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Conférence des métiers sociaux : Jean Castex annonce une enveloppe de 1,3 milliard et la généralisation du Ségur

Le Premier ministre, clôturant la "conférence des métiers et de l'accompagnement social et médicosocial" a notamment annoncé l'extension des 183 euros nets mensuels issus du Ségur à l'ensemble des personnels de la filière socio-éducative du secteur privé non lucratif, une enveloppe de 500 millions d'euros afin de converger vers une convention collective nationale unique et des mesures de revalorisation pour les "soignants oubliés" (dont ceux des PMI) ainsi que pour les aides à domicile employées par des CCAS ou Cias.

Promise par le Premier ministre le 8 novembre dernier (voir notre article du 10 novembre 2021), la "conférence des métiers et de l'accompagnement social et médicosocial" s'est tenue ce 18 février. Un exercice particulièrement dense, d'autant plus que les négociations, en particulier entre l'État et l'Assemblée des départements de France (ADF), ont continué jusqu'à tard dans la soirée précédente. Il est vrai que l'événement, décalé de quelques semaines en raison de la vague Omicron, était très attendu et revêtait une importance majeure pour un secteur confronté à une perte d'attractivité et à des difficultés de recrutement. Même si la revalorisation des métiers sociaux et médicosociaux est loin de se cantonner au volet salarial, l'objectif immédiat de la conférence était de régler la question des "oubliés du Ségur".

Un constat unanime sur la crise du secteur

Si les attentes peuvent différer sur les mesures à mettre en œuvre pour revaloriser les métiers sociaux et médicosociaux, le constat est en revanche partagé dans une rare unanimité. Ouvrant la conférence, Olivier Véran a rappelé que, sur environ 1,3 million de salariés, 20% subissent un temps partiel non souhaité, tandis que les salariés du secteur privé à but non lucratif, qui constituent le gros des troupes, souffrent de la dispersion d'un cadre conventionnel disparate et par ailleurs trop daté, puisque les deux principales conventions collectives du secteur remontent respectivement à 1951 et 1966 et que de nombreux salariés ne sont rattachés à aucune convention et relèvent donc d'accords de branche.

Un constat partagé par Mathieu Klein, maire de Nancy et président du Haut Conseil du travail social, qui fut aussi président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle jusqu'en juillet 2020. Il juge en effet la situation actuelle comme "un édifice fragile qu'il faut constamment solidifier" et insiste sur la nécessité de réaffirmer la vocation universelle du travail social.

Deux tables rondes ont ensuite été l'occasion de nombreux échanges, témoignages vidéo et prises de parole des différentes parties prenantes qui convergeaient toutes pour souligner la crise du secteur et la nécessité d'adapter le travail social aux évolutions de la demande sociale. La première table ronde portait précisément sur le thème du "pouvoir d'agir", avec en particulier l'intervention de Denis Piveteau, qui vient de remettre au Premier ministre sont rapport intitulé "Experts, acteurs, ensemble... pour une société qui change" (voir notre article du 17 février 2022). La seconde table ronde était consacrée à "l'organisation de nouveaux parcours", avec l'intervention de Jean-Philippe Vinquant et Benjamin Ferras, les deux inspecteurs généraux des affaires sociales (Igas) chargés par le Premier ministre de la préparation de la conférence. Jean Castex a d'ailleurs tenu à rendre hommage à une "mission accomplie remarquablement dans des délais records". Lors de ces échanges, pas moins de huit ministres étaient présents et sont intervenus, dont ceux du secteur social, mais aussi Elisabeth Borne (Travail, Emploi et Insertion), Jacqueline Gourault (Cohésion des territoires et Relations avec les collectivités territoriales), Amélie de Montchalin (Transformation et Fonction publiques) et Emmanuelle Wargon (Logement).

L'ADF "prête à revaloriser ces professionnels avec l'État"

Au-delà des mesures annoncées, l'un des objectifs principaux de la conférence du 18 février était de mettre en scène l'accord trouvé entre l'État et l'Assemblée des départements de France. Lors de sa conférence de presse tenue deux jours plus tôt, l'ADF avait pourtant lancé un véhément cri d'alarme sur la situation et appelé le gouvernement à répondre à "un profond sentiment d'injustice" (voir notre article du 16 février 2022). La tonalité était sensiblement différente le 18 février et Jean Castex et François Sauvadet, qui concluaient tous deux la conférence, ont fait assaut d'amabilités. L'ADF était également représentée par les trois présidents de conseils départementaux faisant fonction de négociateurs : Frédéric Bierry (Alsace), Stéphane Troussel (Seine-Saint-Denis), et Stéphane Haussoulier (Somme).

Dans son intervention, avant la prise de parole du Premier ministre, François Sauvadet a insisté sur "les personnels à bout de souffle" et sur ceux de la filière socio-éducative, qui ressentent un fort sentiment d'injustice pour être restés les "oubliés du Ségur". Il a donc appelé à "mieux travailler ensemble", en rappelant que l'enjeu n'est pas qu'une affaire de professionnels, mais concerne la société toute entière. Le président de l'ADF s'est dit "prêt à revaloriser ces professionnels avec l'État".

Jean Castex : "Il est plus que temps de changer de braquet"

La prise de parole du Premier ministre était la plus attendue. Il a bien sûr rendu un hommage appuyé aux personnels sociaux et médicosociaux, qualifiés de "vigies de notre politique sociale". Reconnaissant que "la conférence était hautement nécessaire et très attendue", il a évoqué des métiers "menacés d'une implosion silencieuse", avec notamment "un niveau de candidatures au plus bas et un niveau de postes vacants au plus haut". En outre, ces personnels ont souvent "le sentiment d'être invisibles" ou se retrouvent mis en accusation dans l'opinion et dans les médias. Le tout, dans le secteur privé non lucratif, avec "des métiers marqués par des contrats courts, des temps partiels et des niveaux de rémunération très bas". Conclusion : "il est plus que temps de changer de braquet".

Avant de passer aux annonces, le Premier ministre a toutefois tenu à mettre les points sur les i à propos des "oubliés du Ségur". Il a en effet rappelé que la très grande majorité des personnels sociaux et médicosociaux bénéficient déjà de l'extension des mesures de revalorisation du Ségur, y compris dans le secteur privé à but non lucratif, à l'image de la mise en œuvre de l'avenant 43 pour les personnels de l'aide à domicile. Près de 1,6 million de personnes ont ainsi déjà été revalorisées. Il a également rappelé plusieurs politiques sociales engagées par le gouvernement dans le champ de l'enfance, de l'hébergement, du handicap ou de l'autonomie, avec en particulier la création de la cinquième branche.

720 millions pour la filière socio-éducative, 500 millions pour faire converger les conventions collectives

Sur la revalorisation salariale, le Premier ministre a annoncé l'extension des 183 euros nets mensuels issus du Ségur à l'ensemble des personnels de la filière socio-éducative du secteur privé non lucratif, qui restaient encore à l'écart des revalorisations. Pour permettre aux employeurs – principalement des associations – d'assumer cette charge, l'État et les départements apporteront dès cette année un financement de 540 millions d'euros, qui sera porté à 720 millions en année pleine. Deux tiers de cette dépense sont assurés par l'État et un tiers par les départements. Selon l'entourage du Premier ministre, cette revalorisation devrait bénéficier à environ 140.000 salariés (en ETP) du secteur privé non lucratif. La revalorisation prendra effet à partir d'avril 2022 mais, toujours selon Matignon, le gouvernement espère que les premiers effets se feront sentir rétroactivement sur les bulletins de juin.

L'effort ne s'arrête toutefois pas là. Un second volet tout aussi important, à hauteur de 500 millions d'euros – toujours selon la répartition deux tiers-un tiers –, afin de revoir en profondeur l'ensemble du dispositif conventionnel et de converger vers une convention nationale unique. Cette enveloppe a pour objectif de "mettre de l'huile dans les rouages", en permettant une convergence par le haut des conventions actuelles. L'élaboration d'une nouvelle convention collective est un travail de longue haleine qui relève de la négociation entre partenaires sociaux, même si le ministère du Travail est prêt à apporter son appui technique. Mais le Premier ministre met clairement la pression sur les intéressés. L'aide de 500 millions d'euros de l'État et des départements sera en effet conditionnée à l'aboutissement de la négociation conventionnelle et à la convergence vers une convention unique. De même, Jean Castex invite fermement les partenaires sociaux "à négocier sans délai un accord de méthode", dont il souhaite qu'il soit adopté "avant la fin du printemps". Cette évolution devrait notamment permettre de couvrir, par une convention collective, près de 200.000 salariés du secteur privé non lucratif, qui se trouvent aujourd'hui hors conventions et relèvent d'accords de branche.

Un rattrapage pour les "soignants oubliés"

Enfin, toujours sur le volet des revalorisations salariales, le Premier ministre a annoncé des mesures de revalorisation pour les "soignants oubliés", autrement dit des professionnels qui auraient dû relever du Ségur de la santé initial, mais qui sont restés à l'écart des revalorisations en raison de l'éclatement des filières et des cadres statutaires ou conventionnels du secteur.

Plusieurs catégories de personnels vont ainsi bénéficier de ce rattrapage du Ségur. Il s'agit en premier lieu des 3.000 médecins coordonnateurs des Ehpad qui, pour la plupart, ne relèvent pas de la fonction publique hospitalière. Il s'agit ensuite des personnels des centres de soins associatifs (structures qui sont au nombre d'environ 350), avec une possible extension vers certaines situations de centres de santé. Sont également concernés les soignants des structures de prévention, de dépistage et d'accompagnement des personnes en grande difficulté sociale. Côté collectivités territoriales, le Premier ministre a annoncé la revalorisation des médecins, sages-femmes et personnels soignants de la PMI. Leur rémunération relève des départements, mais l'État apportera une aide financière à hauteur de 30%. Enfin, bénéficieront également d'une revalorisation les 20.000 aides à domicile employées par des CCAS ou Cias et qui, relevant de la fonction publique territoriale, ne sont pas couvertes par l'avenant 43. L'ensemble de ces mesures bénéficieront d'une enveloppe de l'ordre de 140 millions d'euros.

Des mesures pour la formation et les conditions de travail

Au-delà des mesures salariales, le Premier ministre a également annoncé d'autres dispositions. Il est ainsi prévu une enveloppe de 120 millions d'euros sur trois ans en faveur de la formation professionnelle et de la validation des acquis de l'expérience (VAE), avec des actions spécifiques pour l'encadrement intermédiaire. De même, des mesures sont prévues sur les conditions de travail, à travers un plan d'amélioration de la qualité de vie au travail. Ainsi, une enveloppe de 15 millions d'euros permettra de former les managers à ces enjeux et la branche ATMP de l'assurance maladie (accidents du travail et maladies professionnelles) apportera un financement de 50 millions sur quatre ans afin de développer des actions de prévention dans un secteur très exposé à ces risques.

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé l'installation, avant le mois d'avril, d'un "comité des métiers du social et de l'accompagnement". Il aura notamment pour mission de travailler à la rénovation de l'architecture des qualifications et des diplômes, indispensable pour développer les équivalences, accompagner une montée en compétence et favoriser la mobilité des parcours. De son côté, le Haut Conseil du travail social prépare un "livre vert", qui devrait être remis très prochainement, portant sur les approches, les missions et les conditions d'exercice du travail social.

À l'issue de annonces, Jean Castex n'a pas hésité à conclure sur "un tournant historique", qui permet désormais à tout le champ sanitaire, social et médicosocial d'être couvert par le Ségur, même s'il a reconnu qu'on ne peut totalement exclure que subsistent encore quelques "trous dans la raquette". En repartant des accords du Ségur de l'été 2020, il a rappelé, non sans raison, qu'il s'agit d'une avancée encore jamais vue depuis 1945. Pour le Premier ministre, "cet investissement massif témoigne de notre profond attachement à une société solidaire et attentive ; c'est un choix de justice, de solidarité et c'est, plus encore, un choix de société".

 

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