvres", les travailleurs sociaux risquent d'être confrontés à une "intensification de la pauvreté" et, plus généralement, à une série de défis comme le creusement des inégalités sociales et économiques ou encore les évolutions et les mutations entraînant de nouveaux besoins, comme le vieillissement de la population, la transition numérique, la demande de proximité et de participation aux décisions ou même l'impact du réchauffement climatique. S'ajoutent à ce contexte le "défi de la cohésion sociale" et le "défi démocratique pour faire société".
Tous ces éléments induisent une évolution du travail social. Celle-ci concerne le champ d'intervention des professionnels – même si la notion de professionnel du travail social reste assez floue et fait l'objet de débats –, mais aussi les évolutions des pratiques et de l'accompagnement. Si le secteur d'activité est "dynamique pour des professionnels aux métiers diversifiés" (effectifs passés de 653.000 à 976.000 salariés en vingt ans, soit +50%), il n'est pas épargné par les problèmes de recrutement, mais aussi par des conditions de travail difficiles.
Sur l'évolution des pratiques professionnelles, le rapport du HCTS évoque notamment la question de l'accès et du maintien des droits pour tous à l'ère du numérique ou l'importance de la participation (comme la co-construction des projets de vie). Il existe également des pratiques professionnelles émergentes (comme "l'aller vers") et des "pratiques réflexives en développement". Le rapport s'attarde aussi sur les principes éthiques ou déontologiques, qui sont "aux fondements du travail social". Sur ce point, le HCTS identifie différents "points de tension" et formule plusieurs préconisations (dont le maintien des guichets physiques aux côtés des guichets numériques).
Changer de paradigme
Le livre vert consacre également un chapitre aux formations sociales et propose d'engager sur ce sujet un "chantier" intégrant plusieurs axes, dont un rapprochement des formations, via l'identification et le développement de l'acquisition de compétences "socles" et le développement des formations interinstitutionnelles et interprofessionnelles. Le HCTS préconise aussi de renforcer les différentes voies d'accès aux métiers sociaux, notamment en mobilisant davantage les dispositifs d'apprentissage et de VAE (validation des acquis de l'expérience), ainsi que les contrats de professionnalisation. Dans le même esprit, il conviendrait également de repenser l'articulation entre formation théorique et formation pratique, par exemple en améliorant l'accueil sur les lieux de stage, mais aussi d'améliorer l'articulation entre l'université et la recherche.
La dernière partie du rapport du HCTS est consacrée aux enjeux de l'attractivité des métiers sociaux. Elle explique la perte d'attractivité "repérée ces dernières années" par différents facteurs : un niveau de rémunération insuffisant jusqu'au Ségur et à la conférence des métiers, la dépréciation des métiers du "prendre soin", une perte de sens pour les professionnels, mais aussi "une règlementation complexe qui freine la mise en œuvre d'évolutions cohérentes dans le secteur social et médicosocial" et l'état général de "crise" de la société.
Face à ces constats, le livre vert esquisse un certain nombre de "pistes", parmi lesquelles le suivi de la revalorisation des salaires de l'ensemble des travailleurs sociaux engagée par la conférence des métiers, la modernisation du contexte de travail ("choc de simplification", meilleur parti à tirer des outils numériques...), le dépassement des approches par catégories de métiers pour une meilleure reconnaissance des compétences des professionnels, l'amélioration de la qualité de vie au travail (horaires de travail, articulation avec la vie privée, renforcement de la prévention des risques psychosociaux...), la valorisation des parcours professionnels, ou encore la réingénierie du travail social "en changeant de paradigme, c'est-à-dire en partant de la personne concernée".