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La LFSS 2021 marquée par la crise sanitaire, la cinquième branche et le Ségur de la santé

Publiée le 15 décembre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 est marquée par le déficit abyssal de la sécurité sociale provoqué par la crise sanitaire. Mais aussi par l'officialisation d'une future cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à la prise en charge de l'autonomie, revoyant au passage les missions et le financement de la CNSA. Une longue liste d'articles sont en outre consacrés à la mise en œuvre des engagements du Ségur de la santé.

Après son adoption définitive par l'Assemblée nationale le 30 novembre (voir notre article du 1er décembre 2020), le PLFSS est devenu la loi du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 (LFSS), sans passer cette année par la case du Conseil constitutionnel. Localtis revient en détail sur ce texte qui intervient dans le contexte très particulier de la crise sanitaire et économique et porte deux évènements majeurs : le déficit abyssal de la sécurité sociale provoqué par la crise sanitaire et les événements qui l'ont suivie (comme les mesures du Ségur de la santé) et la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à l'autonomie. Mais le texte comporte aussi de nombreuses mesures qui intéressent directement ou indirectement les collectivités territoriales.

Déficit : du jamais vu depuis la création de la sécurité sociale

Le déficit de la sécurité sociale était attendu et même pleinement assumé face à la crise sanitaire, mais les chiffres interpellent néanmoins. La LFSS clôt en effet l'exercice 2020 avec un déficit estimé à 49 milliards d'euros, au lieu des 4,5 milliards envisagés en début d'année. Entre le début et la fin de l'examen du texte, il s'est même alourdi de 2,5 milliards supplémentaires. Grâce au rebond de l'activité durant l'été, il est toutefois légèrement inférieur à la prévision du dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2020), qui prévoyait un déficit de 52 milliards.

Avec le rebond et la persistance de la pandémie sur la plus grande partie de l'année prochaine, mais aussi l'arrivée de nouvelles dépenses liées à la crise sanitaires, comme la stratégie de vaccination et les pertes de cotisations dues à la crise économique, la LFSS trace également des perspectives très sombres pour 2021. Au lieu des 28 milliards envisagés avant la deuxième vague de la pandémie, le déficit 2021 devrait s'établir, toutes choses égales par ailleurs, à 35,8 milliards d'euros. 

Le réponse à ces déficits sans équivalent dans l'histoire de la sécurité sociale ne figure pas dans la LFSS, car il n'est pas question pour l'instant d'évoquer des économies ou des réformes structurelles (avec une incertitude sur le sort de la réforme des retraites). Elle est à chercher, en amont, dans la loi organique et la loi ordinaire du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et à l'autonomie (voir notre article du 26 août 2020). Ces deux textes transfèrent en effet 136 milliards d'euros de déficit actuel et à venir de la sécurité sociale à la Cades (Caisse d'amortissement de la dette sociale), qui se financera grâce à la prolongation, jusqu'en 2033, de la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale), cotisation sociale qui devait normalement disparaître en 2024.

Naissance d'une nouvelle branche de sécurité sociale

L'autre grande novation de la LFSS 2021 est bien sûr la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à l'autonomie. Officialisation serait plus juste car, sur un plan juridique, la création de la cinquième branche remonte, elle aussi, à la loi organique et à la loi ordinaire du 7 août 2020 déjà citées (voir notre article du 26 août 2020). Mais, dans ce premier texte, la branche Autonomie reste une coquille vide, dont la définition est réduite à quelques lignes.

C'est donc bien le très long article 32 de la LFSS qui commence à donner corps à la cinquième branche. Celui-ci confie à la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) la gouvernance de la branche – ce qui peut difficilement passer pour une surprise –, même s'il laisse dans l'ombre la question de son conseil d'administration. En l'état, la cinquième branche serait la seule à être administrée par ceux qui bénéficient de ses prestations (fédérations d'établissements et services, représentants des usagers...) et non pas par ceux qui la financent (représentant des salariés et des employeurs), comme dans les autres branches de la sécurité sociale. 

L'article 32 met également à jour les missions de la CNSA. Il introduit aussi une vraie nouveauté en revoyant le financement de la CNSA, et donc de la cinquième branche. Alors que celui-ci comptait jusqu'alors une faible proportion de recettes propres et était assuré, pour l'essentiel, par la contribution de l'assurance maladie via l'Ondam médicosocial (objectif national des dépenses d'assurance maladie), le financement se compose, dès 2021, presque exclusivement de recettes propres. En effet, la contribution de l'assurance maladie via l'Ondam est remplacée par l'affectation d'une fraction accrue (1,93%) de la CSG, qui va représenter désormais 90% des recettes de la CNSA. Continuent de s'y ajouter la contribution de solidarité autonomie (CSA) et la contribution additionnelle de solidarité (Casa).

L'essentiel de la mise en place de la cinquième branche reste toutefois à venir. L'article 32 de la LFSS habilite donc le gouvernement "à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, afin de mettre en œuvre la création de la cinquième branche du régime général de la sécurité sociale relative à l’autonomie, toute mesure relevant du domaine de la loi". Le gouvernement devrait notamment s'inspirer des préconisations du rapport Vachey.

Mettre en oeuvre les engagements du Ségur de la santé

Une grande partie de la LFSS (articles 47 à 72) est consacrée à la mise en œuvre des engagements du Ségur de la santé. Figure notamment à ce titre la revalorisation des salaires des personnels non-médicaux des hôpitaux et des Ehpad. Celle-ci permettra, par exemple, aux personnels soignants de bénéficier d'une augmentation de 183 euros nets par mois, sans compter les améliorations sur diverses primes et sur le déroulement de la carrière. De même, la LFSS met en œuvre la reprise de dette et le plan d'investissement des établissements sanitaires et médicosociaux, à hauteur de 13 milliards d'euros pour cette année.

De même, la LFSS parachève la réforme des urgences (article 51) en instaurant, à compter du 1er septembre 2021 (au lieu du 1er janvier initialement envisagé), un "forfait patient urgence" (FPU), d'un montant de 18 euros. Il remplacera l'actuel ticket modérateur de 20% des soins, correspondant à un montant moyen constaté de 19 euros, et pourra être pris en charge par les complémentaires santé. Le FPU s'appliquera aux passages aux urgences non suivis d'une hospitalisation. Les femmes enceintes (à partir du sixième mois) et les nourrissons de moins d'un mois en seront toutefois dispensés, tandis que les patients reconnus en ALD (affection de longue durée) se verront appliquer un forfait réduit d'un montant de 8 euros. 

Les maisons de naissance, expérimentées depuis plusieurs années sont pérennisées (article 58). Celles-ci permettent un accouchement dit "physiologique" sans environnement médical, tout en offrant la sécurité de la proximité d'un établissement de santé en cas de problème. Aux huit maisons de naissance issues de la phase d'expérimentation vont rapidement s'ajouter une douzaine d'autres structures.

Pour sa part, l'article 59 autorise les établissements de soins à mettre en place "un dispositif d'hébergement non médicalisé en amont ou en aval d'un séjour hospitalier ou d'une séance de soins pour des patients dont l'état de santé ne nécessite pas d'hébergement hospitalier pour leur prise en charge". Il s'agit en l'occurrence des hôtels hospitaliers, qui doivent à la fois faciliter la vie des patients éloignés de l'hôpital et libérer des lits. L'article autorise les établissements de santé à déléguer à des opérateurs privés, par convention, la création et la gestion de ces hôtels hospitaliers.

La LFSS supprime, jusqu'au 31 décembre 2021, la participation de l'assuré relative aux actes de téléconsultation (article 61). Il s'agit en l'occurrence d'accompagner la montée en puissance de la téléconsultation, mais aussi de tenir compte de la persistance de la pandémie de Covid-19.

Dans le cadre de l'accès des femmes à l'IVG et de la répartition des compétences entre professionnels de santé, l'article 70 autorise, à titre expérimental et pour trois ans, les sages-femmes ayant réalisé la formation complémentaire obligatoire et justifiant des expériences spécifiques attendues à réaliser des IVG instrumentales en établissements de santé. La pratique du tiers payant intégral devient également la règle pour tous les actes liés à une IVG.

Social : personnel des Saad, congés paternité et d'adoption, prime de naissance... 

Même si le PLFSS 2021 est largement dominé par les aspects sanitaires, le volet social n'est pas oublié pour autant. Comme prévu, le PLFSS prévoit ainsi une enveloppe de 200 millions d'euros, destinée à améliorer la rémunération des personnels des services d'aide à domicile (Saad). Cette dotation doit compléter celle des départements, principaux financeurs des Saad.

Pour sa part, l'article 69 instaure, à compter de juillet 2021, un dispositif d'indemnisation des arrêts de travail en faveur des professions indépendantes (cotisant à la Cipav). Ce dispositif, soumis à diverses conditions, couvre les arrêts de travail durant une période allant jusqu'à 90 jours. Une cotisation est par ailleurs instaurée pour financer cette nouvelle mesure. 

Le congé paternité est porté à 28 jours calendaires, dont 7 obligatoires (article 73). La mesure, dont le coût est estimé à 520 millions d'euros en année pleine, entrera en vigueur le 1er juillet 2021. Ce même article 73 étend également de 10 à 16 semaines le congé pour adoption. La mesure vise les familles n'ayant pas d'enfant ou un seul enfant à charge. 

Le PLFSS avance aussi de quatre mois le versement de la prime de naissance (article 75). Il aura désormais lieu dès le septième mois de grossesse (plus précisément "avant le dernier jour du mois civil suivant le sixième mois prévu de la grossesse"), au lieu d'être versé deux mois après la naissance comme actuellement.

"Tirer les conséquences de la crise sanitaire"

L'article 76 comprend un ensemble de mesures destinées à "tirer les conséquences de la crise sanitaire". Il complète notamment l'article du code de la sécurité sociale (L.16-10-1) autorisant l'adoption en urgence et par décret de règles de prise en charge renforcée des frais de santé, ainsi que des règles relatives à l'amélioration des conditions pour le bénéfice des prestations en espèce, "en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, notamment d'épidémie". Parmi les nouvelles mesures susceptible de faire l'objet de ces procédures d'urgence figurent notamment les conditions et la durée d'attribution du droit à la complémentaire santé, à l'aide médicale ou aux soins urgents. Figurent aussi les conditions d'ouverture de droit aux prestations en espèces, ou encore la condition de stabilité et de régularité de résidence pour l'affiliation à l'assurance maladie et maternité.

La LFSS poursuit également la revalorisation de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI). Celle-ci passera ainsi de 750 à 800 euros par mois. L'ASI est désormais à la charge de l'assurance maladie et le texte prévoit d'ailleurs la création, au sein de la Cnam, d'un fonds de financement de l'allocation supplémentaire d'invalidité (article 77).

L'article 82 étend aux organismes de sécurité sociale relevant du code rural et de la pêche maritime – essentiellement la Mutualité sociale agricole (MSA) – les dispositions du code de la sécurité sociale relatives à la lutte contre le non-recours aux droits et aux prestations.

Pour sa part, l'article 85 introduit dans le code de la santé publique un long article pour définir et encadrer plus strictement les mesures d'isolement et la contention, qui doivent être des "pratiques de dernier recours". Même si ces dispositions "ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement", elles induisent nécessairement une réflexion sur les mesures de contention de certains résidents désorientés dans les Ehpad. 

La LFSS renforce les contrôles et les sanctions à l'encontre des professionnels de santé convaincus de fraude à l'assurance maladie (article 94). Elle prévoit notamment une suspension d'office de la convention en cas de seconde sanction ou de condamnation définitive sur une période de cinq ans.

Les sanctions sont également renforcés vis-à-vis d'assurés très particuliers. L'article 103 modifie en effet des dispositions du code pénal, en ouvrant la possibilité de priver de la pension de réversion les personnes coupables de crimes ou d'infractions envers leur conjoint (en clair les personnes coupables de violences conjugales). Une disposition qui rappelle celle libérant les enfants délaissés par leurs parents de l'obligation alimentaire à leur égard.

Vis-à-vis-des assurés "ordinaires", le PLFSS renforce les contrôles pour prévenir la fraude. Les mesures portent notamment sur la justification annuelle d'existence pour les assurés vivant à l'étranger (article 104). Dans le même esprit, l'article 105 ajoute une condition supplémentaire à l'attribution de l'allocation de proche aidant (ou plus précisément répare un oubli). Il prévoit en effet que "le bénéfice de l'allocation est soumis au respect des conditions de régularité de séjour et de stabilité de résidence en France".
Enfin, pour la dernière année, la LFSS (article 97) fixe l'Ondam médicosocial, qui devient dans le même temps une fraction supplémentaire de la CSG au profit de la CNSA et de la cinquième branche (voir plus haut). Cet Ondam est de 13,6 milliards d'euros pour les dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées et de 12,4 milliards pour celles relatives aux personnes handicapées. 

Référence : loi n°2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 (Journal officiel du 15 décembre 2020).

 

 

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