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Insertion professionnelle - Le contrat unique d'insertion pourra-t-il tenir ses promesses ?

Le contrat unique d'insertion entre en vigueur le 1er janvier 2010. L'expérimentation menée dans douze départements fait ressortir des éléments positifs, comme l'accompagnement renforcé et la mise en place d'un référent et d'un tuteur, mais elle laisse aussi déjà percevoir les faiblesses du nouveau dispositif.

Le contrat unique d'insertion (CUI) va bientôt entrer en vigueur. Issu de la loi du 1er décembre 2008 sur le revenu de solidarité active (RSA), il doit unifier tous les contrats de travail aidés à partir du 1er janvier 2010. Le gouvernement en attend beaucoup. D'après une circulaire de programmation envoyée le 2 décembre 2009 aux préfets, il ambitionne la signature de 260.000 contrats, dont 210.000 contrats dans le secteur non-marchand (soit un rythme de 35.000 par mois ou 8.000 par semaine...) et 50.000 dans le secteur marchand.
Ce nouveau contrat doit permettre de simplifier la préparation et la gestion des contrats aidés et d'améliorer la lisibilité du dispositif d'insertion professionnelle. Sa création entraîne la suppression du contrat d'avenir (CA) et du contrat d'insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA). Le CUI sera le nouveau cadre légal de deux dispositifs existants, le contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) pour les employeurs du secteur non-marchand, et le contrat initiative-emploi (CIE) pour les employeurs du secteur marchand. Le taux de prise en charge de l'Etat sera de 90%, voire de 95% pour certains publics prioritaires. Il sera de 105% pour les ateliers et les chantiers d'insertion.
Avant sa mise en place, l'Agence nouvelle des solidarités actives (Ansa) a été chargée de mener des expérimentations au niveau départemental. Des expérimentations prévues par la loi de finances pour 2007. Douze départements, dont la Vienne, la Meurthe-et-Moselle ou encore la Haute-Corse, ont ainsi testé le CUI. Davantage (vingt au total) étaient habilités à réaliser cette expérimentation mais ont finalement décliné la proposition, ayant déjà à tester le RSA.
Les conclusions de l'expérimentation, qui seront officiellement présentées fin décembre 2009, sont plutôt bonnes. "Tous les départements ont intensifié l'accompagnement et la formation, avec notamment le suivi par un référent, la contractualisation avec un tuteur en entreprise, et l'engagement de chacun dans ce contrat", explique ainsi Claude Gorges, chargée de mission à l'Ansa. Le CUI implique en effet un accompagnement renforcé, décrit dans le décret du 25 novembre 2009 fixant les modalités de sa mise en œuvre (sur le détail de ce décret, voir ci-contre notre article "Le contrat unique d'insertion, l'autre volet du RSA"), avec la désignation d'un référent côté autorité signataire et d'un tuteur côté entreprise.

 

"Le référent unique s'occupe du service après-vente"

"Les anciens textes prévoyaient déjà la mise en place d'un accompagnement, mais là, l'engagement est plus fort et plus qualitatif, ce n'est pas que du déclaratif", assure Claude Gorges. Même avis côté départements. "Le référent unique s'occupe du service après-vente. S'il y a une difficulté de quelque nature que ce soit, comme un problème de véhicule pour le salarié, l'employeur peut l'appeler et il devra trouver une solution, ce qui n'était pas prévu du tout avant. L'accompagnement permet de sécuriser le parcours, c'est ce qui fait la différence", explique Nathalie Scorianz, chargée de mission du service Accès à l'emploi du conseil général de Meurthe-et-Moselle.
Pour cette expérimentation, le département de Meurthe-et-Moselle, qui a mis en place avec l'aide de l'Ansa le contrat TTEMM (Tremplin pour travailler en Meurthe-et-Moselle) dès octobre 2006, prémisse du CUI, a notamment choisi d'abonder les formations - allant jusqu'à financer l'ensemble d'une formation, pour un coût de 4.000 euros, pour permettre à une personne de se former au métier de coiffeur… Les résultats ont été à la hauteur des efforts du département, avec un taux de rupture de 25% à dix-huit mois, contre plus de 50% à six mois pour les contrats aidés actuels. "Globalement il y a eu une évolution très forte vis-à-vis de la professionnalisation des accompagnateurs et une vraie volonté de travailler sur le référent. Le résultat : une amélioration du taux de rupture donc, surtout dans le secteur marchand, mais aussi de la relation entre employeur, salarié et référent", détaille Claude Gorges.
Toutefois, les contraintes du CUI ne sont pas à négliger. "Cet accompagnement est efficace mais ça prend du temps, ce qui crée une augmentation des coûts", explique la chargée de mission de l'Ansa.

 

"Il est hors de question de faire un pas en arrière"

Autre difficulté : les agents de Pôle emploi risquent d'avoir du mal à vendre un dispositif qui demande également plus de temps et plus d'engagement de la part de l'employeur. "Le CUI demande une vraie négociation avec l'employeur, alors que pour les autres contrats, Pôle emploi a moins d'exigences et a pour objectif de signer le maximum de contrats aidés. Nous n'avons pas les mêmes objectifs : le département préfère signer moins de contrats mais pérenniser les emplois", reconnaît Nathalie Scorianz.
Certains souhaiteraient même que le CUI aille plus loin, à l'image d'André Corzani, conseiller général de Meurthe-et-Moselle. Si l'élu se félicite des nouvelles mesures mises en œuvre, comme l'accompagnement et l'effort de formation, il considère que "ce n'est pas suffisant". "L'exigence que nous avons ne trouve pas sa place dans le CUI", affirme-t-il. Autre grief : le calendrier de la mise en place de ce nouveau contrat. "Quand on sait que la généralisation a lieu en janvier 2010 et qu'on vient juste de nous solliciter pour un premier round de concertation, on se dit qu'on marche sur la tête !"
Enfin, la simplification du paysage actuel des contrats aidés grâce au CUI n'est pas si évidente que ça, comme le fait remarquer Nathalie Scorianz. "Dans les faits, la simplification n'existe pas : le département peut avoir un niveau d'intervention différent, les taux d'intervention de l'Etat peuvent aussi varier en fonction des publics et des secteurs d'activité..." Quoi qu'il en soit, la concertation va maintenant s'organiser entre l'Etat et les départements qui doivent signer des conventions annuelles d'objectifs et de moyens mentionnant le nombre prévisionnel de conventions individuelles conclues par le président du conseil général et la liste des taux de prise en charge des aides financières. "Il est hors de question de faire un pas en arrière dans ce domaine, estime pour sa part André Corzani. Ce n'est pas parce que la loi passe que nos ambitions trépassent !"
 

Emilie Zapalski

 

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