Revalorisations du Ségur : au tour des personnels des établissements pour handicapés
Matignon a annoncé la signature de deux nouveaux accords sur les revalorisations salariales des personnels soignants. Ils portent cette fois sur les établissements et services sociaux et médicosociaux (publics ou privés non lucratifs) financés pour tout ou partie par l'assurance-maladie. A savoir notamment les établissements et services pour personnes handicapées. Cela se traduira pour environ 90.000 personnes par une augmentation de 183 euros nets par mois à compter du 1er octobre 2021 pour le public, du 1er janvier 2022 pour le privé. Les principales organisations d'employeurs du secteur demandent toutefois la revalorisation des salaires de "tous les professionnels du soin et de l'accompagnement".
Les organisations syndicales et les fédérations d'employeurs ont signé, le 28 mai, deux accords qui marquent une nouvelle avancée dans les revalorisations salariales des personnels soignants engagées dans le cadre du Ségur de la santé. Après les personnels des établissements de soins et ceux des Ehpad, dont la revalorisation est entrée en vigueur le 1er décembre dernier (voir notre article du 2 novembre 2020), cette troisième vague concerne les professionnels de santé non médicaux des établissements et services sociaux et médicosociaux (ESSMS) financés par l'assurance maladie, soit environ 90.000 personnes pour un coût annuel évalué à 500 millions d'euros.
Une mise en place laborieuse
Dans un communiqué du 28 mai, le Premier ministre indique que "ces accords concrétisent l'engagement pris par le gouvernement à l'occasion du Ségur de la Santé en juillet 2020 et marquent l'aboutissement du cycle de discussions pour une meilleure reconnaissance des personnels soignants des établissements des secteurs sanitaire, social et médicosocial financés par l'assurance-maladie". En pratique, cette mesure concerne essentiellement le champ des établissements et services pour personnes handicapées. Il couvre les professionnels de santé non médicaux (au sens du Code de la santé publique), mais aussi les cadres de santé, les aides médico-psychologiques (AMP), les accompagnants éducatifs et sociaux (AES) et les auxiliaires de vie.
La mise en place de cette extension du Ségur de la santé a été plutôt laborieuse. Dans un premier temps en effet, seuls les personnels des Ehpad avaient été envisagés, laissant de côté les "oubliés du Ségur" (voir notre article du 11 février 2021). Mais le gouvernement s'est finalement engagé à examiner la situation des personnels des autres établissements et services sociaux et médicosociaux. Il a alors confié à Michel Laforcade, ancien directeur général d'ARS, la mission de rechercher une solution avec les organisations syndicales et les fédérations d'employeurs.
Revalorisation de 183 euros nets par mois à compter du 1er octobre ou du 1er janvier
Dans ce cadre, un premier accord a été signé le 11 février dernier, étendant le complément de traitement indiciaire (CTI) de 183 euros nets par mois à tous les agents des établissements sociaux et médicosociaux rattachés à un établissement public de santé ou à un Ehpad public (voir notre article du 18 février 2021).
Les deux accords du 28 mai complètent le dispositif. Le premier est un protocole signé par l'Etat, la CFDT, l'Unsa et la FHF. Il porte sur les établissements et services sociaux et médicosociaux publics non rattachés à un établissement de santé ou à un Ehpad et financés pour tout ou partie par l'assurance-maladie. Le protocole prévoit que les 18.500 soignants exerçant dans ces établissements et relevant des trois fonctions publiques bénéficieront de l'augmentation de 183 euros nets par mois à compter du 1er octobre 2021.
Le second accord du 28 mai est un "accord de méthode" (la signature finale relevant des partenaires sociaux), signé par l'État, la CFDT, l'Unsa, la Fehap, Nexem, Access, l'Ugecam et l'Ucanss. Il concerne les établissements et services sociaux et médicosociaux privés à but non lucratif financés pour tout ou partie par l'assurance-maladie. Il prévoit que les 64.000 professionnels soignants exerçant leurs fonctions dans ces structures bénéficieront d'un complément de rémunération de 183 euros nets par mois à compter du 1er janvier 2022. Outre les établissements et services pour personnes handicapées, l'accord couvre également les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) non régis par la branche de l'aide à domicile, les autres Ssiad étant déjà couverts par le prochain agrément de l'avenant 43 sur l'aide à domicile, négocié par les partenaires sociaux (voir notre article du 2 avril 2021). Sont également couverts par ce second accord du 28 mai – et toujours à compter du 1er janvier 2022 – les 9.000 professionnels soignants des structures privées à but non lucratif relevant de "l'Ondam spécifique" (objectif national des dépenses d'assurance maladie). Celui-ci recouvre les établissements et services pour la prise en charge des addictions, les lits halte soins santé, les lits d'accueil médicalisé, les appartements de coordination thérapeutiques...
Suite, mais pas fin...
Dans son communiqué, Jean Castex indique que "le dialogue entre l'État, les organisations syndicales et les employeurs se poursuivra, puisque l'accord de méthode signé aujourd'hui prévoit un travail complémentaire concernant les autres métiers de l'accompagnement du médicosocial. Il s'agira de déterminer l'effort respectif du secteur et de l'Etat dans l'amélioration de l'attractivité et de la dynamique des parcours de ces professionnels". Il précise également que "d'ici la fin de l'année 2021, une conférence multipartite conviant l'ensemble des financeurs sera réunie pour prolonger les travaux sur l'ensemble du champ social et médicosocial, en vue de définir les priorités nécessaires à l'attractivité de ces métiers".
La conclusion de ces deux accords marque une avancée importante. Le chiffre de 90.000 salariés couverts est d'ailleurs supérieur à celui qui était encore envisagé en février dernier et qui tournait alors autour de 57.000 salariés (voir notre article du 11 février 2021). Mais il reste la question des autres salariés (hors soignants) du secteur social et médicosocial à but non lucratif, dont les effectifs sont de l'ordre de 600.000 personnes. Dans un communiqué commun du 27 mai, la Croix-Rouge française, la Fehap et Nexem – trois des principales organisations d'employeurs du secteur – "réitèrent leur appel en faveur d'une revalorisation des salaires de tous les professionnels du soin et de l'accompagnement". Elles diffusent à cette occasion la lettre ouverte "Pourquoi pas moi ?", dans laquelle "le secteur privé non lucratif demande une équité de traitement pour tous les professionnels du soin et de l'accompagnement".
Les trois organisations jugent "les premières initiatives encourageantes, mais insuffisantes". Elles s'inquiètent notamment du périmètre de la réforme, "car seul le handicap financé par l'assurance maladie est visé par les différentes annonces, excluant de fait celui financé par les départements ainsi que tout le secteur social (protection de l'enfance, lutte contre les exclusions et la pauvreté, protection, juridique des majeurs)". Le coût d'une extension à l'ensemble des salariés du secteur privé non lucratif est estimé à 1,9 milliard d'euros par an.