Face aux difficultés de recrutement, un nouveau coup de pouce pour le secteur du handicap
Jean Castex a annoncé plusieurs mesures pour renforcer l'attractivité des métiers du handicap.: l'anticipation des revalorisations salariales (novembre au lieu de janvier 2022) et leur financement par l'Etat dans les établissements financés par les départements, le renforcement des outils de formation et de recrutement dans le champ médicosocial, une "conférence des métiers de l'accompagnement social et médicosocial" d'ici le 15 janvier prochain et une mission confiée à Denis Piveteau.
Plus encore que le secteur hospitalier, celui des établissements et services pour personnes handicapées est confronté à d'importantes difficultés de recrutement, tout spécialement pour les personnels soignants. S'y ajoute aussi une certaine grogne face à des mesures, prises dans le cadre du Ségur de la santé, jugées plus favorables au secteur des Ehpad et de l'aide à domicile. Le Premier ministre s'est donc rendu, le 8 novembre, dans une MAS (maison d'accueil spécialisée) de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), afin de rencontrer les résidents, leurs familles et les professionnels, et "les assurer de la mobilisation totale du gouvernement". A cette occasion, Jean Castex a annoncé plusieurs "mesures d'urgence" pour renforcer l'attractivité des métiers du handicap. Celles-ci ont ensuite fait l'objet d'une – longue – communication de la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées, lors du conseil des ministres du 10 novembre.
La revalorisation des soignants avancée à novembre 2021
Les mesures annoncées sont au nombre de quatre. La première revêt un aspect calendaire. Il s'agit en effet d'anticiper les revalorisations salariales des professionnels soignants, et leur extension à ceux exerçant dans des établissements financés par les départements. La communication en conseil des ministres rappelle ainsi que "si le Ségur de la santé a apporté une réponse nécessaire et attendue à la juste valorisation des métiers dans les hôpitaux et les Ehpad, le gouvernement a souhaité que les personnels soignants du champ médicosocial fassent l'objet d'une réponse équivalente et qui tienne compte de ses spécificités". Ceci a débouché, à l'issue de négociations menées par Michel Laforcade, ancien directeur général d'ARS, sur plusieurs accords signés le 28 mai dernier, transposant la revalorisation de 183 euros nets par mois aux personnels soignants du secteur médicosocial à compter du 1er janvier 2022 (voir notre article du 31 mai 2021). Mais cette échéance "est devenue trop tardive compte tenu des tensions de recrutement qui se sont intensifiées" et les personnels exerçant dans des structures financées par des départements "n'en bénéficient pas systématiquement, ce qui crée une iniquité que le gouvernement souhaite corriger".
Le Premier ministre a donc confirmé deux mesures intégrées par voie d'amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 : l'anticipation de la revalorisation au mois de novembre 2021 au lieu de janvier 2022 (et donc a priori de façon rétroactive) et le financement par l'Etat de cette revalorisation dans les établissements du handicap financés par les départements (soit 20.000 professionnels supplémentaires).
Mobilisation pour le recrutement et la formation
Seconde mesure : le renforcement des outils de formation et de recrutement dans le champ médicosocial. Ceci se traduira notamment par la mise en place, au sein des ARS, de "cellules exceptionnelles d'appui aux ressources humaines, afin de recueillir les besoins de chaque établissement en difficulté et de les accompagner dans la recherche de solutions, notamment par la mobilisation d'infirmières libérales". De même, les agences de Pôle emploi seront mises à contribution pour proposer des formations courtes qualifiantes, financées par l'Etat (comme cela a été fait pour les Ehpad durant la crise sanitaire).
Sur le moyen terme, il a été décidé d'augmenter le nombre des places en instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) et en instituts de formation des aides-soignants (Ifas) et de déployer des actions favorisant l'apprentissage dans les formations d'aides-soignants et d'accompagnants éducatifs et sociaux. Sans oublier la traditionnelle campagne de communication "pour attirer de nouveaux professionnels au service des personnes en situation de handicap".
Une "conférence des métiers de l'accompagnement" et un effort attendu des départements
Plus inattendue est la troisième mesure, avec l'annonce d'une "conférence des métiers de l'accompagnement social et médicosocial". Celle-ci se tiendra avant le 15 janvier prochain et, comme son intitulé l'indique, débordera le seul champ du handicap. Elle associera l'Etat, les départements "largement financeurs du secteur", et les partenaires sociaux. Précision qui ne devrait pas échapper à l'ADF (Assemblée des départements de France) : "Il est attendu qu'ils engagent des négociations dans la branche de l'action sanitaire et sociale (comme cela a été fait dans la branche de l'aide à domicile), afin de rapprocher et moderniser les conditions de carrières de ces professionnels, qui aujourd'hui ne sont pas favorables à l'attractivité de ces métiers". Avec toutefois l'annonce d'une "carotte" : "Si chacun fait preuve de responsabilité dans les attributions qui sont les siennes, l'Etat sera prêt à engager des moyens nouveaux pour être au rendez-vous du niveau d'ambition qu'exigent ces professionnels". On peut y voir l'annonce d'un possible partage du surcroît de dépenses, comme cela a été fait pour le secteur de l'aide à domicile (voir notre article du 8 septembre 2021).
Enfin, la dernière mesure consiste en la désignation de Denis Piveteau – conseiller d'Etat, premier directeur de la CNSA de 2005 à 2008, ancien secrétaire général des ministères sociaux et auteur du rapport "Zéro sans solution" sur la prise en charge de toutes les situations de handicap –, en vue de mener "une réflexion plus globale pour accompagner et redonner des perspectives aux professionnels des établissements et des services médico-sociaux, après l'épreuve de la crise [...]". Lors de son allocution, le Premier ministre a indiqué que ce travail devrait contribuer à alimenter la future conférence des métiers annoncée par le Premier ministre.