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PLFSS 2021 : l'Assemblée adopte le texte et ajoute encore des amendements

L'Assemblée nationale a adopté ce 27 octobre en première lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, après avoir continué de voter plusieurs amendements émanant souvent du gouvernement. Ceux-ci concernent notamment les investissements hospitaliers, la réforme des urgences, les hôpitaux de proximité, les maisons de naissance, l'IVG, les centres de santé, la lutte contre la fraude et le non-recours aux droits... Le tout avec un rehaussement des dépenses de l'assurance maladie.

Lors d'un vote solennel, ce 27 octobre, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 (sur le contenu du texte, voir notre article ci-dessous du 29 septembre 2020). Lors des dernières séances, les députés ont également continué de voter plusieurs amendements – émanant notamment du gouvernement – et intéressant directement ou indirectement les collectivités territoriales (sur les amendements antérieurs, voir nos articles ci-dessous des 19, 22 et 23 octobre 2020)

Investissements hospitaliers et violences faites aux femmes

Un amendement du gouvernement (n°2530, article 27) oriente la reprise de la dette hospitalière prévue par le Ségur de la santé vers le soutien à l'investissement et à la transformation de l'offre, "en redonnant aux établissements les marges financières nécessaires par le versement d'aides en capital destinées à financer tant les projets structurants, que l'investissement du quotidien". L'amendement accélère également la mise en œuvre de cette disposition, en réduisant de 15 à 10 ans la durée maximale de versement des dotations (sans en modifier le montant).

Deux amendements de la majorité (n°992 et 1066, art.27) soumettent toutefois la conclusion du contrat de financement entre l'ARS et l'établissement de santé – permettant ces versements – à "un suivi par le conseil territorial de santé concerné", au nom de "la démocratie sanitaire sur l'enjeu majeur que constitue le financement des établissements de santé". Dans le même esprit, d'autres amendements (n°928 et 2460, art.27) prévoient également la publication par les ARS des modalités retenues pour ces contrats.

Pour sa part, le gouvernement repousse au 1er septembre 2021, par amendement (n°2683, art.28) et pour des raisons d'organisation, l'entrée en vigueur de la réforme des urgences et plus particulièrement du "forfait patient urgences" (FPU) pour les passages aux urgences non suivis d'une hospitalisation. D'un montant de 18 euros (8 euros pour les personnes en affection de longue durée), il remplacera l'actuel ticket modérateur (30% du coût des soins sans hospitalisation). Ce forfait évitera des restes à charge trop importants comme on a pu le constater pour le Covid-19. Le gouvernement a également créé (n°2529, article additionnel après l'art.28), au titre des missions d'intérêt général financées par l'assurance maladie, une dotation destinée au financement des dispositifs dédiés de prise en charge des femmes victimes de violences, "pour permettre de soutenir leur développement sur le territoire à la hauteur des besoins constatés".

Hôpitaux de proximité, maisons de naissance et IVG

Les députés Modem ont fait adopter un amendement (n°2273, après l'art.28) prévoyant la remise au Parlement d'un rapport présentant l'état d'avancement de la mise en œuvre du dispositif de financement des hôpitaux de proximité ainsi que de celui de leur labellisation. Les maisons de naissance ont également donné lieu à plusieurs amendements dont l'utilité interroge. On y trouve à la fois un amendement proclamatoire parfaitement inutile (n°2657, art.30 : "Les maisons de naissance s'inscrivent dans une offre de soins diversifiée pour assurer aux femmes le choix de l'accouchement le plus adapté à leurs besoins"), mais aussi des amendements plutôt byzantins. Ainsi, un amendement (n°2355, art.30) du groupe Socialistes et apparentés prévoit que l'établissement de soins partenaire de la maison de naissance doit être "à proximité" de cette dernière et non plus "contigu". Amendement aussitôt sous-amendé par le gouvernement (n°2745, art.30), qui prévoit que cette proximité doit être "immédiate", ce qui ramène quasiment à la case départ... Un autre amendement (n°996, art.30) prévoit qu'une maison de naissance doit être créée par un collectif de sages-femmes et non par une sage-femme isolée, comme le texte initial en ouvrait la possibilité.

Sur l'IVG, plusieurs amendements émanant de plusieurs groupes (n°1003, 2387 et 2659 après l'art.33) prévoient de systématiser le tiers payant et donc l'absence d'avance de frais. Pour faciliter l'accès à l'IVG, des amendements de députés LREM et PS (n°1004 et 2638, après l'art 34) ouvrent, à titre expérimental, la réalisation des interruptions volontaires de grossesse instrumentales en établissements de santé aux sages-femmes ayant réalisé la formation complémentaire obligatoire et justifiant des expériences spécifiques attendues. Pour mémoire, les sages-femmes peuvent déjà pratiquer les IVG médicamenteuses.

Un autre amendement du gouvernement (n°2716 rect., après l'art.33) fait entrer les centres de santé dans le dispositif de limitation d'accès au conventionnement, à l'image de certains professionnels de santé libéraux. Cette disposition pourrait toutefois soulever un problème juridique, dans la mesure où les médecins libéraux exerçant en cabinet ou en maison de santé ne sont pas soumis au conventionnement sélectif.

Un peu de politique familiale

En matière de politique familiale – réduite à la portion congrue dans le PLFSS 2021 pour cause de Covid-19 et de Ségur de la santé – un amendement du gouvernement (n°2700, art.35) porte de 10 à 16 semaines la durée du congé pour adoption, au bénéfice des familles adoptantes et n'ayant pas d'enfants ou un enfant à charge (le congé restant à 18 semaines pour les familles ayant deux enfants à charge ou plus). La mesure devrait concerner environ 1.600 adoptions par an.

Dans le même esprit, des amendements d'une députée LREM (n°2227 et 2239, art.35) étendent le bénéfice du congé de naissance au cas du père séparé de la mère (ce qui est déjà le cas pour le congé de paternité). Plusieurs amendements émanant de la plupart des groupes (n°1007, 1292, 1895, 2144 et 2662, après l'art.35) prévoient le versement anticipé (avant la naissance de l'enfant) de la prime à la naissance, dont l'objet est d'aider les familles modestes à faire face aux premières dépenses pour préparer cette venue.

Un amendement spécial Covid-19

Pour sa part, le gouvernement a fait adopter un amendement spécial Covid-19 (n°2534 rect., art.36) ouvrant la possibilité de maintenir au-delà du 31 janvier 2021 les dispositions du décret du 31 janvier 2020, prévoyant des conditions dérogatoires d'attribution des indemnités journalières de sécurité sociale au bénéfice des assurés faisant l'objet d'une mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile et se trouvant dans l'incapacité de continuer à travailler. Une disposition qui remonte aux tout premiers cas de Covid-19 et qui retrouve toute sa nécessité avec le retour en force de la pandémie.

Non-recours aux droits et lutte contre la fraude

Dans un autre domaine, le groupe LREM a fait adopter un amendement (n°2665, après l'art.40) destiné à lutter contre le non-recours aux droits. Il charge explicitement les organismes de sécurité sociale d'une mission de lutte contre le non-recours (ce qu'ils font déjà) et les autorise à "échanger entre eux des données à caractère personnel ou collecter auprès d'autres administrations et de collectivités territoriales ces informations utiles à l'identification de leurs droits, y compris pour des personnes qui ne sont pas connues des organismes de sécurité sociale".

Du côté de la lutte contre la fraude aux prestations sociales, un autre amendement (n°2666, avant l'art.43) encadre strictement l'utilisation du NIA (numéro d'immatriculation d'attente) utilisé, avec des risques élevés de fraude, dans l'attente d'un NIR (numéro d'inscription au répertoire, communément appelé "numéro de sécurité sociale"). Toujours dans la lutte contre la fraude, un amendement du Modem (n°2566, avant l'art.43) renforce les pouvoirs de sanction des directeurs des caisses en charge des prestations d'assurance vieillesse, tandis qu'un autre (n°1670 rect., avant l'art.43) sanctionne le non-respect de l'obligation de signaler les changements de résidence ou de situation familiale.

De façon étonnante, deux amendements (n°1015 et 178, avant l'art.43) introduisent une disposition qui vient d'être supprimée du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap, voir notre article ci-dessous du 26 octobre 2020). Ces amendements prévoient que la carte Vitale est valable non plus "tout au long de la vie" de son titulaire mais "durant la validité" de ses droits. Lors de l'examen du projet de loi Asap, les députés avaient retiré cette disposition en considérant qu'une telle mesure est inutile du fait des vérifications et des mises à jour périodiques de la carte Vitale. Lors de l'examen de l'amendement au PLFSS, le gouvernement, en la personne de Brigitte Bourguignon, n'a pas réagi sur cette contradiction à quelques jours d'intervalle.

L'heure de l'addition

Le gouvernement a ensuite fait adopter plusieurs amendements pour rehausser les dépenses de l'assurance maladie de 680 millions d'euros, afin de tenir compte de l'avancement au 1er décembre 2020 de la deuxième tranche de revalorisation salariale prévue initialement en mars 2021 dans le cadre du Ségur de la santé. (n°2753, art.44), et pour majorer l'Ondam (objectif national des dépenses d'assurance maladie) en conséquence (n°2754, art.45). Autre mesure introduite par le gouvernement (n°2750, article additionnel après l'art. 45) : l'aménagement, pour l'année 2021, de la procédure d'alerte en cas de dépassement de l'Ondam. Compte tenu des très fortes incertitudes engendrées par le retour de la pandémie, il n'y aura donc pas de mesures automatiques de redressement en 2021. Un autre amendement du gouvernement (n°2755, art.50) majore, comme annoncé, l'objectif de dépense de la nouvelle branche autonomie de 420 millions d'euros, afin de prendre en compte l'impact dans le secteur médicosocial de l'avancement au 1er décembre 2020 de la deuxième tranche de revalorisation salariale prévue initialement en mars 2021 (150 millions), de financer la majoration de 120 millions des concours versés par la CNSA aux départements au titre de l'APA et de la PCH (prestation de compensation du handicap), et de permettre à la CNSA d'apporter en 2021 un concours de 150 millions aux départements qui s'engagent dans la revalorisation des métiers des services de l'aide à domicile (voir notre article ci-dessous du 19 octobre 2020).

L'éternel retour de l'amendement Creton

Enfin, plusieurs amendements ponctuels ont clos l'examen du PLFSS 2021. Ils créent une affiliation automatique à l'assurance vieillesse des parents au foyer du régime général (AVPF) pour les bénéficiaires d'un congé de proche aidant (CPA) non indemnisé, lorsqu'ils ont atteint le plafond de 66 jours d'allocation journalière (n°2664, article additionnel après l'art.47), ou prévoient un – énième – rapport sur la mise en œuvre de l'amendement Creton et les capacités d'accueil des jeunes handicapés qui deviennent majeurs (n°2300, article additionnel après l'art.51).

Pour sa part, le gouvernement a fait adopter un amendement (n°2536, article additionnel après l'art.49) qui améliore nettement la couverture de la sécurité sociale à Mayotte. S'il n'est pas encore question d'un alignement complet sur la métropole, cette mesure se situe "dans le cadre d'une trajectoire de convergence vers le régime de droit commun de la sécurité sociale, selon des modalités adaptées aux spécificités du territoire".

Référence : Assemblée nationale, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 27 octobre 2020).
 

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