Médicosocial : un décret étend les revalorisations du Ségur, le secteur s'inquiète du financement

Un décret paru le 11 février étend, en application de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, le bénéfice des mesures de revalorisation salariale du Ségur de la santé (183 euros nets par mois) aux personnels soignants des établissements sociaux et médicosociaux financés par l'assurance maladie. Notamment les Ehpad. Un autre décret est attendu côté handicap. Et reste à régler la question des hausses de salaires dans les établissements et services privés à but non lucratif.

L'article 42 de la loi du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 prévoit une extension des mesures de revalorisation salariale du Ségur de la santé aux personnels soignants des établissements sociaux et médicosociaux financés par l'assurance maladie (voir notre article du 11 janvier 2022). Un décret du 10 février 2022 met en oeuvre cette mesure prévue par la LFSS. Si ces extensions successives - et non encore achevées - des revalorisations salariales du Ségur sont bien accueillies par un secteur qui peine à recruter, elles suscitent cependant une inquiétude croissante sur un possible écart entre leur coût budgétaire et les financements affectés.

Les Ehpad en première ligne

En pratique, le décret étend le bénéfice de l'augmentation du traitement indiciaire de 183 euros nets par mois (2.196 euros par an, hors mesures annexes) à plusieurs catégories de personnels, salariés de certains établissements sociaux et médicosociaux bénéficiant d'un financement de l'assurance maladie. Le texte vise les agents publics non médicaux titulaires et contractuels des fonctions publiques d'Etat, territoriale et hospitalière, ainsi que les agents publics militaires et ouvriers de l'Etat travaillant dans ces établissements. Le champ d'application de la mesure inclut également les structures rattachées aux établissements publics de santé ou appartenant à un établissement public gérant un ou plusieurs Ehpad (y compris les personnels exerçant dans la partie dédiée à l'accueil de jour ou ceux travaillant dans des établissements ou services à caractère expérimental), ou encore ceux dépendant d'un groupement de coopération sociale et médicosociale (GCSMS) ou d'un groupement d'intérêt public (GIP) à vocation sanitaire. Le décret du 10 février prévoit aussi le versement de ce complément de traitement indiciaire à certains agents soignants des structures publiques non rattachées à un établissement public de santé ou à un Ehpad, comme les services de soins infirmiers à domicile prenant en charge des personnes en situation de handicap.

Sur le volet territorial, le décret précise qu'"un complément de traitement indiciaire est instauré pour les fonctionnaires exerçant leurs fonctions au sein des établissements suivants créés ou gérés par des collectivités territoriales ou leurs groupements". La formule vise les Ehpad (y compris l'accueil de jour sans hébergement) et les établissements et services à caractère expérimental accueillant des personnes âgées dépendantes. Par ailleurs une indemnité équivalente au complément de traitement indiciaire est également versée aux agents contractuels de droit public exerçant dans ses établissements. Rétroactives, l'ensemble des dispositions du décret entrent en vigueur, selon la structure d'exercice de l'agent, à compter de septembre 2020, de juin 2021 ou d'octobre 2021.

D'autres étapes à venir et une inquiétude sur le financement

Le décret du 10 février 2022 est toutefois loin de solder les hausses de rémunération consécutives au Ségur dans le secteur social et médicosocial. Tout d'abord, l'article 43 de la LFSS 2022 étend ces revalorisations du Ségur de la santé aux personnels soignants travaillant dans des établissements et les services sociaux et médicosociaux accueillant des personnes handicapées, financés par les départements. La mesure doit s'appliquer rétroactivement à compter du 1er novembre 2021. Un décret devrait suivre très prochainement pour la mettre en œuvre.

Ensuite, il reste à régler, par voie d'accords collectifs, la question des hausses de salaires dans les – très nombreux – établissements et services sociaux et médicosociaux privés à but non lucratif, qui représentent près d'un demi-million de salariés relevant du droit privé. Sur ce point, la concertation menée sous l'égide de Michel Laforcade, ancien directeur général d'ARS, a permis des avancées pour le secteur privé non lucratif de l'aide à domicile, avec l'entrée en vigueur du désormais célèbre "avenant 43" (voir notre article du 5 juillet 2021) et la mise en place d'un  financement partagé entre l'Etat et les départements (voir notre article du 8 septembre 2021). Mais la situation est encore loin d'être soldée pour le gros des troupes des autres services et des établissements sociaux et médicosociaux privés. La très attendue conférence des métiers du social et du médicosocial, qui va se tenir le 18 février, pourrait être l'occasion d'apporter des éclaircissements.

De façon plus large, les acteurs du secteur, y compris publics, s'inquiètent du financement des mesures de revalorisation salariale et font état d'un décalage entre le coût de ces hausses conséquentes et les moyens alloués pour y faire face. Dans un communiqué du 10 janvier, l'AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées) – qui représente les Ehpad publics – indiquait ainsi "constater depuis plusieurs mois des écarts importants entre les dépenses engagées par les établissements et les financements attribués par les ARS au titre des revalorisations Ségur". Selon l'association, "l'instruction budgétaire du 16 novembre [voir notre article du 9 décembre 2021], censée gommer ces différentiels, n'a pas permis de rééquilibrer les comptes de nombreux établissements, qui accusent pour certains des déficits de plusieurs centaines de milliers d'euros sur l'exercice 2021". Dans certaines régions, ce sont près de 60% des établissements qui sont concernés par ces différentiels.

Références : décret n°2022-161 du 10 février 2022 étendant le bénéfice du complément de traitement indiciaire à certains agents publics en application de l'article 42 de la loi n°2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 (Journal officiel du 11 février 2022).
 

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