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Petite enfance - Le droit de garde opposable, un outil d'insertion sociale ?

Alors que Michèle Tabarot, députée des Alpes-Maritimes, vient de remettre au Premier ministre son rapport sur le développement de l'offre d'accueil de la petite enfance (voir notre article ci-contre), le Centre d'analyse stratégique (CAS, ex-Commissariat au plan) se penche à son tour sur le sujet. Il publie en effet une note de veille intitulée "Droit d'accueil du jeune enfant : une double exigence qualitative et quantitative".
Celle-ci propose une approche originale de la question, à travers ses enjeux sociaux et éducatifs. L'étude invite en effet à considérer le droit à l'accueil du jeune enfant comme "une dimension essentielle d'une stratégie plus globale d'investissement dans le capital humain et de lutte contre la reproduction intergénérationnelle de la pauvreté". Elle rappelle en effet que "la privatisation de la prise en charge des petits enfants peut être un puissant mécanisme de reproduction intergénérationnelle des inégalités". En d'autres termes, une garde exclusive par une mère défavorisée ou un entourage familial défavorisé risque de peser sur les capacités de développement cognitif de l'enfant et - plus tard - sur son parcours scolaire. A l'appui de cette thèse, le CAS passe en revue un certain nombre d'études à caractère sociologique ou psychologique, montrant que les écarts importants dans les capacités cognitives sont très corrélés au niveau d'éducation de la mère et au niveau du revenu.
Dans ces conditions, "l'accès des enfants aux crèches et à des établissements préscolaires de grande qualité est une mesure efficace en faveur de l'égalité des chances, dont les plus défavorisés tirent les plus grands bénéfices". Or, ce sont précisément les parents peu diplômés, pauvres ou migrants qui recourent le moins ou accèdent le plus difficilement aux modes de gardes collectifs pour leurs enfants. Le CAS préconise donc de prendre en compte cette dimension sociale et éducative dans la mise en place du droit opposable. En pratique, il s'agirait de favoriser l'accès des familles les moins favorisées aux crèches, le recours aux assistantes maternelles étant jugé moins pertinent dans ce cas de figure.
Sachant que les modes de garde collectifs sont aussi les plus coûteux (environ 11.000 euros par place en investissement et 13 à 15.000 euros par an et par place en fonctionnement), le CAS est conscient qu'une telle approche conduirait inévitablement à faire des choix. Ceux-ci risquent de se trouver en contradiction avec les politiques des communes qui, tout en étant ouvertes au rôle social des crèches (notamment à travers une tarification allant jusqu'à la gratuité), s'efforcent à la fois d'assurer une certaine mixité sociale et de préserver leurs recettes en atténuation (les familles aisées acquittant le tarif maximal). La note du CAS juge cependant nécessaire d'aller même au-delà de la seule question des modes de garde, en préconisant "un meilleur accompagnement global de la mère et de l'enfant défavorisés [...] dès la phase prénatale". Une prise de position qui confortera les communes et les départements engagés dans le financement d'action de soutien à la parentalité.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Crèches et retour à l'emploi : la preuve par Grenoble

Le Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) a publié en mai dernier une étude réalisée par deux chercheurs sur "L'effet de l'obtention d'une place en crèche sur le retour à l'emploi des mères et leur perception du développement de leurs enfants". Cette étude a été menée en 2007 auprès de l'ensemble des familles grenobloises inscrivant un enfant en petite ou très petite section de maternelle (et ayant donc jusqu'alors bénéficié ou non d'un mode de garde). Elle a permis, à partir de l'exploitation de 1.416 questionnaires, de comparer la situation des parents dont la demande avait été satisfaite avec la situation de ceux dont la demande n'avait pu être exaucée.
En dépit des discours sur les solutions alternatives, les résultats sont sans appel. Le taux d'activité des femmes de l'échantillon était de 75% avant la naissance de leur enfant. Il est tombé à 65% lors de l'inscription en maternelle. Cette diminution globale du taux d'emploi de 10 points recouvre un recul de 15,6 points pour les mères qui n'ont pas obtenu de place en crèche, contre seulement 5,8 points pour celles qui ont pu y accéder. L'étude confirme également que les mères les plus diplômées ont davantage de facilités pour résoudre le problème posé par l'impossibilité d'accéder à une place en crèche.
L'étude s'efforce même d'évaluer l'impact économique individuel de l'obtention d'une place en crèche. Ainsi, en prenant 40.000 euros comme valeur de base d'un emploi à temps complet (coût salarial annuel moyen d'un emploi en France), les deux chercheurs obtiennent un gain immédiat, en termes de salaire de la mère, de 6.000 euros par an, grâce au surcroît d'emploi engendré par l'obtention d'une place en crèche (40.000 euros que multiplient 15%, soit l'évolution nette du temps de travail). Ce montant représente le tiers du coût budgétaire de la place en crèche. Pour être complet, il faudrait ajouter, à ce gain immédiat, le bénéfice - réparti tout au long de la carrière - d'avoir évité une interruption d'activité de longue durée.

 

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